Mercredi le 12 avril, le président américain, Donald Trump, a rencontré pour la première fois le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à Washington.
Il a admis avoir changé de position sur l’OTAN, en qualifiant l’Alliance de «rempart pour la paix et la sécurité internationale».
Cependant, sa volonté d'entretenir des relations pacifiques avec la Russie existe toujours, et Jens Stoltenberg prétend le soutenir dans ce sens.
«Ce serait formidable, comme nous l’avons discuté plus tôt, si l’OTAN et notre pays pouvaient s’entendre avec la Russie. A l'heure actuelle, nos rapports avec la Russie ne sont pas bons. On peut même dire qu’ils sont à leur plus bas niveau historique. C’est le résultat d’une longue période de temps. Mais on verra ce qui arrivera. Poutine est le leader de la Russie. La Russie est un pays puissant. Nous sommes un pays très, très fort. Nous allons voir comment tout cela fonctionnera», a déclaré Donald Trump.
Martin Sieff, du Global Policy Institute, estime que le changement de rhétorique du président américain est «décourageant», mais en même temps «prévisible».
Trump n’a pas fait les mêmes efforts que dans le secteur économique pour désigner les hauts fonctionnaires capables de mettre en œuvre les politiques déclamées au cours de sa campagne électorale
«Le président Trump n’a pas d’expérience dans le domaine de la politique étrangère. Il n’a pas fait les mêmes efforts que dans le secteur économique pour désigner les hauts fonctionnaires capables de mettre en œuvre les politiques déclamées au cours de sa campagne électorale. Au lieu de cela, il se laisse influencer par les opinions de l’establishment», explique l’expert.
Effectivement, selon Martin Sieff, Donald Trump a fait un pivot à 180 degrés dans sa politique otanienne.
«Il a répété à l'envi au cours de sa campagne que l’OTAN était obsolète, qu’elle devait être restructurée. Maintenant, il dit qu’elle ne l'est pas», explique-t-il. «S’il change radicalement l’OTAN, il semble qu’il la rendra plus expansionniste que défensive et stabilisatrice. C’est exactement le contraire des positions prises systématiquement pendant sa campagne.»
En prenant la parole le 12 avril, le leader américain a encore soulevé la question des dépenses.
«La répartition équitable des coûts a été ma priorité depuis ma prise de fonctions. Un tournant décisif a maintenant eu lieu», a annoncé le président.
Martin Seiff explique néanmoins que même si les pays d'Europe concernés augmentent leur participation en faveur de l’OTAN, cela ne fera aucune différence en termes pratiques.
En Allemagne et en France, émergent des forces politiques puissantes qui ne veulent ni augmenter les dépenses militaires, ni aggraver les tensions avec la Russie
«Aujourd’hui, à Washington, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg – et il est un faucon sur ces questions-là – s'est montré confiant concernant une augmentation allant jusqu’à 3,8% du pourcentage de PIB consacré aux dépenses otaniennes. Il a précisé que 10 milliards de dollars supplémentaires avaient ainsi été affectés aux dépenses militaires dans l’OTAN. Mais on constate qu'en 2016, seuls cinq pays membres ont contribué à l'OTAN à hauteur de 2% de leur PIB, le minimum requis par Stoltenberg , ainsi que par Trump. Stoltenberg affirme que deux ou trois autres nations parviendront à ce niveau au cours des deux prochaines années. Cela inclut de très petits pays : la Roumanie, un grand pays sur le plan géographique, mais qui a une base économique très faible ; et la Lettonie, qui est vraiment un très petit pays», pointe l’expert.
Il poursuit en disant que, en Allemagne et en France, émergent des forces politiques puissantes qui ne veulent ni augmenter les dépenses militaires, ni aggraver les tensions avec la Russie.
«Cette année, se déroulent en France des élections. Dans quelques jours, ce sera le premier tour de la présidentielle. Au mois de septembre, il y aura les élections fédérales en Allemagne. Si la situation n'évolue pas selon le scénario américain, alors tous les espoirs de Donald Trump d’augmenter les dépenses de l’OTAN s’effondreront. Cela n’arrivera pas», considère Martin Sieff.
La réévaluation de l’OTAN par Trump pourrait également avoir un impact sur les relations des Etats-Unis avec la Russie, assure l’analyste.
Le peuple russe a souffert plus que quiconque. Cette préoccupation, ces souvenirs historiques sont profondément enracinés chez les Russes
«A court terme, les signaux n'invitent pas à l'optimisme. Sous le mandat du président Obama et du Secrétaire général de l’OTAN Stoltenberg, l’OTAN s'est renforcé en Europe de l’Est, prétendument pour contenir l’agression russe. Cela aura un effet inverse. C’est la Russie qui a été envahie et dévastée par l’Europe occidentale lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Le peuple russe a souffert plus que quiconque. Cette préoccupation, ces souvenirs historiques sont profondément enracinés chez les Russes. Même les déploiements de l’OTAN, bien que relativement modestes, notamment dans les pays traditionnellement très antirusses – des pays petits comme la Lettonie, ou des plus grands tels que la Pologne – suscitent de vives inquiétudes en Russie», raconte-t-il.
«Sans renforcer la sécurité de l’OTAN et de ses membres orientaux, ces déploiements que Stoltenberg souhaite, de concert avec le président américain, ne feront que réduire la sécurité en Europe, et sont au contraire susceptibles de provoquer des catastrophes, de menacer la paix et la sécurité, ce qu’ils aspirent pourtant à défendre», conclut ainsi Martin Seiff.