L’ancienne présidente du Medef va désormais piloter les intérêts en Europe de la banque américaine Citi. Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures, ironise sur ses «mérites», et souligne la continuité avec son engagement pro-UE.
On l’avait presque oubliée. Elle a en effet quitté les feux de l’actualité en 2013 lorsqu’elle dut abandonner la présidence du Medef. Pourtant, depuis 2005 où elle prit la tête de l’organisation patronale, elle ne démérita jamais.
Laurence Parisot fut active pour faire progresser l’idée d’une réforme des retraites (avec pour objectif un système par capitalisation) ; elle fut une ardente militante de l’abandon de la durée légale du travail ; elle plaida pour amender la fiscalité des entreprises (faut-il préciser dans quel sens ?) ; enfin et surtout, elle se montra particulièrement efficace pour faire advenir en 2013 un accord avec certains «partenaires sociaux» permettant une plus grande «flexibilité» du travail. L’ancienne patronne des patrons avait du reste trouvé pour cela un argument imparable : «la vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?»
Celle qui dirigea l’entreprise familiale de meubles (ses parents faisaient partie des 200 familles les plus riches de France) avant de prendre la tête de l’Ifop (dont elle est toujours vice-présidente et actionnaire majoritaire), nommait cela, assez logiquement, la «compétitivité équitable». Une compétitivité équitable qu’ont certainement appréciée Michelin, la Coface, la BNP, Havas, et quelques autres PME du même acabit, dont elle fut administratrice.
C’est donc un véritable gâchis qu’elle ait dû quitter si tôt ses nobles fonctions. Certes, elle n’a pas manqué de promouvoir ensuite ses engagements sociétaux : un livre entier pour dénoncer Marine Le Pen, un combat sans relâche contre le réchauffement climatique, des sorties remarquées contre le Brexit, et quelques valeurs tout aussi sûres, comme des mises en garde régulières contre la sortie de l’euro (ce serait «une sortie de route mortelle») et bien sûr en faveur de l’austérité budgétaire.
Le tableau ne serait pas complet et cohérent sans que soit rappelé son engagement en faveur de la cause animale (elle est vice-présidente de la Fondation Brigitte Bardot), ce qui la conduit sur la route du véganisme : tant par rejet de l’exploitation des animaux (mais pas des hommes) que par souci de l’avenir de la planète.
Reste que tout cela n’occupe pas à plein temps une telle wonderwoman, de surcroît farouche adversaire de la retraite à 60 ans. Peu avant l’élection présidentielle de 2017, il se chuchota qu’elle se serait bien vue à Matignon dans la perspective de la victoire d’Emmanuel Macron.
Elle avait démenti cette méchante rumeur, non sans préciser cependant : «J'ai plusieurs fois dit que j'étais disponible pour faire des choses. J'ai une expérience, je suis crédible. Donc je peux être prête.» Et au lendemain du premier tour de scrutin présidentiel, elle confie à France Info qu’elle se verrait bien «travailler dans une équipe, peut être dans un gouvernement». Mais pour préciser aussitôt : «Il y a plein d'autres missions à accomplir pour la France.»
Pour la France ! Eh bien, forte d’un tel dévouement désintéressé à la cause nationale, sa patience a finalement été récompensée : elle vient de prendre ses fonctions de managing director au sein de la grande banque américaine Citi (Citigroup, douzième entreprise mondiale). Ce mastodonte bancaire veut faire de Paris sa base européenne dans la perspective du Brexit (comme quoi, à quelque chose, malheur est bon…). «Je vais m’occuper de tous les projets de conseil, de fusion et d’acquisition, de stratégie pour les grandes entreprises, et avec une dimension européenne forte», salive déjà madame Parisot.
Cette dernière précision vaut absolution. La foi européenne est sauve.
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