Brexit : Paris menace de «mesures de rétorsion» si l'accord sur la pêche n'est pas mis en œuvre
- Avec AFP
Quatre mois après l’accord de Brexit, la majorité des pêcheurs français ne peuvent toujours pas accéder aux eaux britanniques. Le ministre français chargé des Affaires européennes a menacé de rétorsions mais c'est Bruxelles qui tient le bâton.
«Nous demandons tout l'accord, rien que l'accord et tant qu'il ne sera pas mis en place [...] nous prendrons des mesures de rétorsion dans d'autres secteurs si c'est nécessaire», a déclaré le 27 avril le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, sur la chaîne BFM Business.
«Le Royaume-Uni attend de notre part un certain nombre d'autorisations sur les services financiers. Nous n'en donnerons aucune tant que nous n'aurons pas les garanties que sur la pêche et d'autres sujets, le Royaume-Uni respecte ses engagements», a-t-il ajouté. «C'est donnant donnant. Il faut que chacun respecte ses engagements sinon nous serons aussi brutaux et difficiles que nécessaire comme partenaires», a-t-il lancé.
En disant «nous», le ministre chargé des Affaires européennes sous-entend «Bruxelles». C'est en effet la Commission européenne – et non les Etats membres – qui a le pouvoir de faire pression sur le Royaume-Uni dans le cadre des négociations sur les services financiers. Ces derniers, en effet, ne sont pas inclus dans l’Accord de commerce et de coopération entre l'UE et le Royaume-Uni (ACC) signé in extremis le 24 décembre 2020.
Point d'achoppement jusqu'au bout des négociations sur le Brexit, l'accord sur la pêche tarde encore à se mettre en place, suscitant la grogne des professionnels et un appel de la France à une action européenne ferme. L'accord prévoit notamment que les Britanniques délivrent des licences pour la zone des 6-12 milles marins au large de leurs côtes, où les pêcheurs européens se rendaient traditionnellement.
22 chalutiers sur 120
Or, plus de quatre mois après l'aboutissement des négociations, seulement 22 bateaux sur 120 de Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, ont reçu l'autorisation permettant d'accéder à ces eaux riches en poissons, selon un responsable local de la filière, Olivier Leprêtre, cité par l'AFP. De plus, tous ne pourront l'obtenir car il a été conclu que ces licences ne seraient accordées qu'à des navires pouvant fournir des données historiques sur leur fréquentation des eaux britanniques. Cela suppose de disposer d'équipements électroniques dont tous les bateaux n'étaient pas équipés.
En attendant, la ministre de la Mer, Annick Girardin, a annoncé le 26 avril aux pêcheurs de Boulogne-sur-Mer une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre d'un plan d'accompagnement de la filière pêche post-Brexit, tout juste validé par Bruxelles. Cette nouvelle a été accueillie avec soulagement par le président du comité régional des pêches qui, cité par l’AFP, a salué un plan «intéressant» qui permettra, selon lui, «de maintenir la tête hors de l’eau».
Ce dernier a néanmoins aussi souligné que la délivrance des licences restait «une priorité» et qu'elle devait intervenir rapidement au risque que beaucoup de navires finissent à la casse et que les professionnels recommencent à Boulogne-sur-Mer les barrages de transporteurs du Royaume-Uni vers le continent commencés la semaine dernière.
«En contact permanent»
Contactés par RT France pour commenter la situation, les services de la Commission européenne ont déclaré être «en contact permanent» avec les autorités britanniques pour faire en sorte que «toutes les demandes de licence soient traitées immédiatement». Un porte-parole a précisé que la Commission était «prête à traiter toute demande supplémentaire documentée de la France».
Enfin, pour ce qui est des preuves électroniques d’activité de pêche dans les eaux territoriales britanniques, la Commission affirme aussi qu’elle «coopère étroitement avec la France pour intensifier ses efforts de récupération des données historiques sur les activités à partir de diverses bases de données nationales».
Malgré ce contexte tendu, les parlementaires européens devraient ratifier à une large majorité le texte de l’ACC. Un vote devenu urgent car l'application provisoire du texte, effective depuis le début de l'année, s'achève le 30 avril et le Royaume-Uni a exclu toute prolongation.