«Codes culturels» : vives réactions à l'acquittement d'un réfugié jugé pour viol sur mineure
Plusieurs politiques ont réagi après qu'un tribunal de la Manche a acquitté un jeune réfugié originaire du Bangladesh jugé pour le viol d'une lycéenne : la défense a évoqué le fait que l'accusé n'avait pas les «codes culturels».
Mise à jour le 29 novembre avec la réaction de la cour d'assises aux commentaires politiques suscités par l'affaire
Ainsi que le rapporte La Manche libre, un jeune réfugié d'origine bangladaise, jugé par la cour d'assises de la Manche, a été acquitté le 21 octobre du viol d'une lycéenne. La cour a en effet estimé, entre autres motifs, qu que l'accusé n'avait pas conscience de lui imposer un rapport sexuel. Il a cependant été condamné à deux ans de prison avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve pour une deuxième affaire similaire dans laquelle il comparaissait devant la justice.
L'avocat général avait requis six ans de réclusion criminelle mais les juges ont, semble-t-il, été convaincus par la plaidoirie de l'avocate de la défense. Au détour d'une longue plaidoirie, celle-ci a notamment invoqué des difficultés d'interprétation du jeune homme qui «n'avait pas les codes culturels» pour prendre conscience qu'il imposait une relation par crainte ou par surprise. Il y aurait également eu une difficulté d'interprétation de la part de la victime, qui aurait pu prendre un regard comme une menace et donc une contrainte. Enfin, les enquêteurs n'auraient pas su mesurer immédiatement le désarroi de la victime.
L'affaire pour laquelle il a été acquitté s'est déroulée le 10 décembre 2015, à Saint-Lô, dans la Manche, dans le studio qu'occupait le jeune homme dans son foyer. La victime a déclaré aux enquêteurs qu'elle était tétanisée par la peur et que, si elle avait exprimé verbalement son refus d'avoir une relation sexuelle, elle s'était montrée incapable de s'y opposer. Le jeune homme a maintenu qu'elle était consentante et même demandeuse.
L'autre affaire, pour laquelle il a été condamné à deux ans de prison avec sursis, remonte au 29 septembre 2015. Le réfugié était alors parti se promener avec une jeune fille de 16 ans, du même lycée, avant de l'emmener dans son studio et de se livrer à des attouchements. Là encore, l'accusé avait assuré que la jeune fille était consentante.
«Il considère les femmes françaises comme des p*tes»
Le président de la cour d'assises a déploré que le dossier soit, selon lui, «un peu orphelin d'un certain nombre de diligences», citant notamment l'absence de confrontation, de perquisition et de saisie du téléphone et de l'ordinateur de l'accusé et une levée de garde à vue après seulement 39 minutes d'audition.
Après l'énoncé du verdict, le président a tout de même pris soin de préciser que «la décision de la cour n'[était] pas une remise en cause de la sincérité» de la plaignante.
Selon La Manche libre, le capitaine de police de la sûreté départementale de Saint-Lô a notamment déclaré devant la cour que, lors de l'audition de l'accusé en garde à vue, il avait dû placer un brigadier entre l'interprète féminine et le jeune homme ; celui-ci tentait en effet de lui «peloter les cuisses». Selon lui, l'accusé, «considère les femmes françaises comme des p****» et aurait «un comportement de prédateur.»
Toujours selon La Manche libre, les experts qui ont examiné l'accusé «s'accordent tous pour le décrire comme narcissique et égocentré» et assurent que dans «la culture masculine du Bangladesh, son pays d'origine, les femmes sont reléguées au statut d'objet sexuel».
La sphère politique n'a pas tardé à réagir à cette nouvelle. Valérie Boyer, députée LR des Bouches-du-Rhône a notamment écrit une lettre ouverte au Premier ministre à ce sujet : «Allons-nous laisser admettre qu’il existe une culture qui permet aux hommes de violer les femmes ? Qu’il existe une culture qui réduit les femmes, nos enfants, à des objets sexuels ?»
Allons-nous laisser admettre qu’il existe une culture qui permet aux hommes de violer les femmes ? Qu’il existe une culture qui réduit les femmes, nos enfants, à des objets sexuels ? .@EPhilippePM, rappelons au monde que la France sera toujours du côté des victimes #ViolNormandiepic.twitter.com/5Nm7PEweRH
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) 22 novembre 2018
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, s'est également émue de l'affaire et a reproduit un extrait d'une publication de l'essayiste Laurent Obertone (auteur de La France orange mécanique) sur son compte Twitter en commentant : «Cette décision retourne le cœur. Que va-t-on dire à ces gamines ? De faire confiance à la justice de leur pays ?»
Cette décision retourne le cœur. Que va-t-on dire à ces gamines ? De faire confiance à la justice de leur pays ? MLP https://t.co/73JpE3JiGJpic.twitter.com/8tYs2Qybb1
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 22 novembre 2018
Une décision de justice mal comprise et un jugement «pas très sévère» selon le parquet
Après l'emballement suscité par cette affaire, l'AFP a fait savoir qu'à aucun moment, dans les huit pages de l'arrêt de la cour, il n'était question de «codes culturels». Pour le président de la cour d'assises de la Manche Jean-François Villette, interrogé par l'AFP, les affirmations des personnalités politiques sont basées sur «une fausse information, une interprétation absurde».
Et pourtant, la question des «codes culturels» a bel et bien invoquée par la défense de l'accusé. C'est la place accordée à celle-ci qui semble faire débat : «C'est une locution dans une plaidoirie de 40 minutes», argue le président de la cour d'assises de la Manche, Jean-François Villette
«La réalité c'est que bien évidemment, la décision n'est pas du tout fondée sur la "connaissance des codes" : la décision est fondée sur le fait que le comportement de la victime, qu'on ne dit pas du tout fautif, que le comportement de la victime a été tel qu'on ne voit pas très bien comment l'accusé avait pu comprendre qu'elle n'était pas d'accord pour avoir cette relation sexuelle avec lui», développe-t-il.
Marie Besse, magistrate chargée de la communication du parquet général qui, durant le procès, avait requis six ans de prison contre cet accusé, concède que la peine infligée, au vu des faits, n'est «pas très sévère»
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