Abstention record, alliances désastreuses et victoire de ses opposants les plus farouches : Macron et son parti hors-sol confirment à quel point les Français les rejettent. Analyse par Philippe Mesnard.
La prétendue droite républicaine du parti LR recueille enfin les fruits de tous ses efforts de respectabilité : elle se décompose. Le PS recueille les fruits de sa mutation verte, où le peuple est oublié au profit de la nature. LREM recueille les fruits des semences jetées à tous les vents par Macron : il échoue totalement à devenir un parti d’élus. LFI, elle, est perdue dans les sables et le RN exulte parce qu’il a gagné Perpignan. Quant à l’honnête homme palois, Bayrou, il demeure, accroché à sa ville faute d’avoir pu s’accrocher ailleurs.
Parlons brièvement de Perpignan. Considérons la folie qui consiste, pour un parti qui rassemble des millions d’électeurs, à se satisfaire de la conquête, à une courte tête, d’une ville de 120 000 habitants, cependant qu’il perd le septième secteur marseillais ; folie identique, d’ailleurs, à celle de Clémentine Autain qui considère que cette victoire de Perpignan signe, en gros, l’effroyable banalisation du mal. On frémit en pensant au sort des habitants de Bruay-la-Buissière, désormais promue au rang de ventre annexe de la bête immonde.
Comme LR, le PS revendique des conquêtes qui masquent les pertes, comme une mouvante ligne de front de la Grande Guerre.
Le PS se maintient et est heureux de se maintenir : comme il ne le fait qu’en ayant accepté d’improbables unions avec tous ceux qu’il a combattus, on peut être étonné d’une telle satisfaction. Comme LR, le PS revendique des conquêtes qui masquent les pertes, comme une mouvante ligne de front de la Grande Guerre. LR perd des grandes villes mais se félicite d’être encore «le premier parti de France en termes d'élus locaux et d'ancrage territorial» selon Damien Abad, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, cependant que Christian Jacob, président de LR, est tout à la joie d’avoir remporté «plus de la moitié des villes de plus de 9000 habitants». Rappelons à MM. Abad et Jacob que le PS avait à un moment réussi le même genre d’exploit cependant que son nombre d’adhérents fondait comme neige au soleil. Voici donc LR ravi de conserver des édiles, c’est-à-dire de perpétuer un parti qui n’existe plus que par ses cadres, cadres qui eux-mêmes n’ont qu’une valeur commerciale dans les tractations avec LREM puisque ce sont eux qui font le Sénat. Mais combien de grandes métropoles acquises au LR dans cette France qu’ils ont contribué à concentrer dans les capitales régionales ?
Les succès de LREM sont d’ailleurs en grande partie ceux de LREM, de même que les échecs de LR sont ceux de LREM : dans le premier cas, le parti parasitaire, dont tous les candidats ont soigneusement caché le soutien (selon les directives de LREM elle-même) se retrouve porté par l’habitude – la lassitude ? –, dans le second LR ne peut que se mordre les doigts d’avoir accepté l’onction présidentielle qui lui vaut de perdre des emblèmes comme Bordeaux ou d’échouer à Lyon. Le parti présidentiel a d’ailleurs été d’une grande discrétion, se félicitant de la victoire d’Édouard Philippe (pas vraiment écolo-compatible et donc, peut-être, menacé par le virage écolo-humaniste du président), glissant sur la cas Agnès Buzyn et évitant d’adresser ses condoléances à tous ceux qu’il a précipités dans la honte.
Ce sont bien sûr les écologistes qui remportent une nette victoire, mélange désormais convenu d’utopie verte, à laquelle les Français adhèrent sans comprendre qu’elle les ruinera, de gauchisme culturel revendicatif et de dégagisme, le seul véritable front républicain qui s’est créé étant le rejet massif de LREM, de ses œuvres, de ses pompes et de ses figures. Cela n’a pas empêché le ministre de la Ville, Sébastien Denormandie, de tirer immédiatement la leçon qui s’impose : il faut plus d’écologie, LREM va s’y employer – et lui-même s’emploie à obtenir un ministère plus avantageux dans le possible prochain gouvernement.
Cette victoire d’un parti qui a profondément renouvelé ses cadres témoigne d’une part du goût des gens neufs, d’autre part de l’ironique succès des surenchères politiques et médiatiques sur les catastrophes environnementales et sanitaires, les électeurs ayant décidé que, ma foi, autant filer les clés à ceux qui en parlent avec conviction plutôt qu’à leurs décalques macronistes.
Il a lui-même donné le baiser de la mort à cette idée que voter avait un sens et qu’un élu est responsable devant ses électeurs
Ce qui nous amène à l’incontestable et nette victoire des militants et des abstentionnistes, les premiers ayant assuré, tous partis confondus, des victoires surtout permises par l’absence des seconds. Emmanuel Macron s’est ému d’une abstention qui atteint les 60%. Il va sans dire que son émotion est respectable (jurisprudence Castaner) mais qu’elle étonne : n’est-il pas lui-même président de la République avec un faible nombre de voix, si on le rapport à tous ceux qui auraient pu voter ? Et n’a-t-il pas, à chaque occasion où le peuple tentait de se faire entendre, montrer qu’il ne voulait pas écouter et qu’il considérait que gouverner sans le peuple mais avec des députés godillots était pour lui l’aboutissement de la démocratie ? Il a lui-même donné le baiser de la mort à cette idée que voter avait un sens et qu’un élu est responsable devant ses électeurs. Il est normal que ceux-ci aient compris cette amère leçon. Ils en tireront sans doute bientôt une autre, sur la légitimité des pouvoirs qui ne peuvent décemment pas prétendre représenter une majorité.
Philippe Mesnard
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