John Laughland est un universitaire britannique spécialisé en géopolitique et philosophie politique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages traduits en sept langues.

Législatives britanniques : une victoire pour la démocratie

Législatives britanniques : une victoire pour la démocratie© POOL Source: Reuters
Boris Johnson ressort victorieux des élections législatives du 12 décembre
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Après cette défaite de grande ampleur des opposants au Brexit, John Laughland analyse la transformation accélérée du paysage politique britannique.

L’euphorie étant de mise au moment des élections, il faut le dire avec véhémence : le résultat des législatives britanniques est absolument historique.

Historique parce que, pour la première fois depuis trente ans, un peuple européen tient tête à ce qu’il faut bien appeler une conspiration des élites nationales et européennes pour frustrer la volonté populaire.

En effet, à la différence des deux référendums sur le traité de Maastricht au Danemark en 1992, aux deux référendums en Irlande sur le traité de Nice en 2001 et en 2002, et aux deux référendums dans ce même pays sur la traité de Lisbonne en 2008 et 2009 ; aux référendums néerlandais et français contre la Constitution européenne en 2005 dont le résultat a été renversé par un vote au Parlement national qui ainsi poignardait son propre peuple dans le dos ; et à la différence des référendums au Pays-Bas en 2016 ou en Grèce en 2015 où les gouvernements respectifs ont tout simplement trahi la volonté populaire, le peuple britannique a tenu bon dans ce qui revenait, de fait, à un deuxième référendum sur le Brexit que les forces pro-européennes avaient réussi à organiser. 

Les pro-européens, avec une forte dose d’autoritarisme, ont cru savoir mieux que le peuple

Avec la victoire des Conservateurs, le Brexit sera maintenant acté en janvier 2020.  L’Union européenne perdra sa plus grande puissance militaire, son deuxième contributeur net au budget, sa principale place financière et l’équivalent, en termes de PIB, de 20 Etats membres. La logique de l' « union toujours plus étroite », socle de la centralisation inexorable de la machine bruxelloises, se trouve, ce matin, en ruines. 

La déconfiture est totale de tous ceux qui, au Royaume-Uni et sur le continent, ont déconsidéré le résultat du référendum de 2016 et les électeurs qui en étaient les auteurs. Les pro-européens, avec une forte dose d’autoritarisme, ont cru savoir mieux que le peuple – et le peuple leur a fait un grand doigt d’honneur.

Pour comprendre l’ampleur de leur défaite, il faut imaginer ce qui se serait passé si les forces pro-européennes n’avaient pas essayé de frustrer le Brexit, mettant des bâtons dans les roues du gouvernement de Theresa May en votant contre son accord de retrait. Dans cette hypothèse, le Brexit aurait été acté mais seulement dans une version très atténuée qui aurait peut-être été un bon compromis pour les deux camps.  Les Travaillistes auraient pu, peut-être, remporter les élections suivantes. 

Mais avec leur acharnement, les forces pro-européennes, qui ont poussé un Jeremy Corbyn réticent vers des positions pro-européennes de plus en plus anti-démocratiques, ont contribué non seulement à une radicalisation des partisans du Brexit mais aussi, et à cause de cela, à l’élection de Boris Johnson et donc à leur propre défaite. Confirmé au pouvoir par ce résultat, Johnson pourra maintenant acter le Brexit de la manière la plus décisive imaginable. Le pivot du Royaume-Uni vers le grand large est désormais une réalité. 

Boris Johnson aura la plus grande majorité d’un gouvernement depuis Margaret Thatcher

Les travaillistes avaient à choisir entre l’honneur (le respect du résultat du référendum de 2016) et le pouvoir qu’ils auraient peut-être pu conquérir face à une Theresa May sévèrement affaiblie par ses propres défauts. Pour paraphraser Churchill, ils ont choisi la déshonneur et ils ont perdu définitivement le pouvoir.

De même, les rebelles conservateurs qui avaient voté contre le gouvernement Johnson à la Chambre des communes, et qui étaient candidats à ce scrutin, en sortent tous battus. La présidente du Parti libéral, qui s’était engagée à annuler le Brexit même sans un deuxième référendum, a perdu son propre siège en Ecosse : son parti a le même nombre misérable de députés qu’avant (13 sièges). Les people, comme les acteurs Hugh Grant ou Steve Coogan qui avaient fait campagne contre le Brexit, en traitant les électeurs pro-Brexit d' «idiots», en sortent ridiculisés.

Cette élection est historique aussi en termes de politique britannique. Avec une majorité absolue de 74 sièges à la Chambre des communes, le gouvernement Boris Johnson aura la plus grande majorité d’un gouvernement depuis le troisième mandat de Margaret Thatcher en 1987. Avec 43,6% du vote national, Boris Johnson a dépassé les 43,5% et 43,2% obtenus par Mme Thatcher en 1983 et 1987.

Elle est historique parce que le score conservateur est le résultat notamment d’une série de victoires dans des circonscriptions dans l’Angleterre du Nord-Est et au Pays de Galles, qui sont traditionnellement des fiefs travaillistes. A titre d’exemple, les Conservateurs ont gagné à Bishop Auckland près de Durham, une circonscription qui en 134 ans n’avait jamais auparavant voté Conservateur. La circonscription de Sedgefield, aussi dans le Nord-Est, qui avait été le fief de Tony Blair, est maintenant représentée par les Tories. Le Parti conservateur est désormais élu dans les quartiers le plus chics de Londres (Kensington, par exemple) et dans les vallées glauques des mines galloises.

L’élection est historique car la défaite du Parti travailliste est très sévère, peut-être mortelle. Avec à peine 200 sièges le Labour atteint son plus mauvais score depuis 1935. Cette élection est la quatrième élection perdue par les Travaillistes en dix ans, des législatives ayant eu lieu en 2010, 2015, 2017 et 2019. Tony Blair est le seul dirigeant travailliste à avoir gagné une élection en plus de 40 ans.

Jeremy Corbyn, porté et maintenu au pouvoir par les syndicats qui contrôlent le parti, sort totalement discrédité de cette élection.  Il va bientôt démissionner, humilié.  Un homme qui avait consacré la totalité de sa vie politique au soutien de causes radicales comme l’anti-sionisme a fait preuve d’un cynisme et d’une incompétence rares dans son positionnement faussement opportuniste et totalement incompréhensible sur le Brexit. Le parti travailliste sous sa présidence avait promis de négocier un nouvel accord de retrait avec l’UE mais il a refusé de s’engager à faire campagne pour son propre accord dans un deuxième référendum, préférant entretenir l’ambiguïté sur son soutien ou son opposition au Brexit.

Hélas le plus grand gagnant ne pourra pas, à la différence de Boris Johnson, savourer sa victoire. Le parti de Nigel Farage n’a gagné aucun siège. Farage avait pris la décision de retirer les candidats de son parti de plus de 300 sièges tenus par les Conservateurs.  Avec leur candidature, l’électorat pro-Brexit risquait de se scinder en deux, laissant la places aux forces pro-européennes.  Farage a mis son pays avant son parti et sa décision a été couronnée de succès, car la cause politique à laquelle il a consacré sa vie sera maintenant réalisée. Dans ces moments de grand drame, il faut avoir une pensée pour l’homme peu discret qui sera désormais contraint de disparaître de la scène politique mais sans lequel tout cela ne serait jamais arrivé.

 

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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