En quelques semaines le futur régime de retraites «universel» est devenu un régime d’exceptions
Policiers, militaires, danseurs de ballets, aides-soignants… Les négociations avec les syndicats tournent à la foire aux exceptions. La promesse d’un système où chaque euro cotisé donne le même droit à pension pour tous n’est plus qu’un souvenir.
«Quand on est militaire on ne touche pas la retraite, on a une pension. C'est différent», a déclaré Emmanuel Macron, le vendredi 21 décembre, lors d'un discours prononcé dans le camp de Port-Bouët (en Côte d’Ivoire). Une façon de rassurer les militaires qui continueront à bénéficier d’un système qui assure une pension au bout de 17 ans d'exercice contre 42 pour les salariés du secteur privé.
Pas d’âge minimum légal non plus dans l’armée où seule la durée de service compte. Les militaires ne seront donc pas concernés par le futur régime de retraite qui n’a plus d’«universel» que le nom tant les exceptions s’enchaînent.
Une semaine auparavant, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait adressé une lettre aux syndicats de policiers dans laquelle il écrivait que «dès lors qu'ils occupent des fonctions régaliennes de protection de la population [et] compte tenu des dangers auxquels ils sont exposés», les policiers continueraient à «bénéficier des dérogations à l'âge de départ à la retraite». Soit la possibilité d'ouverture des droits à 52 ans et un départ à la retraite à 57 ans.
Une autre promesse a été faite aux policiers : le remplacement de la bonification spéciale dite «du cinquième» ou «quinquennale», qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans, par une «surcotisation du ministère de l'Intérieur ». C’est-à-dire que l’Etat augmentera le montant de l’équivalent de la part de cotisation retraite à la charge de l’employeur.
Promesse aux enseignants
Le gouvernement a également promis de revaloriser les salaires des enseignants, opposés au calcul de leur retraite sur l'ensemble de leur carrière, contre les six derniers mois actuellement. Le niveau des pensions devrait être «sanctuarisé» et les revalorisations nécessaires mises en place progressivement à partir de 2021. Mais le gouvernement s’est donné jusqu’au 13 janvier pour recevoir les syndicats et leur expliquer le détail de ces mesures.
Le gouvernement a aussi fait des promesses de dérogation aux salariés de la SNCF : l'entrée des cheminots dans le nouveau système ne concernera les conducteurs de train embauchés au statut que pour les personnes nées à partir de 1985, contre 1975 pour une bonne partie de la population et celles nées à partir de 1980 pour les sédentaires au statut.
A la RATP, un calcul des droits acquis fin 2024 sur les six derniers mois avec un coefficient avantageux a été proposé peu avant les fêtes de Noël et des discussions sur la pénibilité doivent avoir lieu. Mais ces propositions n'ont pas suffi à obtenir la trêve demandée par Emmanuel Macron.
Retraite à 55 ans pour les hôtesses de l'air et les stewards
Quatre syndicats d'hôtesses et stewards ont suspendu leur appel à faire grève à partir du 3 janvier après avoir obtenu des assurances sur le maintien de leur caisse autonome de retraite complémentaire, la CRPN, dotée de 5 milliards d'euros de réserves.
L'âge de départ à la retraite à 55 ans pour le personnel navigant commercial (hôtesses et stewards) doit néanmoins disparaître progressivement pour les générations nées après 1987, pour converger vers 60 ans, selon le syndicat SNPNC. On est encore loin de l’âge pivot à 64 ans. Malgré cela d’autres syndicats de navigants maintiennent toutefois leur appel à faire grève.
Chez les pilotes, le syndicat majoritaire SNPL a levé son préavis de grève après avoir reçu «des éléments précis et engageants» concernant le maintien de la CRPN et la possibilité de partir à la retraite à taux plein à 60 ans.
Routiers, pompiers, douaniers, gardiens de prison et contrôleurs aériens
Le 16 décembre, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne a annoncé le maintien du congé de fin d'activité (CFA) qui permet aux conducteurs routiers attestant d'une certaine ancienneté de partir en retraite cinq ans avant l'âge légal.
Les gardiens de prison et les contrôleurs aériens avaient déjà obtenu la garantie de continuer à pouvoir partir en retraite dès l’âge de 52 ans, et les sapeurs-pompiers professionnels et douaniers dès 57 ans.
60 ans pour les aides- soignants
En étendant aux fonctionnaires le «compte pénibilité», jusque-là réservé aux salariés du privé, et en prenant mieux en compte le travail de nuit, 20 à 30% des infirmières et aides-soignantes pourront partir avant 62 ans et, au mieux, à 60 ans, assure l'exécutif. Mais plus à 57 ans. Le gouvernement a également promis le lancement début 2020 d'une «concertation sur l'aménagement des secondes parties de carrière».
Le 19 décembre, après une rencontre avec les syndicats, Edouard Philippe a promis aux marins pêcheurs, selon Thierry Le Guével, secrétaire général de l'Union fédérale maritime CFDT, qu’ils auraient «les assurances qu'ils demandent» sur un départ à 55 ans après 37,5 années de cotisation, «avec le même statut en mer et à terre».
Enfin, les artistes du ballet de l’Opéra de Paris, qui peuvent toucher une pension à partir de 42 ans, bénéficieront de la «clause du grand-père», c'est-à-dire que seuls les danseurs recrutés après le 1er janvier 2022 seront concernés par le nouveau régime.