Harcèlement sexuel : Edouard Philippe fait polémique en préconisant la «séduction intellectuelle»
Le Premier ministre a tenu des propos polémiques sur le harcèlement sexuel, décrétant qu’il ne fallait pas «s’interdire […] une certaine forme de séduction intellectuelle». Il s'est aussi inquiété des «dénonciations abusives».
Dans un long entretien avec Mediapart le 22 novembre, Edouard Philippe a été interrogé sur la campagne de dénonciation du harcèlement sexuel. Le Premier ministre a plaidé pour la survivance d’«une certaine forme de séduction intellectuelle» entre les hommes et les femmes. Tout en reconnaissant qu’il existait des comportements qui n'étaient «pas acceptables» et qui devaient «être sanctionnés», il a estimé qu’une part des accusations portées pourraient être excessives. Des mots maladroits à trois jours de la Journée contre les violences faites aux femmes, qui ont provoqué un torrent de réactions sur Twitter.
Il y a une attention collective sur des comportements qui ne sont pas acceptables et qui doivent être sanctionnés
Filmé par Médiapart, Edouard Philippe s’est exprimé sur le mouvement de dénonciation des harceleurs survenu après l’affaire Weinstein, la campagne #Balancetonporc. Dans un périlleux exercice consistant à aligner des propos antagonistes, il a commencé par ménager le camp des femmes. «Il y a une libération de la parole», a remarqué le Premier ministre. «Il y a une attention collective sur des comportements qui ne sont pas acceptables et qui doivent être sanctionnés. […] On est dans quelque chose qui est plus général et qu'il faut traiter comme tel, c'est-à-dire un fait social, qu'il faut dépiauter pour pouvoir corriger et éviter qu'il ne devienne… enfin, pardon, j'allais dire éviter qu'il ne devienne une réalité, il est déjà une réalité», a-t-il ajouté.
On ne doit pas non plus s’interdire [...] une certaine forme de séduction intellectuelle.
Mais ensuite, la parole a pris un autre cap. «On peut aussi faire attention d’abord à conserver une forme de civilité entre les hommes et les femmes, à ne pas tomber dans une relation qui serait systématiquement une relation de méfiance. On ne doit pas non plus s’interdire – je vais peut-être choquer en disant ça – une certaine forme de séduction intellectuelle, qui ne peut jamais être une forme de violence, de contrainte, mais qui peut être une forme de séduction.»
«On ne peut pas non plus oublier que dans cette libération de la parole, il arrivera mécaniquement que des accusations portées soient excessives par rapport aux faits dénoncés», a jugé le chef du gouvernement. Il a aussi estimé qu’il existe «parfois des dénonciations qui laissent à penser que les faits sont peut-être un peu plus compliqués que simplement la version des faits qui est dénoncée».
Il a fini par dégainer l’argument souvent utilisé en bouclier contre le mouvement des femmes harcelées : «Il ne faut pas oublier que, même dans ces affaires, la présomption d’innocence existe.»
Face à ces propos qui contrecarrent la bienveillance envers le mouvement affichée en préambule, les internautes se sont déchainés sur les réseaux sociaux.
A commencer par la féministe Caroline de Haas, qui s’est mise à Twitter frénétiquement. Elle revient sur la question des fausses accusations. Comme dans tout mouvement massif, elle reconnaît qu'il va surgir de fausses accusations. Elle ajoute : «Vous savez quoi ? En matière de violences sexuelles, on connait leur part.»
Comme dans tout mouvement massif (là, méga massif) de dénonciation d'un fait social, il va y avoir des gens qui vont porter de fausses accusations. Vous savez quoi ? En matière de violences sexuelles, on connait leur part.
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 22 novembre 2017
Elle informe que le nombre de fausses accusations est compris entre 2 et 4 %.
C'est entre 2 et 4%. Ces fausses accusations sont graves et doivent être punies par la loi (qui le prévoit d'ailleurs). Cela signifie donc qu'entre 98%et 96% des accusations sont vraies.
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 22 novembre 2017
La féministe finit par s’indigner : «C’est quand même incroyable que le Président (en Suède) et le Premier ministre qui se sont exprimés chacun moins de 10 minutes sur le sujet, estiment nécessaire de parler de 2% à 4% des cas plutôt que de parler des autres.»
Bref, c'est quand même incroyable que le Président (en Suède) et le Premier ministre (sur @mediapart), alors qu'ils se sont exprimés chacun moins de 10 minutes sur le sujet, estiment nécessaire de parler de 2% à 4% des cas plutôt que de parler des autres.
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 22 novembre 2017
Les Internautes se sont beaucoup amusés du terme énigmatique «séduction intellectuelle». Sur Twitter, un internaute s'étonne que l'on puisse le confondre avec du harcèlement.
C'est à dire que si tu penses qu'il y a "une forme de séduction intellectuelle" dans le harcèlement, il y a déjà un problème! pic.twitter.com/szPfq0vnXx
— Christian Creseveur (@ChCreseveur) 23 novembre 2017
Un homme rappelle la réalité de ce qui est lancé aux femmes harcelées dans la rue, bien loin de la courtoisie et de jeux d'esprit. «Dis “Camion”!...."Pouet Pouet" sont une forme de séduction intellectuelle ? Au Havre peut-être, et encore !», se moque-t-il, Edouard Philippe ayant été maire durant sept ans de cette ville de Seine-Maritime.
Donc « Hey, file moi ton O6 salope! » ou « Dis “Camion”!....POUET POUET » sont une forme de séduction intellectuelle ? Au Havre peut-être, EN ENCORE! pic.twitter.com/pF5rZsJ4Dh
— LaScience 月光 (@Gekko_Hopman) 23 novembre 2017
Une autre internaute préconise, pour faire la différence entre un harceleur et un séducteur qui use de rhétorique, de créer le hashtag #balancetonséducteurintellectuel.
Ben ouais Édouard Philippe, carrément, je propose un nouveau hashtag pour que les femmes distinguent mieux les viols, agressions et harcèlement sexuel.le.s de la « séduction intellectuelle » au cas où elles n’auraient pas bien compris. Ce serait #balancetonseducteurintellectuel. https://t.co/4DYdQLFxVM
— Sylvia Place (@sylvia_place) 23 novembre 2017
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