Le congrès du Front national qui aura lieu les 10 et 11 mars prochains à Lille ne sera certainement pas une sinécure pour sa présidente Marine Le Pen. Fragilisée après sa défaite à la présidentielle de 2017 et par sa piètre performance lors du débat de l'entre-deux-tours, la présidente du parti tentera de réhabiliter son statut de «chef». Mais elle doit pour cela faire face à plusieurs fronts.
Marine Le Pen devra tenir en rang serré l'électorat traditionnel du Front national (FN) et surmonter le combat judiciaire entre elle et son père, l'un des fondateurs historiques du parti, Jean-Marie Le Pen. Si ce dernier ne sera finalement pas présent lors du grand rendez-vous, il a tout de même obtenu de la cour d'appel de Versailles le 9 février son maintien en tant que président d'honneur.
Les militants du FN devraient voter de nouveaux statuts pour le parti. De quoi estomper encore un peu davantage l'ombre de Jean-Marie Le Pen – pas totalement toutefois. Ce dernier n'a en effet pas perdu de sa verve et se fait dernièrement de plus en plus présent médiatiquement, porté par le succès des ventes de ses mémoires, parues le 1er mars. Il n'a pas hésité dans son manuscrit, intitulé Fils de la nation, à rendre hommage au Maréchal Pétain qui «n’a pas manqué à l’honneur en signant l’armistice [en 1940]» ou à déclarer à propos de sa fille : «Je trouve que ce que dit Marine Le Pen est pitoyable, j'ai pitié d'elle.»
Ce n'est pas un congrès de refondation, c'est un congrès de liquidation
La fameuse dédiabolisation vient d'ailleurs rappeler que son théoricien, l'ancien numéro deux du FN, Florian Philippot, a décidé de suivre sa propre voie en quittant le parti en septembre 2017 pour créer son propre mouvement, Les Patriotes, emmenant dans son sillage plusieurs anciens cadres comme la députée européenne Sophie Montel ou le député José Evrard. Entre le FN et Les Patriotes, le déchirement est tel que leurs deux leaders, Marine Le Pen et Florian Philippot, anciens complices, ne s'épargnent aucune critique. «C'est lugubre là-bas, ce n'est pas un congrès de refondation, c'est un congrès de liquidation», a lancé le président des Patriotes sur France 2 le 9 mars. «Là-bas [au FN], plus personne n'y croit», a rajouté le député européen.
La principale menace : Marion Maréchal-Le Pen
Marine Le Pen se serait bien passée de cette division. D'autant qu'elle doit aussi affronter la montée médiatique de sa nièce Marion Maréchal-Le Pen. En effet, après sa retraite prématurée (et provisoire ?) de la vie politique en juin 2017, Marion Maréchal-Le Pen s'est notamment illustrée par une prise de parole remarquée lors d'une conférence réunissant les conservateurs américains à Washington, le 22 février 2018.
Marion Maréchal-Le Pen, 28 ans, semble ainsi attendre que les querelles entre frontistes et ex-frontistes se dissipent. D'aucuns pensent qu'elle pourrait être le leader idéal pour représenter le parti frontiste en 2022. D'ailleurs, 83% des sympathisants FN souhaitent son retour «rapide» à la politique, selon un sondage Ifop pour Valeurs Actuelles réalisé début mars. En outre, son appel du pied à une union des droites avec Laurent Wauquiez pourrait convaincre au-delà du FN.
Régulièrement interrogée sur la menace que pourrait constituer pour elle l'ex-députée du Vaucluse, Marine Le Pen se veut confiante et rassurante. Pourtant, loin de n'être que médiatique, cet engouement se mesure également au sein du parti. Le 8 mars, Le Monde révélait que sur les 299 professions de foi rédigées par les candidats au comité central du parti, Marion Maréchal-Le Pen était «toujours citée en référence».
Un nouveau nom pour une nouvelle vie ?
Tous ces doutes autour de Marine Le Pen rendent presque accessoires les débats sur le futur nom du parti. A la fin du congrès, les militants auront à décider de celui-ci par courrier : le résultat ne sera connu que dans six semaines. Néanmoins, certains frontistes demeurent dubitatifs quant à la pertinence de cette manœuvre, voulue et souhaitée par Marine Le Pen après la présidentielle. «Je considère que ça ne sert à rien de changer de nom. Ce n'est pas ça qui nous dédiabolisera», a estimé sur Sud Radio le député Gilbert Collard (et proche de Marion Maréchal-Le Pen).
Malgré tout, Marine Le Pen reste et restera le leader du parti à l'issue du congrès puisque seule candidate à sa succession. Davantage qu'il ne résoudra la crise que traverse le Front national, ce congrès marquera le début d'une nouvelle phase pour le parti. Celle-ci s'annonce pleine de défis et d'incertitudes pour la formation politique, mais également pour Marine Le Pen elle-même, dont l'avenir est plus que jamais incertain. La question qui se posera alors sera de savoir si elle parviendra à se maintenir jusqu'en 2022, date de la prochaine présidentielle.
Bastien Gouly
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