Kurdes tués à Paris : un acte raciste, mais pas terroriste, aux yeux du parquet

- Avec AFP

Kurdes tués à Paris : un acte raciste, mais pas terroriste, aux yeux du parquet© Delil SOULEIMAN Source: AFP
Des Kurdes syriens brandissant une bannière avec les photos des trois victimes de la fusillade de Paris, lors d’une manifestation à Hassaké, le 25 décembre 2022. (Photo d’illustration)
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Faute d'éléments reliant le suspect à l'idéologie raciste, le parquet antiterroriste ne s'est pas saisi de l'enquête sur l’assassinat des trois Kurdes à Paris, relançant le débat sur la frontière entre droit commun et acte terroriste.

Devant les enquêteurs, William Mallet, l’homme accusé d’avoir tué trois personnes en plein Paris le 23 décembre, à proximité du centre culturel kurde, a reconnu sa «haine des étrangers pathologique» et son envie «d'assassiner des migrants».

Mais les motivations racistes de ce conducteur de train retraité n'ont pas été adossées à une idéologie suprémaciste. Ainsi, le parquet national antiterroriste (Pnat) ne s’est à ce stade pas saisi de l'enquête et l'information judiciaire a été confiée le 26 décembre à un juge d'instruction du pôle général du tribunal de Paris.

De nombreux Kurdes, notamment lors de manifestations émaillées de débordements d'une grande violence, refusent de croire à la version d'un tireur aux motivations racistes, et dénoncent un acte «terroriste» en mettant en cause la Turquie. «Il est inadmissible que le caractère terroriste ne soit pas retenu», a considéré, dans la foulée de la fusillade, Agit Polat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F).

«Le fait que nos associations soient prises pour cible relève d'un caractère terroriste et politique», a-t-il estimé le 24 décembre, après sa rencontre avec le préfet de police. La veille, le représentant kurde jugeait «inadmissible que le caractère terroriste ne soit pas retenu».

L'intention de l’auteur prime sur les conséquences de l’acte

Les Kurdes ont reçu le soutien du chef de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, qui a lui aussi demandé une saisine du Pnat, refusant de croire que les Kurdes ont été tués par «hasard». «C’est un acte terroriste», «ce n’est pas une aventure individuelle» avait notamment lancé l’ex-candidat à l'élection présidentielle, lors d'une manifestation le 24 décembre en hommage aux victimes.

En réaction, l'ambassadeur de France en Turquie Hervé Magro a été convoqué ce 26 décembre par le gouvernement turc, Ankara protestant contre ce qu'elle perçoit comme une «propagande anti-Turquie». «Nous avons exprimé notre mécontentement face à la propagande lancée par les cercles du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] contre notre pays, le gouvernement français et certains politiciens étant utilisés comme des instruments de propagande», a critiqué cette source.

Le Pnat, qui s'est rendu sur les lieux du triple assassinat peu après les faits, ne s'est pas saisi, mais a examiné attentivement les premiers éléments révélés par l'enquête. 

«Le code pénal définit les actes terroristes comme ceux commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur», rappelle auprès de l'AFP le parquet antiterroriste.

Aucun lien avec «une idéologie extrémiste»

Pour que le Pnat se saisisse, il faut «caractériser chez l'auteur des faits une intention spécifique qui est celle d'adhérer à une entreprise terroriste», précise-t-il. «Ce ne sont donc pas les conséquences d'un acte qu'il faut analyser, mais l'intention de son auteur, le but qu'il a poursuivi». Une attaque peut «troubler gravement l'ordre public» sans que «l'intention de l'auteur [ait été] nécessairement de terroriser ou d'intimider», selon le Pnat.

La perquisition du domicile de William Mallet comme l'exploitation d'un téléphone et d'un ordinateur n'ont révélé aucun lien avec «une idéologie extrémiste», a rapporté la procureure de Paris Laure Beccuau. Le suspect n'était ni connu des services de renseignement ni fiché comme appartenant à l'ultradroite, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

«Je comprends que ça puisse choquer, mais le Pnat est toujours prudent et préfère partir d'"en bas", sur une infraction de droit commun et passer à une qualification terroriste si les avancées de l'enquête le justifient», explique Xavier Nogueras, avocat habitué des procédures terroristes.

Les investigations se poursuivent et il n'est pas exclu que les faits soient requalifiés en assassinats terroristes si des éléments accréditant cette piste apparaissent au fil de l'information judiciaire.

Un précédent douloureux pour la communauté kurde

L'attaque meurtrière rue d'Enghien fait écho pour la communauté kurde à l'assassinat de trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) le 9 janvier 2013 à Paris. Les investigations sur ces trois morts avaient alors été qualifiées d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste.

La qualification terroriste avait été justifiée notamment par le profil des victimes, des militantes du PKK, et du suspect, Omer Güney. Ce ressortissant turc, mort en 2016, était soupçonné d'être proche des milieux ultranationalistes turcs et d'avoir infiltré la communauté kurde en France depuis fin 2011.

«On ne comprend pas bien la logique du parquet: en 2013 l'enquête avait été ouverte pour infraction terroriste pour des faits similaires» à ceux survenus rue d'Enghien, s'étonne auprès de l'AFP Antoine Comte, avocat de parties civiles. Pour lui, «un assassinat de trois personnes dans les rues de Paris, c'est évidemment pour répandre la terreur dans la population kurde, mais pas uniquement».

«Entre Güney et aujourd'hui, les contours des infractions terroristes ont été beaucoup mieux définis parce qu'on a eu beaucoup de jurisprudences avec les différents procès qui ont eu lieu depuis l'affaire Merah», estime Maître Nogueras, qui a été l'avocat de Omer Güney. «Il n'est pas sûr que le Pnat se serait saisi immédiatement si les meurtres de 2013 avaient eu lieu aujourd'hui», considère-t-il.

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