En Chine, grâce à Edouard Philippe les contrats d’Airbus passent de «sous peu» à «en temps voulu»
En Chine, le Premier ministre français n’a pas pu faire décoller la commande d’Airbus annoncée par Macron au début de l’année mais il a pu se réjouir de la fin de l’embargo contre le bœuf français et s’intéresser aux Nouvelles routes de la soie.
Pour sa première visite officielle dans une grande puissance, le Premier ministre français Edouard Philippe a pu mettre en avant un succès. En effet, la levée de l’embargo sur la viande bovine française, attendue depuis 17 ans, a été annoncée ce 25 juin, dernier des trois jours de sa visite officielle en Chine. Cet accord, qui concrétise l'engagement obtenu par le président français Emmanuel Macron en janvier porte sur la viande bovine désossée de moins de 30 mois et permettra d'avoir du bœuf français dans les assiettes chinoises d'ici septembre, selon le président de la filière (Interbev) Dominique Langlois, cité par l’AFP, qui assure viser un objectif de «30 000 tonnes» par an.
Après l’agroalimentaire, le ministre a aussi pu se réjouir de la signature d’un accord, dans le domaine du Nucléaire. Ainsi, le groupe français Orano, ex-Areva et le géant public chinois de l'atome civil China National Nuclear Corporation (CNNC) ont annoncé ce 25 juin avoir conclu «un accord sur les travaux préparatoires» pour une usine géante de traitement et recyclage des combustibles usés en Chine, d'une capacité de 800 tonnes par an. C'est une nouvelle étape vers la finalisation de ce projet en négociation depuis dix ans. Elle pourrait ouvrir la voie à la conclusion en 2018 de ce contrat évalué à près de 20 milliards d'euros dont plus de la moitié pour Orano.
De son côté, le groupe Vallourec, spécialiste des tubes sans soudure, a décroché deux contrats, d'un montant non précisé, pour fournir des équipements destinés à un site de l'autre géant nucléaire étatique chinois CGN. Enfin, EDF et l'électricien chinois Datang ont conclu un accord-cadre de coopération, avec l'identification de projets, notamment éoliens, en Chine comme en Europe, susceptibles d'être développés conjointement.
La Chine a beaucoup acheté d'avions de l'étranger ces dernières années [et] il lui faut du temps pour les absorber sur le marché
En revanche, Edouard Philippe n’a pu faire avancer les projets de vente d’Airbus poussés par le Président de la République Emmanuel Macron lors de son voyage en Chine en janvier dernier. Le président avait alors assuré que la Chine se préparait à commander à l'avionneur européen 184 moyen-courriers de la famille A320, avec une finalisation à attendre «sous peu». Mais depuis, cette commande, d'un montant catalogue estimé à 18 milliards de dollars (15,4 milliards d’euros), tarde à être officialisée. Et au dernier jour de la visite du Premier ministre français, son homologue chinois Li Keqiang, s’est contenté d’assurer que la Chine était prête à continuer les pourparlers pour des «achats d'avions Airbus en quantité», en vue d'une signature «en temps voulu», mais sans donner de calendrier.
Lors de la conférence de presse commune des deux Premiers ministres, Li Keqiang a en outre utilisé un ton prudent : «La Chine a beaucoup acheté d'avions de l'étranger ces dernières années [et] il lui faut du temps pour les absorber sur le marché.»
La veille, Edouard Philippe avait plaidé pour que les projets d'infrastructures issus de l'initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie soient «transparents» afin que des entreprises françaises «puissent y participer», lors d'une visite au port en eaux profondes de Shangaï. A bord du Theodore-Roosevelt, un porte-conteneurs géant du groupe français CGA CGM, l'ancien maire du Havre est ainsi revenu sur l'initiative des Nouvelles routes de la soie (également appelée «Une ceinture, une route»). Ce projet d’infrastructures de transports et de logistique dans toute l’Eurasie, estimé à quelque 1 000 milliards de dollars de valeurs d’investissement, vise notamment à bâtir des lignes de communication routières et ferroviaires pour relier la Chine à l’Europe en passant par l’Asie centrale et la Russie.
Toutefois, le premier ministre français semble s’être surtout intéressé à son pendant maritime qui doit relier Mer de Chine, Pacifique Sud et Ocean indien. Ainsi, il a déclaré : «Les routes de la soie, c'est une vision d'organisation et de développement du trafic maritime. De ce point de vue, c'est évidemment un très bon projet, nous l'accompagnons.»
Force de Sibérie, le gazoduc géant reliant la #Russie à la #Chine, en voie d'achèvementhttps://t.co/ulu4610yTOpic.twitter.com/GEooPOytYj
— RT France (@RTenfrancais) 12 juin 2018
L’initiative chinoise soulève toutefois des réserves en Europe où elle est parfois perçue comme un outil au service des ambitions géopolitiques de la Chine et à laquelle l’Europe n’a pas de réponse unifiée, tandis que certains pays d'Europe de l'Est, Hongrie en tête, ont déjà signé des protocoles d'accord avec la Chine. «L'enjeu est d'avoir une position commune. Plus nous sommes unis, plus nous sommes forts [...] et plus nous sommes entendus », a exhorté M. Philippe, dont la visite coïncide avec celle, à Pékin, du vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen.
La France face au «nouvel ordre mondial» des Routes de la soie
Le 12 juin dernier, les sénateurs français avaient d’ailleurs rendu un rapport intitulé Pour la France, les "Nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ?" .
Les auteurs du rapport attendent de la France qu'elle développe «encore plus sa relation bilatérale avec la Chine» et surtout qu'elle joue un rôle «extrêmement moteur» au sein de l'UE face au plan colossal du président chinois Xi de déployer routes, ports, voies ferrées et parcs industriels à travers l'Asie, aux portes de l'Europe et jusqu'en Afrique.
Cité par l’AFP, le jour de la parution du rapport écrit au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, l’un de ses auteurs, Pascal Allizard, s’était dit convaincu que l'Europe était « en train de rater le projet ».
Il avait ajouté : «On a intérêt à rattraper très rapidement notre retard. Même si on ne le fait pas, le projet se fera et il vaut mieux être dedans et essayer d'orienter les choses et les flux.»
Lors de son voyage, le Premier ministre a quand même pu constater que la France était déjà bien présente dans les infrastructures chinoises, lors de sa visite de la Pujiang Line, première ligne de métro automatisée de Chine, exploitée par l’entreprise Keolis (filiale de la SNCF).
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