Retraites : le problème n’est pas le financement, mais l’appauvrissement planifié des retraités

Retraites : le problème n’est pas le financement, mais l’appauvrissement planifié des retraités© AP Photo/Thanassis Stavrakis
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Le financement du système des retraites devrait occuper une place importante dans le débat politique d’ici la prochaine élection présidentielle. Mais est-ce par défaut ou parce que c’est réellement nécessaire, et pose-t-on les bonnes questions ?

Pas un jour ou presque ne passe sans qu’un homme politique, en campagne pour lui ou pour le champion de son parti, ne détermine sa position sur la question des retraites. En début de semaine, le candidat à l’investiture des Républicains, Xavier Bertrand, déclarait par exemple sur France info : «A la fin de cette décennie, il faudra que l'on arrive à deux années de travail en plus. Je présenterai une réforme des retraites pour que l'on augmente d'un trimestre par an la durée au travail.»

En fin de semaine précédente, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe avait, dans une interview accordée au magazine Challenges, plaidé, lui, pour reculer l'âge de départ à la retraite «à 65, 66 ou 67 ans». Quelques jours plus tard, interrogé par la chaîne Public Sénat sur les déclarations de l’ex-Premier ministre, le délégué général de La République en marche Stanislas Guérini, estimait que c’était «aller trop loin », tout en concédant : «Il faut travailler plus longtemps », sans toutefois expliquer pourquoi.

L’idée générale répandue dans les médias par un grand nombre d’hommes politiques – le plus souvent situés à droite de l’échiquier politique ou issus de l'actuelle majorité présidentielle – est que l’équilibre du système des retraites est menacé, et qu'il va falloir une fois de plus le réformer, principalement en passant par un rallongement de la durée de cotisations et un report du départ à la retraite. Par exemple, dans son interview à Challenges, Edouard Philippe affirmait : «A près de 330 milliards [d'euros], les pensions constituent de loin le premier poste budgétaire.» Mais qu’en est-il vraiment des comptes du régime ?

Avant la crise, le système «quasiment à l’équilibre»

Dans son dernier avis annuel daté du 15 juillet, le comité de suivi du Conseil d’orientation des retraites (COR) explique que les mesures d’âge de la réforme de 2010 combinées à la montée en charge progressive des effets des réformes précédentes, ainsi qu’à l’accroissement des ressources – hausse de taux de cotisation et mobilisation supplémentaires d’impôts et de taxes – ont «permis d’enclencher un redressement du solde et [que], en 2019, le système était quasiment à l’équilibre».

Autrement dit, les réformes précédentes ont joué leur rôle, et, à la veille du déclenchement de la crise sanitaire, il n’y avait tout simplement pas de problème de financement du régime. Depuis, la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19, la plus grave depuis la guerre, a entrainé une diminution ponctuelle des recettes de cotisations de 4%. En conséquence, le système de retraite a enregistré un déficit ponctuel de 18 milliards d’euros, soit 0,8% du produit intérieur brut (PIB) de la France, ramené à 13 milliards d’euros, soit 0,6% du PIB, en tenant compte d’un transfert exceptionnel du Fonds de réserve des retraites (FRR). Ce dernier avait été créé en 2001, pour mettre des ressources de côté en prévision du surplus de dépenses de pensions occasionné par l’arrivée à la retraite des générations du baby-boom.

Equilibre des retraites contre dépenses fiscales

Sur un an, celui de la pire crise économique, l’impact du déséquilibre conjoncturel du régime a été équivalent, pour les finances publiques, au montant des dépenses fiscales de l’Etat qu’a constitué la suppression des impôts de production (environ 10 milliards d’euros) et le coût annuel de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) estimé à 3 milliards d'euros par an. Sauf que l’on peut espérer que le gros de la crise sanitaire est derrière nous et que son impact économique direct sur le régime n’aura duré que l’année de la crise, tandis que les deux mesures évoquées plus haut sont des dépenses durables entrainant une perte structurelle pour le budget de l’Etat.  

En outre, on ne calcule pas l’équilibre d’un régime des retraites année par année, mais sur des périodes longues. Par exemple, le décret n° 2014—654 du 20 juin 2014 relatif au comité de suivi du COR invite à raisonner en termes de solde cumulé sur un horizon de 25 ans. Et, à cette échéance, le solde annuel du régime varierait, selon les hypothèses étudiées par le COR, entre – dans la pire des situations – un déficit équivalent 0,6% du PIB et – dans la meilleure – un très léger excédent de 0,2%.

Autrement dit, il n’y a pas, comme le disait le candidat Emmanuel Macron pendant sa campagne en 2017 de nécessité comptable à une réforme des retraites. Celle qu’il prévoyait alors était motivée selon lui par un soucis d’équité et de simplification.

Le problème des 28% 

D’une manière générale, ce que l’on peut reprocher au système d'assurance vieillesse français est le haut taux de cotisation (28%) prélevé sur les revenus pour le financer. Ce taux a quasiment doublé depuis les années 70 et il est une des raisons pour lesquelles, la France figure dans le peloton de tête des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le montant des prélèvements obligatoires. Or, cette situation est réputée avoir un impact néfaste sur la compétitivité des entreprises et donc, sur leur capacité à embaucher, et in fine sur l’emploi en général. 

La question d’un relèvement de départ de l’âge à la retraite n’a donc pas de justification comptable, mais relève d’un choix politique. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de problèmes et que les futurs retraités peuvent dormir sur leurs deux oreilles ? Non, car tandis que le niveau de vie moyen des retraités n’a cessé de s’améliorer jusqu’en 2020, date à laquelle il était légèrement supérieur au niveau de vie moyen de l’ensemble de la population, toutes les projections, à législation inchangée, le voient décroître inexorablement dans les années à venir, relativement à la moyenne de la population.

Sur la base d’une hypothèse médiane de croissance annuelle du PIB de 1,5%, le niveau de vie moyen des retraités passerait de plus de 102,8 % du revenu moyen de la population en 2020, à 80% de ce revenu en 2070. Cela s’explique principalement parce que les pensions sont en principe indexées sur l’inflation qui progresse en France moins vite que les salaires.

Pour mieux maintenir leurs revenus, le législateur pourrait décider de relever le taux de cotisation. Après tout, si l’on sait que le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de personnes touchant une pension ne cesse de se dégrader, on comprend bien que pour maintenir un niveau de vie il faudra épargner plus en vue de sa retraite. Relever le taux des cotisations serait une manière de la faire.

D’ailleurs, le taux de cotisation est, avec le montant des pensions versées et l’âge de départ légal à la retraite (aussi appelé en langue bureaucratique «âge de liquidation de la pension»), un des trois leviers ou paramètres de l’équilibre du régime. Mais cette hypothèse est peu présente dans le débat politique. Et le décret mentionné plus haut, interdit également au COR de recommander d’augmenter au-delà des 28% actuels la somme des taux de cotisation d'assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains pour un salarié non cadre. 

Enfin, pour les fonctionnaires, dont les régimes sont par nature équilibrés puisque financés directement par l'Etat, la question est plus simple : le gel depuis une dizaine d'années de l'indice de leurs salaires programme tout simplement la baisse de leurs retraites, par rapport au reste de la population.

Ivan Lapchine

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