Record historique d'abstention sous la Ve République : à qui profite la faible participation ?
A l'issue du premier tour des élections législatives, l'abstention atteint un niveau record, à 51,6%, dépassant ainsi le chiffre de la participation. Ce phénomène semble avoir profité aux candidats de la majorité présidentielle.
Déjà en nette hausse à la mi-journée par rapport à 2012 (80,76% contre 78,94% il y a cinq ans), l'abstention totale s'est finalement établi à 51,6% selon les chiffres du ministère de l'Intérieur cités par Reuters, à l'issue du premier tour des législatives. Il s'agit d'un chiffre sans précédent et symbolique : le nombre d'inscrits n'ayant pas voté dépasse, pour la première fois lors d'une élection législative, le nombre d'inscrits s'étant déplacés aux urnes.
#Legislatives2017 : l'#abstention atteindrait le taux record de 50 à 51%, selon des estimationshttps://t.co/oDkJqhu6jHpic.twitter.com/isHdBfhgUo
— RT France (@RTenfrancais) 11 juin 2017
Si la participation aux élections législatives est traditionnellement toujours moins élevée qu'à l'élection présidentielle qui la précède de quelques semaines, la démobilisation des électeurs est cette fois sans précédent. En 2012, l'abstention avait augmenté de 22% entre le premier tour de la présidentielle et le premier tour des législatives : cette année, la hausse est supérieure à 27%.
Une démobilisation favorable aux candidats LREM ?
Traditionnellement, depuis une quinzaine d'années, l'abstention profite au Front national (FN), mais pas lors des scrutins législatifs, où le parti de Marine Le Pen peine à réaliser les mêmes scores que dans les autres scrutins. Les non-votants semblent cette fois avoir donné un coup de pouce à La République en marche (LREM), arrivée très largement en tête, à plus de 32% au niveau national selon les premières estimations. Tout d'abord, parce que les règles électorales permettant l'accès au second tour ont changé : il ne suffit plus d'obtenir 12,5% des voix, mais 12,5% des suffrages exprimés. En d'autres termes, les triangulaires et quadrangulaires, obstacles potentiels pour les candidats de la majorité présidentielle, s'avèrent moins nombreuses en raison du plus faible nombre d'électeurs mobilisés.
D'autre part, les électeurs d'Emmanuel Macron seraient moins susceptibles de s'abstenir que les autres, si l'on en croit les données sociologiques issues de l'élection présidentielle. En effet, les Français ayant voté pour le candidat d'En Marche ! sont en moyenne plus diplômés et plus riches : un profil qui correspond à celui des électeurs prompts à se mobiliser lors des échéances électorales.
Au-delà de la question mathématique, reste la question politique. En hausse irrémédiable depuis 1993, l'abstention semble confirmer une défiance croissante des Français envers leur système politique. L'instauration de majorités «mal élues» pose d'ailleurs à celles-ci des problèmes de légitimité. Ainsi, si l'opposition parlementaire à Emmanuel Macron devrait être considérablement affaiblie, le président ne devrait pas pour autant pouvoir compter sur un soutien confortable de l'opinion, alors que son gouvernement s'apprête à engager des réformes déjà controversées.
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