Puisque l’ancien premier ministre français guigne la mairie de Barcelone, d’autres «accidentés de la politique» pourraient appliquer la «mobilité» conseillée par Bruxelles aux chômeurs, ironise Pierre Lévy, du mensuel Ruptures.
C’est une marée d’allégresse empreinte d’une profonde émotion qui a déferlé sur la France lorsqu’on a appris que Manuel Valls faisait don de sa personne à la ville de Barcelone. L’ancien premier ministre a ainsi confirmé son engagement – et même son abnégation – en faveur de la grande aventure européenne.
Ce qu’on sait moins, c’est que sa décision finale a été déclenchée par la profonde pensée conceptuelle exprimée récemment par le maître de l’Elysée concernant le chômage. Interpellé par un jeune demandeur d’emploi, on se souvient qu’Emmanuel Macron lui avait signifié qu’il n’avait qu’à traverser la rue pour trouver un job. A l’évidence, l’ancien premier ministre de François Hollande a compris la métaphore, et a enjambé prestement les Pyrénées.
A Bruxelles, la Commission a fêté l’événement. Non seulement les hommes politiques nationaux se mettent enfin à penser «européen», mais les recommandations enjoignant aux privés d’emploi de se bouger en Europe – cela s’appelle la «mobilité» – pourraient commencer à prendre corps : le jeune chômeur lisboète se sentira encouragé à partir sac au dos en Finlande s’il apprend qu’un petit boulot lui tend les bras à Helsinki. Puisque, désormais, l’exemple vient d’en haut.
L’héroïsme du député d’Evry pourrait faire des émules, notamment parmi les accidentés de la vie (politique).
On chuchote que Jérôme Cahuzac serait tenté par le poste de premier ministre du Luxembourg. Il aurait ainsi l’occasion de renforcer encore la réputation de sévérité quant à la lute contre l’évasion fiscale que s’est taillée le Grand Duché. On pourrait même assister à un grandiose combat droite-gauche puisque François Fillon, dit-on, nourrirait les mêmes desseins.
Et puis Alexandre Benalla dont la carrière a été quelque peu troublée par un léger incident. L’ancien homme de l’ombre du Palais prépare désormais un parachutage sur Sofia. Il ne lui a en effet pas échappé que l’actuel chef du gouvernement bulgare est l’un des plus anciens membres du Conseil européen, une longévité qui découle certainement de la profession d’origine de Boïko Borissov : garde du corps. Dans un tel pays, tous les espoirs sont permis, Alexandre.
Pour sa part, Alain Juppé pourrait cette fois céder à la «tentation de Venise» sur laquelle il a amplement glosé, et troquer sa belle ville de Bordeaux contre la cité des Doges. Son ardent combat – qu’il partage avec tant de héros européens – contre le «populisme» sera particulièrement apprécié en Italie.
Le précédent président de la République française a, lui, d’autres desseins. On sait que l’actuel premier ministre grec va devoir faire face à de difficiles élections en 2019 (ou peut-être avant), tant il a appliqué de manière imaginative sa promesse de mettre fin à l’austérité. François Hollande lui serait un très digne successeur, lui qui a consacré son quinquennat à mettre fidèlement en œuvre cet engagement fondamental : combattre son ennemi juré, le monde de la finance.
L’arrivée à Athènes pourrait cependant lui être disputée par un autre héros national : l’ancien ministre d’Etat chargé de l’environnement. Après avoir claqué la porte de l’Hôtel de Roquelaure, Nicolas Hulot rêve, dit-on, de diriger un pays qui – du fait de dix ans de cure européenne renforcée – a vu disparaître de larges pans de son industrie, permettant ainsi la renaissance des sains et naturels équilibres écologiques. Pour l’ancien animateur télé, la reconversion personnelle serait un parfait exemple de transition écologique et solidaire.
On n’aurait garde, enfin, d’omettre que la malheureuse, ou plutôt la bienheureuse, Christine Boutin, guigne le poste très recherché de chef des Gardes suisses du Vatican, dans ce mercato, en l’occurrence ce mercatho, européen.
Mais foin de monothéisme, le véritable salut de l’Europe passera par la céleste ascension du Jupiter pour l’instant reclus à l’Elysée. Selon certaines rumeurs, celui-ci fait procéder à de discrets repérages sur le Mont Olympe, afin d’y prendre un jour ses quartiers éternels.
Tant il est vrai que, de Manuel à Emmanuel, l’humilité est décidément jumelle de la mobilité.
Comme aurait aimé à le répéter Jacques Prévert : «Chez le tailleur de pierre où je l’ai rencontré, il faisait prendre ses mesures pour la postérité.»
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