Une enquête interne lancée à BFM TV en raison de «soupçons d'ingérence» extérieure
- Avec AFP
La direction de la chaîne d'information en continu a lancé des investigations quant aux sources utilisées par l'un de ses présentateurs pour un sujet concernant le Maroc, n'excluant pas une tentative d'ingérence. L'intéressé est dispensé d'activité.
Une enquête interne a été ouverte depuis mi-janvier au sein de la chaîne BFM TV en raison de soupçons visant un présentateur dont certains sujets pourraient avoir subi une influence extérieure, a indiqué l'AFP ce 2 février, confirmant une information du site Politico.
«Une enquête interne a effectivement été lancée il y a plus de deux semaines à la suite d'informations reçues concernant un journaliste» désormais «dispensé d'activité», a déclaré à l'AFP la direction de la chaîne d’information en continu. Pour sa part, la société des journalistes (SDJ) de BFM TV a fait état «de soupçons d'ingérence concernant un journaliste» et affirmé que «si les faits rapportés sont exacts, ils sont graves et condamnables». Elle souligne toutefois dans un communiqué «qu'il s'agit d'un événement exceptionnel qui ne remet pas en cause le travail du reste de la rédaction, laquelle remplit au quotidien sa mission d'information de manière intègre et sincère».
Le journaliste mis en cause est Rachid M'Barki, présentateur des journaux de la nuit. L'enquête vise des «informations diffusées dans le journal de la nuit entre minuit et 4h30 du matin, qui seraient passées à l'antenne sans être validées par la chaîne habituelle, c'est-à-dire le rédacteur en chef», selon une source interne citée par l’AFP. Ladite enquête doit déterminer «si ce contenu était sous une influence quelconque» et si des images diffusées à l'antenne «venaient de l'extérieur».
Plus précisément, les interrogations portent sur un sujet relatif à un forum économique entre le Maroc et l'Espagne organisé en juin 2022. En lançant le sujet, selon un extrait encore visible sur les réseaux sociaux, Rachid M'Barki indique que le forum se tient dans la ville de Dakhla, «au sud du Maroc», et qu'il a été «rendu possible par le réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays depuis la reconnaissance par l'Espagne du Sahara marocain».
BFM TV: Forum Maroc-Espagne a La ville du Dakhla au sud du Royaume du Maroc. pic.twitter.com/CXa9ihvN09
— Naama MAOULAININE 🇲🇦 النعمة ماء العينين (@NMalainin) June 22, 2022
L’expression désigne le Sahara occidental, région contrôlée en grande partie par le Maroc mais revendiquée par le Front Polisario, soutenu par l'Algérie. Un dossier qui est de longue date source de tensions entre Rabat et Alger.
Rachid M'Barki conteste avoir participé à une «opération»
Interrogé par Politico, le présentateur a admis avoir utilisé des informations provenant «d'informateurs» et qui n'ont «pas forcément suivi le cursus habituel de la rédaction». «Elles étaient toutes réelles et vérifiées», a-t-il cependant affirmé, n’écartant pas la possibilité de s’être «fait avoir», mais sans avoir «l'impression» de participer à une quelconque «opération».
Politico relève que Rachid M'Barki, alors déjà en poste à BFM TV, avait été invité en juillet 2019 à une célébration du vingtième anniversaire de l'accession au trône du roi du Maroc, et avait eu l'occasion d'évoquer ses liens avec le pays dans un entretien au média marocain Le 360. Interrogé sur sa participation à un rapprochement «à travers des ONG» entre la France et le Maroc, le journaliste y affirmait vouloir «rester très discret là-dessus», ajoutant : «J’essaye d’agir à ma manière, à mon petit niveau, pour faire briller le Maroc.»
«Nous ne pouvons tolérer aucun début de soupçon sur le travail de BFM et de ses 300 journalistes», a pour sa part assuré la direction de BFM TV, affirmant qu'elle prendrait «toutes les mesures juridiques, judiciaires, individuelles et d'organisation» en fonction des conclusions de l'enquête.
Comme le souligne Politico, la nouvelle intervient sur fond de scandale de corruption et d'ingérence étrangère présumée au Parlement européen, plusieurs eurodéputés en poste et d'anciens élus étant soupçonnés par la justice belge d’avoir reçu des pots-de-vin pour soutenir des positions favorables à certains Etats étrangers, dont le Qatar et le Maroc.