Qui a déclenché la guerre du départ à la retraite à 62 ans et pourquoi ?

Qui a déclenché la guerre du départ à la retraite à 62 ans et pourquoi ? Source: AFP
Jean-Paul Delevoye, nommé le 11 mai haut-commissaire à la réforme des retraites, arrive au Palais présidentiel de l'Elysée pour assister à la cérémonie d'inauguration officielle d'Emmanuel Macron en tant que Président de la République française le 14 mai 2017 à Paris (illustration).
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Avec la menace de démission du haut-commissaire à la réforme et les couacs de la majorité sur l’âge de départ à la retraite, le projet phare du quinquennat de Macron semble proche de dérailler. Mais qui a lancé les hostilités, et pourquoi ?

Face à la cacophonie des déclarations de membres du gouvernement et d’hommes politiques sur un éventuel report de l’âge de départ à la retraite (aujourd'hui fixé à 62 ans), le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Claude Delevoye, aurait menacé de démissionner, selon des révélations du Canard enchaîné.

L’ancien membre de l’UMP, ayant rejoint la République en marche et nommé par Emmanuel Macron, rappelle régulièrement que le maintien à 62 ans est une base des négociations avec les partenaires sociaux, organisations patronales et syndicats qu’il doit recevoir jusqu’à fin avril. C’est aussi, comme l’interdiction du glyphosate, l'une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron.

Nous ne toucherons pas à l'âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions

«Nous ne toucherons pas à l'âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions», assurait le candidat Emmanuel Macron alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle de mai 2017. «Le problème des retraites n'est plus un problème financier», expliquait-il alors, présentant son projet comme une réponse à un souci d’équité («pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous») et de simplification (un seul régime commun à tous au lieu d’une quarantaine de régimes actuellement).

A l’époque, les trois vagues de réformes successives du système d’assurance vieillesse depuis 2010 étaient censées avoir garanti son équilibre pour les années à venir. Notamment celle de 2010 qui avait relevé l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans pour les personnes nées à partir de 1955. En 2014, la loi Touraine ajoutait l’allongement de 42 à 43 ans de la durée de cotisations nécessaire pour une retraite à taux plein, soit 50% de la rémunération brute moyenne des 25 meilleures années d’une carrière (dans le privé).

Mauvaises nouvelles du conseil des retraites

Mais, près d’un an après l’élection présidentielle, en juin 2018, le Conseil d'orientation des retraites (COR) créé en 2000 pour «apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme» des régimes de retraite, annonce de mauvaises nouvelles. Une légère inflexion des perspectives démographiques et économiques de la France l’amène à prévoir un défaut de financement du système équivalent à 0,2% du produit intérieur brut (PIB) à partir de 2022, soit environ 5 milliards d’euros.

C’est à peine un huitième du montant des avantages fiscaux accordés aux entreprises dans la loi de finances 2019 (déficit 3,1% du PIB). Mais c’est suffisant pour relancer le débat sur l’âge de départ à la retraite. Ce dernier point est, avec le montant des cotisations et celui des pensions versées, l’un des trois leviers connus permettant d’agir sur l’équilibre financier du système.

Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente d'année en année

Et ces derniers jours, la question de l’âge de départ à la retraite a de nouveau été soulevée, tout d’abord dans les rangs mêmes du gouvernement. Le 17 mars, Agnès Buzyn, ministre de la Santé reçue dans l’émission le Grand jury RTL-Le Figaro-LCI, a rappelé son expertise en déclarant : «Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente d'année en année», avant de se déclarer «à titre personnel» pas hostile à l'idée de retarder l'âge de départ en retraite. La ministre n'excluait pas non plus de «proposer un allongement de la durée de travail» lors des discussions avec les partenaires sociaux «dans le cadre de la réforme générale» des retraites.

Immédiatement, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin lui apportait son soutien en jugeant «courageuse» et digne d’être «étudiée» la proposition d’Agnès Buzyn. Quant au Premier ministre, Edouard Philippe, il avait laissé entrouverte la possibilité de «travailler plus longtemps», mais pour répondre aux «besoins considérables d’investissement et de prise en charge» des personnes âgées dépendantes.

Dès le 24 mars, Jean-Paul Delevoye réagit dans une interview publiée par Le Journal du dimanche. Il y déclare que «la réforme engagée repose sur un âge légal minimum de départ à la retraite à 62 ans» et affirme que les propos d’Agnès Buzyn ont été «mal interprétés». Il précise que, comme ceux du Premier ministre et de celui du Budget qui lui ont fait echo, ces propos concernaient en réalité le financement de la dépendance. Le même jour paraissent dans Le Figaro les résultats d’un sondage Harris Interactive selon lequel plus de 60% des Français rejettent l'idée de cotiser davantage de trimestres ou de partir en retraite plus tard.

Un possible argument de campagne électorale

Mais depuis plusieurs mois, et alors que le projet de réforme n’a pas dépassé le stade des consultations, la question de l’âge du départ à la retraite commence à faire fonction de marqueur politique. Xavier Bertrand, élu face à Marine Le Pen en 2015 président de la région Hauts-de-France, grâce à un report de voix de la gauche, sous l’étiquette Les Républicains reniée peu après, saisit la balle au bond.

Reçu le 31 mars dans l’émission Le Grand Rendez-vous d’Europe 1-Les Echos-CNews, l’ancien ministre du Travail sous Sarkozy, dont les sondages sont bons, explique que «quand on a de bons sondages, il faut prendre des risques». Est-ce un risque qu’il propose de prendre ? Xavier Bertrand préconise en direct de porter d’ici à 2032 l’âge de la retraite à 65 ans, à raison d’une augmentation de la durée de «deux ou trois mois par an» à partir de 2020.

Au passage, il accuse Emmanuel Macron, avec sa réforme du système de retraite universelle à points, de vouloir préparer une «vaste opération de baisse généralisée des pensions» qu’il estime de 5 à 20 %. Et pour que les choses soient encore plus claires, il affirme qu’il n’est «pas compatible» avec Emmanuel Macron, ce qui est peut-être une façon de se positionner comme l'un de ses opposants lors de la prochaine élection présidentielle.

C’est en revanche insuffisant pour se distinguer de la droite que représentent Les Républicains, majoritairement favorables à un report à 65 ans de l’âge du départ à la retraite. Seul le chef du parti, Laurent Wauquiez, ne s’est pas précisément prononcé.

Un avertissement à Matignon

Face à une polémique qui enfle, le monsieur retraite d’Emmanuel Macron a notamment répondu à Xavier Bertrand le 31 mars que «tout report d’âge condui[sait] à maintenir plus longtemps certaines personnes dans des situations de précarité (chômage, inaptitude, invalidité, maladie de longue durée)» et martelé : «Le maintien de la possibilité de partir à 62 ans fait partie de ma feuille de route et des engagements de la concertation que je mène avec les partenaires sociaux.»

Mais comme la polémique est en réalité partie du gouvernement, malgré des démentis plus ou moins convaincus à défaut d’être convaincants, c’est à celui-ci que s’adresse sa menace de démission, même s’il doit la rendre au président de la République.

Le palmipède cite «un proche» du haut-commissaire selon lequel «[Jean-Claude] Delevoye attend une clarification du gouvernement sur un éventuel recul de l'âge de départ à la retraite, en dehors du cadre des travaux et de la concertation qu'il mène sur la réforme des retraites». Ce proche ajoute : «Si les engagements pris devant les partenaires sociaux concernant l'âge minimum étaient remis en cause, il en tirerait les conséquences.»
Lire aussi : Macron peut encore sauver son quinquennat

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