Lors du premier tour de la présidentielle, l'équipe d'Emmanuel Macron a refusé aux journalistes de RT l'accès à son siège de campagne. En attendant, d'après le journaliste Bryan McDonald, les médias occidentaux continuent de «tromper leurs lecteurs».
L'équipe du candidat à la présidence Emmanuel Macron a interdit à RT l’accès à son siège de campagne le week-end du premier tour. Cependant, même le think tank de l'OTAN ne peut trouver de preuves concernant la partialité de RT vis-à-vis de ce candidat. L'affaire montre le pouvoir de l'embellissement, de la déformation et de la surévaluation des médias.
C'est le vieux cliché d’une soirée quiz : «Quel est le plus grand pays d'Europe ?» Aveuglé par la définition politique habituelle du continent, le joueur pousse des «heu» et des «hum», perplexe : l'Allemagne ou la France ? Il est alors étonné de découvrir que c'est la Russie.
Quelques tours plus tard, un autre piège est tendu : «Quel est le plus grand pays d'Asie ?» Les cerveaux fument, plongés dans leurs réflexions sur la superficie de l'Inde ou de la Chine. Bien sûr, ils sont stupéfaits en apprenant que la réponse est à nouveau la Russie. Après, autour d’un verre, les conversations tournent autour de la grandeur du pays, certains peuvent même émettre le souhait de le visiter.
C'est probablement le problème central de la Russie dans les esprits occidentaux. Le pays est colossal, immense, vaste. Cela effraie les gens. De surcroît, cela signifie que vous pouvez convaincre le quidam que la Russie représente une terrible menace, même si toute logique vraisemblable suggère le contraire. Tout comme avec la folie actuelle entourant les élections dans le monde «démocratico-libéral», quand nous sommes encouragés à croire que lesdites élections sont de plus en plus manipulées depuis Moscou.
Une table avec un pied en moins
Evoquons le G7 par exemple. Tous ses membres ont connu des élections générales au cours des deux-trois dernières années ou doivent les avoir au cours des douze prochains mois. Et nous entendons constamment la façon dont le Kremlin manipule les votes aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France, mais nous n’entendons rien au sujet du Japon, de l'Italie ou du Canada. Des tentatives visant à inciter les mêmes absurdités sur la campagne à venir en Allemagne ont déjà eu lieu, mais le BND (les services secrets de Berlin), à leur crédit, les a taclées sévèrement avant que ces exagérations ne puisse se propager.
Cela dit, Politico, Buzzfeed et Newsweek continuent de tromper leurs lecteurs avec un récit déformé.
Tandis que les hommes politiques se défoulaient, la réelle hystérie était dans les médias
Une question sérieuse demeure. Si la Russie exploitait effectivement les scrutins pour torpiller la détermination de l'Occident, pourquoi viserait-elle exclusivement les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ? Pourquoi pas le Canada, l'Allemagne, l'Italie ou le Japon ? Car après tout, ces quatre derniers ont des médias beaucoup moins tapageurs ou influents, à l'exception peut-être de l'Allemagne.
Peut-être que la réponse est que cette campagne de diffamation est une absurdité complète ? Qu’elle est devenue un outil pour que les libéraux puissent expliquer leurs échecs électoraux sans devoir reconsidérer leurs propres faiblesses ? Pour prouver cette hypothèse, il suffit de regarder les démocrates américains qui, cinq mois après avoir perdu contre un clown fanatique, probablement fou, continuent à parlers de «Russie, Russie, Russie» au lieu de déterminer les raisons réelles de la victoire de Donald Trump.
Au tour de Paris
En attendant, la France est un terrain fertile pour la trope «le Kremlin dans le rôle de Sauron». Après tout, vous avez le libéral télegénique Emmanuel Macron qui lutte contre Marine Le Pen dans la bataille pour le poste de président. Pendant la première partie de la campagne, le premier s'est rendu à Berlin pour obtenir le sceau d'approbation d'Angela Merkel, et la seconde est apparue à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine. Le déplacement en Allemagne a été salué comme quelque chose de positif dans la presse populaire, alors que le rendez-vous du Kremlin comme quelque chose de sinistre.
Suite au premier tour du 24 avril, de nombreux dirigeants occidentaux ont salué le maigre avantage de Macron. La patronne de la politique étrangère de l'UE, Federica Mogherini, en faisait partie, saluant sur Twitter le leader d'En Marche! avec les propos suivants : «L'espoir et l'avenir de notre génération». Coïncidence du calendrier, elle devait rencontrer son homologue russe, Sergueï Lavrov, à Moscou le matin suivant. A une question sur le sujet, elle a répondu en esquivant comme un parent coupable cachant une soirée de Pâques trop arrosée à son enfant.
La délicieuse ironie c'est qu'Emmanuel Macron imite le comportement de son ennemi idéologique, Donald Trump
Journaliste : «Il parait que quasiment le même nombre d'électeurs français voient en Marine Le Pen leur espoir et leur avenir. Si la Russie appelait l'un des candidats «l’espoir de sa génération», serait-t-elle accusée d'interférer dans les élections françaises ? »
Federica Mogherini : «Sergueï, ne veux-tu pas prendre celle-là ?»
Nous pouvons dire sans prendre trop de risques que cette réponse ne sera pas citée comme un exemple de conviction par les professeurs de sciences politiques. Cependant, Federica Mogherini n'a pas été la seule. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé Macron pour le féliciter. Ce qui semble néanmoins être contraire à l'éthique, étant donné qu'il va devoir travailler avec celui que les Français vont élire.
Satellite de tromperie
Cependant, tandis que les hommes politiques se défoulaient, la réelle hystérie était dans les médias. CNN nous a livré des informations folles, insensées et absurdes sur la façon dont des hackers «ayant probablement des liens avec Poutine» avaient visé le candidat du parti En marche!. Les preuves étaient insuffisantes, les experts cités douteux, et CNN a même été obligé d'admettre que, après les précisions du personnel de Macron, «aucune donnée sensible n'a été volée». Ce qui signifie qu'ils s'en sont distanciés. En fin de compte, incapables de mettre la main sur un véritable expert sur la Russie qui ajouterait du sérieux à ces absurdités, ils ont sorti de leur chapeau Ben Judah et son alarmisme anti-russe.
Alors que CNN présentait ses dernières «fausses nouvelles», la chaîne américaine s'est engagée dans une bataille quelque peu différente. Le 23 avril, une journaliste de RT s'est vu refuser l'entrée au siège de campagne de Macron par des «bénévoles ressemblants à des hipsters». Mais ce n'est pas de cette comparaison que s'est offusqué le mouvement d'Emmanuel Macron, mais bien de son association à RT.
Bien sûr, la délicieuse ironie c'est qu'Emmanuel Macron imite le comportement de son ennemi idéologique, Donald Trump, qui a banni The Guardian, The New York Times et CNN des points de presse de sa campagne. Il était prévisible qu'aucun de ces médias ne se soit précipité à défendre RT. Et il est intéressant de noter que personne n'a empêché les médias d'Etat français, tels que l'AFP et France 24, de couvrir des élections en Russie.
Les observateurs réguliers de la Russie savent que la probable raison d'être du Conseil de l'Atlantique est de favoriser les tensions avec Moscou
Question de vérité
Il semble que personne au sein de l'équipe de Macron n'avait l'intégrité suffisante pour expliquer cette décision devant les journalistes. Mais The Daily Beast, site américain d'information, a cité des «sources anonymes» confirmant le refus délibéré de remettre des accréditations aux journalistes de RT. Aucune raison claire n'a été donnée, mais The Daily Beast continuait de déclarer qu'il s'agissait de représailles pour la prétendue hostilité de RT envers la candidature d'Emmanuel Macron.
Bien qu'aucune preuve tangible ne vienne étayer cette supposition. Pas plus d'exemple du côté de The Daily Beast. Pis, cet avis est également partagé par le Conseil Atlantique de l'OTAN. Dans un rapport détaillé publié la semaine dernière, un fonctionnaire de cette institution, Ben Nimmo, a analysé la présentation de l'élection en langue française par des médias russes. Il en est arrivé à la conclusion suivante : «Une grande partie de la couverture de RT France est adéquatement équilibrée : le média a certes tendance à critiquer Emmanuel Macron, mais en mentionnant au moins la position du candidat, quoique souvent brièvement.»
Les observateurs réguliers de la Russie savent que la probable raison d'être du Conseil de l'Atlantique est de favoriser les tensions avec Moscou. Et leur liste de «membres» est un véritable annuaire de russophobes. En effet, Ben Nimmo lui-même ne pourra jamais être accusé de sympathie pour le Kremlin. Ainsi, si même la soi-disant «aile intellectuelle» de l'OTAN ne peut fournir de preuves de la partialité de RT à l'égard d'Emmanuel Macron, c'est certainement parce que RT n'a pas de préjugés contre Emmanuel Macron. Son équipe ferait bien d'étudier les faits, et ignorer l'hyperbole médiatique. Surtout s'ils aspirent vraiment à gouverner la France après la consultation finale du mois prochain.
J'ai écrit un article sur l'élection française pour RT en anglais. Après sa publication, j'ai été la cible de critiques sur les réseaux sociaux, soi-disant pour avoir été trop sympathique envers François Fillon et Emmanuel Macron et au contraire pour avoir été «anti-Le Pen». A ce jeu-là, on ne peut jamais gagner.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.