En déclarant qu'aucun signe de hacker russe n'avait été révélé dans la cyberattaque contre la campagne d'En marche! le directeur de l'ANSSI va-t-il mettre fin aux accusations d'ingérence russe ? Le général Pinatel analyse la portée de cette annonce.
RT France : Le directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) Guillaume Poupard a expliqué dans un entretien à AP qu'aucune trace de hacker russe n'avait été relevée dans l'attaque de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron. Cette déclaration est-elle selon vous étonnante ou inattendue ?
Jean-Bernard Pinatel (J.-B. P.) : Si Guillaume Poupard a pu le dire à la presse, c'est qu'il en a eu l'autorisation. Il devait probablement avoir cette information depuis quelque temps et attendre l'aval du gouvernement pour en parler. Il s'agit certainement d'une des retombées de la rencontre à Versailles entre les deux chefs d'Etat français et russe. Cela montre qu'il y a une volonté du président français de dégel avec la Russie. C'est clairement un signe. Je pense qu'Emmanuel Macron a été convaincu par Vladimir Poutine que la Russie n'avait rien à voir avec ces cyberattaques et que cela allait probablement dans le sens des convictions des services de renseignement français. Tout cela signifie qu'Emmanuel Macron a une volonté d'aboutir à une relation d'Etat à Etat et non pas de vassal des Etats-Unis face à la Fédération de Russie. C'est un petit pas qui ne passera sans doute pas inaperçu en Russie.
De nombreux médias français sont à l'écoute de ce qui se passe aux Etats-Unis et de ce que disent leurs médias. Les accusations ne vont pas s'arrêter comme ça
RT France : Peut-on imaginer que les propos de Guillaume Poupard mettent fin aux accusations envers la Russie ou le doute subsistera-t-il ?
J.-B. P. : Cela prendra du temps. Les accusations politiques vis-a-vis de la Russie ont une source permanente : l'avis des anglo-saxons – aussi bien les Anglais que les Américains. Ils mènent une campagne de désinformation depuis des décennies vis-a-vis de la réalité russe. Ils n'ont jamais pris le virage de la Guerre froide pour des raisons stratégiques. Or, de nombreux médias français sont à l'écoute de ce qui se passe aux Etats-Unis et de ce que disent leurs médias. Les accusations ne vont pas s'arrêter comme ça. Il faudra qu'il y ait une période de travail de la part du président et du gouvernement pour expliquer que nous sommes sortis de la période antérieure vis-à-vis des relations franco-russes.
Lorsque l'on désigne quasiment instantanément la Russie ou la Chine ou tout autre état dans une cyberattaque, c'est de la rigolade
RT : Comment expliquer que cette déclaration d'une personnalité officielle française ne soit que très peu reprise par les médias du pays, eux qui avaient été si prompts à partager la rumeur d'une cyberattaque liée aux hackers russes ?
J.-B. P. : Les médias français ont été ces dernières années à la solde de la vision américaine en reprenant tout ce que leur donnaient les médias américains sans aucune vérification ou validation. Cette information doit les embêter un peu mais maintenant que cela a été dit, elle sera forcément reprise.
Il faut comprendre également que nous sommes en pleine campagne électorale. Il y a donc bien d'autres événements de politique intérieure qui apparaissent comme bien plus importants à traiter, à l'instar de l'ouverture d'une enquête par le procureur de Brest contre le ministre Richard Ferrand. C'est tout logiquement que les médias français sont actuellement plus tournés sur ces sujets.
RT France : A quel point les auteurs de ce type de cyberattaque sont-ils difficiles à retrouver ?
J.-B. P. : S'il s'agit d'une attaque bien menée par des professionnels et en particulier par un Etat c'est intraçable. C'est bien pour cela que lorsqu'on désigne quasiment instantanément la Russie ou la Chine ou tout autre Etat, c'est de la rigolade ! Cela fait bien rire tous les spécialistes en cybersécurité.
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