«On ne se sent pas en sécurité ici»: l'Ecole 42 est-elle un repaire de sexistes et de fans de porno?
Quelques témoignages d'étudiantes de l'Ecole 42, fondée par Xavier Niel, qui forme la nouvelle génération des génies du codage informatique français, laissent entendre que l'ambiance y serait sexiste et la désinhibition de mise.
Ce n’est pas une très bonne publicité pour l’Ecole 42, ouverte en 2013 par l'homme d'affaires Xavier Niel pour former la fine fleur de l'informatique française. L'ambiance y serait empreinte de sexisme, selon les informations très détaillées d'un article d'Usine Nouvelle.
L'école y est présentée comme un repaire de jeunes geeks lourds, sexistes dans le pire des cas et souvent accros au porno. Et les étudiantes, qui composent moins de 10% de l’effectif de cette école présentée comme révolutionnaire, ne s’y sentent pas toutes très à l’aise...
On m’a poursuivie sur un étage et demi pour voir sous ma jupe
Les témoignages des étudiantes recensent les actes de sexisme et la balourdise qu’on aurait pu croire absentes de cet établissement en pointe à la pédagogie nouvelle. «On m’a poursuivie sur un étage et demi, que j’ai dû remonter à reculons, pour voir sous ma jupe», raconte Mathilde (le prénom a été modifié), une étudiante qui s’est confiée à la journaliste d’Usine Nouvelle. «On ne se sent pas en sécurité ici. Les couloirs de l’école ressemblent à un vestiaire de football. Cette ambiance nous bouffe littéralement», ajoute-t-elle.
Autre témoignage, celui de Lola (le prénom a été modifié) qui n’osait plus porter de jupes, ni de shorts à cause de remarques sur son physique. Au point d’envisager de quitter l’école. «Je ne me sentais pas à ma place parce que j’étais une fille. J’ai même hésité à partir», confie-t-elle.
Un tweet d'une internaute publié après la parution de l'article confirme ces dires.
Ayant fait une piscine (entière) à 42 il y a quelques années maintenant, je peux vous assurer que j'ai vu/vécu une bonne partie de ce qui est dit dans l'article @usinenouvelle . Ce n'est pas juste un cas isolé rapporté pour l'article, c'est la réalité.
— Julie Hourcade 🐧 (@JulieHourcade) 16 novembre 2017
Des accusations abusives ?
La directrice de la communication Fabienne Haas confirme que «quelques filles sont venues la voir car elles ne se sentaient pas bien dans l’école». Mais elle estime que «très peu de cas de comportements déviants [leur] ont été remontés et ceux portés à [leur] connaissance ont été traités immédiatement et des sanctions, pouvant aller du travail d’intérêt général à l’exclusion, ont été prises».
Un soin tout particulier est apporté aux questions de sexisme, comme le confirme Julien (le prénom a été modifié), un étudiant de l’Ecole 42 qui s'est confié à RT France. Il évoque un événement qui s’est produit dans les épreuves de sélection d’un mois pour être admis, dites «la piscine» : «Presque tous les étudiants se respectent, filles ou garçons. Je me rappelle, en piscine, d'un garçon qui s'est fait virer pour harcèlement.» Selon lui, l'étudiante n'aimait pas ce garçon et aurait obtenu qu’il soit exclu en avançant abusivement ce prétexte. «Je le connaissais ce garçon : il travaillait et aidait les gens».
«Intégrer plus de femmes dans le numérique a toujours fait partie des missions de l’école [...]. La pression que peuvent ressentir certaines filles n’est pas générale. Beaucoup d’étudiantes à 42 se sentent très bien et vivent très bien l’école», ajoute par ailleurs la directrice de la communication.
Une désinhibition potache davantage que du sexisme ?
«Nous ne pouvons pas empêcher des étudiants de draguer les filles, parfois lourdement» nuance la directrice de la communication, provoquant l'ire des réseaux sociaux qui l'accusent de les excuser.
Plusieurs faits sont recensés par les étudiantes : visionnage de films pornos en salle d’étude, repérage de proies sur les images de vidéo surveillance, filles dénudées sur les fonds d’écran... De fait, si de nombreux faits rapportés semblent peu décents, ils semblent parfois davantage relever d'un esprit potache et désinhibée.
«C'est une école qui veut casser les codes, qui dit à ceux qui veulent y entrer "venez comme vous êtes". Certains détournent ce message et y voient un accord de l’école à laisser faire ce qu’ils veulent», explique Mathilde. Lola remarque qu'il y a un effet d’entraînement comme dans une cour de récréation : «Certains garçons, qui ne sont pas comme ça individuellement, se comportent de manière déplacée parce qu’ils ont l’impression que c’est permis.» Toutefois Mathilde estime que «la majorité des garçons de l’école ne sont pas sexistes et beaucoup sont aussi choqués par tout ça».
Julien a quant à lui a une autre opinion sur la question : «Je n’ai vu que des fonds d’écran école 42 ou de jeux animation. Mais il y a eu des virus pendant les piscines créés par des étudiants pour s'amuser, avec une fenêtre qui s'ouvre toute seule.» Le gif en question : une scène pornographique gay avec une musique des années 80. Potache mais pas franchement sexiste… «Ce lien s'ouvrait avec le son activé, alors que 300 personnes se trouvaient autour. C'était une blague, ça faisait marrer les gens, et l'ambiance est toujours cool en piscine», estime l'étudiant.