Le bonus-malus contre les abus de CDD hérisse le Medef et risque de ne pas voir le jour
La loi sur l'«avenir professionnel» qui contient les dispositions pour le contrôle des chômeurs prévoit aussi des pénalités pour les entreprises qui recourent trop aux CDD. Mais cette mesure pourrait disparaître de la loi avant son adoption.
L’article 33 de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement débattue au Parlementprévoit «à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 30 septembre 2020, la possibilité pour l’Etat de modifier les mesures d’application relatives à la modulation des contributions patronales (instauration d’un bonus-malus)».
Mais ce bonus-malus pour pénaliser les entreprises qui abusent des CDD verra-t-il le jour ? Le secrétaire général de la CFDT, interrogé à ce sujet par l’AFP, en doute et confie : «Il n'y a pas beaucoup de croyants dans le gouvernement sur ce dispositif. Je ne les sens pas très missionnaires.»
Ce dispositif qui permettrait d’infliger un malus aux entreprises qui ont trop recours à des contrats courts hérisse le Medef, et a déjà été discuté et plusieurs fois retoqué, lors de négociations entre partenaires sociaux, comme en 2016.
Le 2 juillet dernier, à la veille de son élection le nouveau patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux assénait : «La taxation des contrats courts est une aberration, ça fait partie du business model de certains secteurs. Le vrai sujet c'est de reposer la question des contrats de travail.»
Prenant la parole devant l'Ajef, association des journalistes économiques et financiers, il ajoutait : «Certes, ce système existe aux Etats-Unis, mais le marché du travail n'est pas dual avec des CDD d'un côté et des CDI de l'autre. Avant de penser au bonus-malus, il aurait fallu réformer les contrats de travail.»
📻#RTLMatin Sur les CDD il faut trouver une solution autour du contrat de travail en général. Attention aux risques de travail au noir. Taxer ne résoudra pas les problèmes.
— G Roux de Bézieux (@GeoffroyRDB) 29 juin 2018
Dès 2013 a été instaurée une taxation des contrats courts, dispositif différent du bonus-malus mais aussi destiné à faire refluer le volume de ces contrats. Qu'ils continuent de proliférer fait d'ailleurs dire au patronat que la sanction financière ne sert à rien. Mais pour les syndicats, son faible effet dissuasif vient de ce qu’elle est trop peu élevée.
Ces contrats courts constituent désormais la très grande majorité des embauches, même si les CDI continuent de représenter, hors intérim, encore 88% des emplois. Une étude du service statistiques du ministère du Travail sur les 25 dernières années a récemment montré que les contrats courts étaient devenus, au fil des années, de plus en plus courts, en particulier dans les secteurs médico-social, de la restauration ou de l'audiovisuel. Un tiers des CDD ne dure désormais qu'une journée et les contrats de moins d'un mois, qui représentaient 57% des CDD en 1998, en représentent 83% en 2017.
Hausse continue de l'emploi précaire
Ce phénomène s’accompagne d’une hausse soutenue de la part de l’emploi précaire dans l’emploi total. Selon les chiffres du ministère du Travail, le nombre d’inscrits en catégorie B et C à Pôle emploi est passé, depuis 2008, de un million à près de deux millions et demi.
Promesse du candidat Macron, le bonus-malus, qui ferait évoluer à la hausse ou à la baisse le taux de cotisations patronales n'est pas encore gravé dans le marbre.
#Sanctions contre les chômeurs : le #gouvernement annonce ses projets
— RT France (@RTenfrancais) 19 mars 2018
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Il a même été supprimé du texte cette semaine, en commission des Affaires sociales du Sénat. En revanche, parmi les principales mesures introduites par la loi, le contrôle des chômeurs n’a, lui, pas été remis en cause. Le projet de loi dans son ensemble sera examiné en séance publique, à partir du 10 juillet, avant de repartir à l'Assemblée.
Mais selon l'AFP, l'orsqu'elle est questionnée sur le sujet, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, balaie tout manque de détermination de l'exécutif.