Retraites : la CFDT et la CGT répliquent à Macron en l’appelant à la «responsabilité»
- Avec AFP
Laurent Berger et Philippe Martinez ont vivement réagi aux propos du président de la République, qui a exprimé le souhait que les syndicats ne bloquent pas le pays dans le cadre de la contestation de la réforme des retraites.
Retour à l'envoyeur. Les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT, Laurent Berger et Philippe Martinez, ont vivement répliqué ce 10 février aux propos d'Emmanuel Macron, qui a déclaré la veille depuis Bruxelles qu’il comptait sur «l'esprit de responsabilité» des syndicats pour que leur mouvement contre sa réforme très contestée des retraites ne bloque pas «la vie du reste du pays».
Berger fustige le discours «anachronique» du chef de l'Etat
«L'appel de cette nuit, je suis désolé de le dire, c'est anachronique», a tranché sur France Info Laurent Berger. «Pourquoi on nous appelle, nous, aujourd'hui, à ne pas bloquer le pays ?», s'est interrogé le leader syndical, soulignant que les syndicats ont décidé de ne pas faire grève dans les transports en commun pour permettre aux manifestants de rejoindre les cortèges prévus le 11 février.
«Excusez-moi, mais bordel, on n'est pas responsables depuis le début ? On ne fait pas le boulot ?», a-t-il lancé. «Maintenant, j'en appelle à la responsabilité du gouvernement, à la prise en compte de ce monde du travail qui exprime un profond rejet des 64 ans», a-t-il poursuivi, plaidant pour «remettre l'ouvrage sur le métier» et rouvrir les discussions sur le système des retraites. Dans le cas contraire, le gouvernement prend le risque de voir «un profond ressentiment» se développer dans le monde du travail, a-t-il averti, n'excluant pas de futurs «recours à la violence» ou la tentation de «confier une partie des responsabilités de ce pays à l'extrême-droite».
🗣 Vers un blocage du pays ? ➡️ "C’est anachronique ! Pourquoi on nous appelle nous à ne pas bloquer le pays ? Mais bordel, on n’est pas responsables depuis le début ? Maintenant, j’en appelle à la responsabilité du gouvernement, à la prise en compte de ce monde du travail.” pic.twitter.com/mXWR14mLAU
— franceinfo (@franceinfo) February 10, 2023
Macron reste sourd au dialogue, selon Martinez
Le chef de l'Etat «aime bien parler de la réforme des retraites quand il n'est pas en France», a noté pratiquement au même moment son homologue de la CGT Philippe Martinez sur Europe 1, faisant allusion au fait qu'Emmanuel Macron était en Espagne à l'occasion de la première journée de mobilisation des syndicats.
«On pourrait lui renvoyer la politesse : on compte sur l'esprit de responsabilité du président de la République et du gouvernement pour qu'on ne soit pas obligés d'amplifier les grèves et d'avoir des grèves reconductibles», a-t-il affirmé, reprenant un appel qu’il avait déjà lancé en début de semaine. «Quand il y a un tel mécontentement dans le pays et qu'on a l'esprit de responsabilité justement, [...] on écoute», a-t-il ajouté. «Il a dit à l’issue de sa réélection, qu’il avait changé, qu’il écouterait plus [...] ce qui n’est pas le cas», a constaté le patron de la CGT.
«Je souhaite d'abord que le travail puisse se poursuivre au Parlement», a déclaré pour sa part le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet européen à Bruxelles. Alors que les débats à l'Assemblée nationale ont été souvent chahutés depuis le début de l'examen du texte le 6 février, il a jugé «important que ce travail puisse se faire dans le cadre le plus serein et le plus professionnel, que la majorité et les oppositions puissent s'exprimer».
«Il y a ensuite des manifestations et des mouvements de grève qui continueront de s'organiser dans un cadre qui est prévu par la Constitution», a poursuivi le président, qui ne s'est exprimé qu'à de rares reprises sur cette réforme phare de son second quinquennat, laissant la Premier ministre Elisabeth Borne et son ministre du Travail Olivier Dussopt en première ligne.
Les syndicats, qui ont déjà été très fortement mobilisés dans la rue à trois reprises contre le report progressif de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, ont appelé à de nouvelles journées de grèves et manifestations le 11 février, mais aussi les 16 février et 7 mars, certains n’excluant pas d’aller vers des grèves reconductibles.