Que peut-il arriver à ceux qui parlent des «races» ou de la «chienlit» ? Comment les «clandestins» sont devenus «réfugiés» ? Yves de Kerdrel, directeur de publication chez Valeurs Actuelles, décrypte la «novlangue» de la France d'aujourd'hui.
Toute la classe politique française a été secouée, il y a quelques semaines, lorsque la députée européenne Nadine Morano a cité une phrase du général de Gaulle datant de 1959 et affirmant que la France était principalement «un pays de race blanche». L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a été lynchée par la gauche pour avoir utilisé le mot de «race» et tout autant par ses amis de la droite qui l’ont destituée de son poste de candidate aux prochaines élections régionales. Peut-être que Nadine Morano a été maladroite dans la formulation de la citation du général de Gaulle. Mais cela ne mérite pas de jeter un voile pudique sur le mot de «race». Reconnaître l’existence de races différentes, ce n’est pas être raciste, c’est juste observer le monde tel qu’il est.
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C’est tout le problème de notre époque et de ceux qui nous gouvernent de mal nommer les choses. Par lâcheté, par peur et par manque de courage, ils changent les mots car ils savent qu’il leur est impossible de changer la réalité et le cours des choses
Nicolas Sarkozy qui a été très dur avec Nadine Morano au moment de cette affaire a pu lui-même éprouver de la difficulté à utiliser certains mots. Au moment où des syndicalistes d’Air France se comportaient comme des voyous en agressant physiquement certains dirigeants de la compagnie aérienne, il a déclaré que la France vivait le retour de la «chienlit». Un mot célèbre pour avoir été utilisé à deux reprises par le général de Gaulle, en août 1944, alors qu’il descendait les Champs-Elysées dans Paris libéré et en mai 1968 en pleine révolte étudiante. Aussitôt, l’ex-chef de l’Etat français a été vilipendé par Manuel Valls pour avoir utilisé ce mot, comme s’il appelait les français à descendre dans la rue, alors qu’il ne faisait que décrire un désordre ambiant.
De la même manière, en l’espace de quelques semaines, le mot de «clandestins» largement utilisé pour qualifier tous ceux qui viennent en France depuis le nord de l’Afrique ou de la Syrie a été modifié en «migrants» puis en «réfugiés» de manière à ne pas heurter l’opinion publique. Comme si en changeant le vocabulaire et en interdisant l’usage de certains mots, nos dirigeants croyaient régler d’un trait de crayon certains problèmes.
Un jour ou l’autre le théâtre d’ombres derrière lequel s’agitent nos dirigeants va s’écrouler laissant apparaître un spectacle de désolation. Et les mots interdits s’imposeront à nouveau comme autant de stigmates sur le visage d’une France affaiblie et sur le point de sortir de l’Histoire pour ne pas avoir voulu la regarder en face
Albert Camus, ce grand écrivain que toute la France révère à juste titre, a écrit que «mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde». C’est tout le problème de notre époque et de ceux qui nous gouvernent de mal nommer les choses. Par lâcheté, par peur et par manque de courage, ils changent les mots car ils savent qu’il leur est impossible de changer la réalité et le cours des choses. Ils veulent faire vivre les Français dans un monde aseptisé sans islamisme radical, sans flux migratoires insoutenables et sans désordre économique et social. Cet illusionnisme n’a qu’un temps. Un jour ou l’autre le théâtre d’ombres derrière lequel s’agitent nos dirigeants va s’écrouler laissant apparaître un spectacle de désolation. Et les mots interdits s’imposeront à nouveau comme autant de stigmates sur le visage d’une France affaiblie et sur le point de sortir de l’Histoire pour ne pas avoir voulu la regarder en face.
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