La conférence internationale sur la Libye organisée par l'Italie ces 12 et 13 novembre à Palerme, en Sicile, permettra-t-elle des avancées majeures ? L'expertise du philosophe et ancien professeur de droit économique Henri Temple.
Dès son intronisation, en mai dernier, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte avait annoncé son programme de politique étrangère et, notamment, l'organisation d'une conférence pour la Libye. Il a tenu parole et a réussi à faire venir à Palerme les principaux acteurs susceptibles de jouer un rôle dans l'élaboration et la mise en place d'un agenda de sortie de crise. Les Nations unies étaient représentées par Ghassan Salamé et l'Union européenne par madame Mogherini. Les représentants des principales puissances et des pays de la zone étaient là. Y compris ceux des états financiers du Golfe. La France avait délégué son ministre des affaires étrangères, sur fond d'intense rivalité, voire d'hostilité réciproque, affichée entre Emmanuel Macron et Matteo Salvini. Il y a sans doute à cela des raisons diverses : questions d'ego, mais aussi profonde divergence philosophique sur l'Europe, compétition géostratégique (l'Italie a une longue histoire libyenne), économique et pétrolière aussi. Et la question des migrants.
La plupart des médias se sont focalisés sur les tensions parues au grand jour entre les factions libyennes qui possèdent chacune des milices en conflits armés permanents et des appuis militaires, religieux ou financiers internationaux. En effet si le chef du gouvernement d’union nationale (GNA) internationalement reconnu, Fayez al-Sarraj, était bien, lui, attendu, le général Haftar, fort du soutien égyptien, qui tient tout l'est de la Libye, est finalement venu à Palerme après avoir fait durer le suspense. Mais il a quitté la conférence en exprimant son mécontentement. En effet des factions libyennes proches des Frères musulmans étaient présentes, organisations déclarées terroristes en Égypte par le général Al Sissi, présent lui aussi. Et la Turquie a fait de même pour ne pas avoir été incluse dans un groupe de travail plus restreint.
Sous la tension entre Rome et Paris se cache aussi une question de méthode plus fondamentale. Fidèle à son approche habituelle de ce genre de conflit la France avait poussé, lors du précédent sommet de Paris en mai denier, en faveur d'élections avant la fin de l'année. Ce que l'Italie, les factions libyennes, l’Égypte et les USA disent impossible. Et d'ailleurs on a bien vu, au Mali, les limites de cette méthode qui y entretient la guerre civile, dès lors que les problèmes de fond ne sont pas traité avant les élections.
C'est tard dans la soirée du 13 que le président Conte a confirmé le soutien des participants au plan promu par les Nations unies pour résoudre la crise en Libye. Lors de la conférence de presse commune, messieurs Conte et Salamé, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, ont présenté la conférence comme un succès. Sans qu'on en sache beaucoup les détails.
Le plan de l'ONU prévoit des élections parlementaires et présidentielles au printemps prochain. Mais elles ne pourront pas avoir lieu sans le retour de la paix civile. Pour Ghassan Salamé, la prochaine étape devra être le «renforcement du cessez-le-feu à Tripoli, avant d'être étendu à d’autres ville». Mais on ne sait pas comment ces opérations du maintien de l'ordre seront assurées ni par qui. Le plus important, selon nous, sera l’organisation d’un congrès national réunissant politiques, communautés locales et société civile libyenne. Or le communiqué commun déclare que cette conférence, prévue dans les premières semaines de l’année prochaine, «a été rendue plus simple par cette réunion de Palerme». En effet, le talent incontestable du président Conte, aura été d'organiser un tête-à-tête de plus de deux heures entre le général Haftar et Fayez el-Serraj.
Ghassan Salamé obtiendra-t-il l'accord des chefs principaux des factions, et des contingents de casques bleus, pour désarmer les bandes armées, incorporer les milices dans l'armée nationale, et ainsi pacifier Tripoli, Misrata, Benghazi ? Cela ne semble pas hors de portée.
Giuseppe Conte, fin juriste et bon négociateur, persuadera-t-il les homme forts de Libye d'accepter une nouvelle constitution qui préservera leurs prés carrés ? La Libye est un territoire trois fois plus vaste que la France, qui recèle de grandes richesses et qui connaît de grandes discontinuités ethno- culturelles. Ne faudrait-il pas en tenir compte et penser un état fédéral ? La réponse en janvier prochain.
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