Airbus va mettre 3 000 salariés en chômage partiel et annonce un horizon bouché pour l’aéronautique
Les mesures prises pour endiguer l’épidémie mondiale de Covid-19 ont déjà coûté au géant européen de l’aéronautique un tiers de sa production. Le président d’Airbus prépare les esprits à une restructuration coûteuse en emplois.
Dans une lettre adressée aux 135 000 employés du groupe à la fin de la semaine dernière, le président d’Airbus, Guillaume Faury, écrit que le groupe «saigne de l'argent à une vitesse sans précédent» et que la baisse récente de plus d’un tiers du rythme de production n'est pas le pire des scénarios.
En effet, les mesures de confinement imposées un peu partout dans le monde ont quasiment interrompu les livraisons d’avions commerciaux depuis la mi-mars. L’action du groupe aérospatial européen a clôturé en baisse de 2,4% ce 27 avril après avoir connu, en cours de séance, une des plus fortes baisses de l'indice CAC40.
Airbus a publié le 29 avril une perte nette de 481 millions d'euros au premier trimestre, contre un bénéfice net de 40 millions d'euros un an plus tôt. Le chiffre d'affaires a lui baissé de 15,2% sur les trois premiers mois de l'année, à 10,6 milliards d'euros.
La compagnie a commencé à mettre en œuvre des programmes de chômage partiel en France en avril pour quelque 3 000 travailleurs en France. Mais, dans sa lettre, Guillaume Faury prévient que des mesures à plus long termes pourraient se révéler nécessaires.
«La survie d'Airbus est en question si nous n'agissons pas maintenant», a-t-il ajouté. Le 27 avril, Airbus a mis en chômage partiel 3 200 personnes dans son usine de Broughton au Pays de Galles, où s’est déjà accumulé un stock d’ailes d’avions construites en surnombre en prévision de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne.
Vers 10 000 suppressions de postes cet été ?
Des «sources dans l’industrie» citées par Reuters affirment qu’un plan de restructuration prévoyant 10 000 suppressions d'emplois pourrait être lancé cet été. Guillaume Faury annonce aussi dans son courrier qu'Airbus explore déjà «toutes les options» en attendant d’y voir plus clair sur les futurs besoins du marché de l’aéronautique civile.
Des sources proches du dossier citées par Reuters affirment qu'Airbus est également en pourparlers actifs avec les gouvernements européens au sujet des plans d’aide pour les entreprises en difficulté, y compris des milliards d’euros de prêts garantis par l'Etat. Plus tôt dans le mois, Airbus a restructuré ses lignes de crédit «le temps de s'adapter et de se redimensionner», selon les termes de la lettre du président de l’avionneur européen. Les responsables syndicaux français se préparent d’ores et déjà à une restructuration majeure cet été et ont promis de défendre les emplois.
Un tiers d'activité en moins
Pour endiguer les sorties de trésorerie, Airbus a annoncé ce mois-ci une réduction de la production de la gamme des A320 et A 321 d'un tiers à 40 appareils par mois. Sur le segment des gros porteurs comme les A330 et A350, la baisse de charge pourrait atteindre jusqu'à 42% par rapport à l’année dernière.
«En d'autres termes, en seulement quelques semaines, nous avons perdu environ un tiers de notre activité», écrit Guillaume Faury dans la lettre, ajoutant que ce n'est pourtant «pas le pire des scénarios» auquel Airbus aurait pu être confronté. Début avril des sources citées par Reuters envisageaient même des réductions de production allant jusqu’à 50%. Le rival américain Boeing n’est guère mieux loti et devrait lui aussi annoncer dans les prochains jours des suppressions d’emploi et une chute brutale de sa production mensuelle de 787 à six appareils seulement.
Malheureusement, l'industrie aéronautique va émerger dans ce nouveau monde beaucoup plus faible et plus vulnérable que ce que nous avons connu
Faisant face à une situation financière plus dégradée que son concurrent européen en raison des difficultés du 737 Max, Boeing a dû renoncer la semaine passée à sa «fusion» (dans les faits une absorption) avec le constructeur brésilien Embraer.
Dans sa lettre, le patron d’Airbus précise que le nouveau plan de production réduit sera maintenu le temps de procéder à une évaluation plus approfondie du marché, ce qui pourrait prendre deux et trois mois. Jusqu'à présent, les analystes et les compagnies aériennes ont pour la plupart évoqué une récession sectorielle qui pourrait durer de 3 à 4 ans. «Malheureusement, l'industrie aéronautique va émerger dans ce nouveau monde beaucoup plus faible et plus vulnérable que ce que nous avons connu», prophétise également Guillaume Faury.