George Tron connaissait-il le président de la cour d'assises qui l'a acquitté ?
Selon Mediapart, le parquet s'était interrogé sur l'impartialité du juge Philippe Coirre, qui a prononcé l'acquittement de George Tron, après avoir appris qu'il avait travaillé pour la commission des lois de l’Assemblée nationale pour un député UMP.
George Tron et le juge Philippe Coirre, qui a présidé la cour d'assises lors du procès au cours duquel l'ex-secrétaire d'Etat a été acquitté le 15 novembre, se connaissaient-ils ? Selon des informations publiées par Mediapart, cette question a été soulevée par le parquet général, chargé de porter l’accusation contre le maire Républicain de Draveil.
Plusieurs éléments relatifs au parcours du magistrat – nommé suite au naufrage du premier procès – ont intrigué le parquet. Le premier est la nomination de Philippe Coirre en temps que conseiller de Pascal Clément à la présidence de la commission des lois de l’Assemblée nationale, entre juillet 2002 et janvier 2004. Or, Pascal Clément était à l'époque un député UMP, ce qui induit que le juge travaillait de fait pour le parti de droite. A cette occasion, il a donc régulièrement pu croiser à l’Assemblée Georges Tron, lui aussi député UMP, voire faire sa connaissance. «Monsieur [Philippe] Coirre nous a assuré qu’il n’a conservé aucun souvenir d’avoir rencontré ou croisé Monsieur [George] Tron lorsqu’il a travaillé, à la commission des lois, il y a plus de 14 ans, comme rédacteur», a évacué la première présidence de la cour d’appel, interrogée par Mediapart.
Le second élément à même de faire naître un doute sur l'impartialité ou la neutralité de Philippe Coirre dans l'esprit du parquet, réside dans le fait que ce dernier a reçu en mars 2006 la Légion d’honneur des mains de Pascal Clément, devenu entre temps ministre de la Justice. Un élément biographique qui pourrait légitimement susciter une interprétation politique de la décision de la cour d’assises.
La Justice ne doit pas seulement être impartiale, mais aussi avoir l’apparence de l’impartialité
Pour trancher la question, trois hauts magistrats de la cour d’appel ont été interrogés : Philippe Coirre lui-même, Régis de Jorna (qui a présidé en 2017 le procès avorté de Georges Tron) et Chantal Arens, première présidente de la cour d’appel de Paris. Après analyse, les trois magistrats ont estimé que les fonctions de Philippe Coirre auprès de Pascal Clément étant techniques et anciennes, sa présidence ne présentait aucun défaut d'impartialité, ni soupçon de conflit d’intérêts, ni risque pour l’image de la Justice.
Mis au courant par Mediapart, les avocats des plaignants se sont montrés très surpris que ces éléments n'aient pas été évoqués auprès des parties. «J’aurais trouvé normal que le président se déporte de ce procès, ne serait-ce que pour ne pas alimenter la suspicion qui paraît aujourd’hui», a ainsi confié maître Vincent Ollivier, l’avocat de Virginie Faux. «La Justice ne doit pas seulement être impartiale, mais aussi avoir l’apparence de l’impartialité», a pour sa part renchéri Maître Loïc Guérin, l’avocat d’Éva Loubrieu.
Accusé de viols, George Tron a été acquitté par la cour d'assises le 15 novembre. Dans les motivations lues par son président Philippe Coirre, la cour avait estimé que le maire et son ex-adjointe «avaient bien participé à des débats sexuels en présence de tiers» dans un «contexte général hypersexualisé» à la mairie. Mais si les scènes à caractère sexuel évoquées par les plaignantes étaient «avérées», ces dernières n'étaient pas en «situation de contrainte», avait jugé Philippe Coirre. L'ex-secrétaire n'est pas pour autant sorti d'affaire : le parquet général a annoncé le 20 novembre faire appel du verdict de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis.