Le fait que le président américain se mette à opérer les frappes en Syrie sans l'autorisation de l'ONU rappelle les interventions américaines du passé. Le journaliste Martin Jay se penche sur les possibles conséquences d'une telle décision.
RT : Peut-on faire un parallèle entre les frappes aériennes américaines en Syrie et le débuts d’autres interventions américaines à l’étranger ? L’histoire se répète-t-elle ?
Martin JAY (M. J.) : L’histoire se répète en effet, c’est souvent le cas avec l’arrivée de nouveaux présidents. Ils réagissent vis-à-vis des politiques précédentes, notamment au Moyen-Orient. On peut se souvenir de l'ardent désir de Georges Bush d’intervenir en Irak sans l’autorisation de l’ONU. C’est ce qui est en train de se passer actuellement. C’est une histoire sensationnelle. Tout le monde est un peu abasourdi pour l’instant. Il semble que le président américain n’a pas tiré de leçons de l’Histoire.
RT : Que pensez-vous de ce retournement dans la rhétorique de Donald Trump au sujet de la Syrie ?
M. J. : Il semble que ce n’est pas un vrai retournement, on dirait qu’il est en train de préparer le terrain, les médias et le monde entier à la nouvelle génération de la gouvernance, au fait que le président américain peut changer d’avis en l’espace de quelques jours. On commence déjà à s’y habituer. A mon avis, la politique de Donald Trump vis-à-vis du Moyen-Orient, et de la Syrie en particulier, est plus ou moins la même que celle de Barack Obama. La seule différence est que Donald Trump ne voulait pas immédiatement reprendre le mantra «Bachar el-Assad doit partir», parce qu’il cherchait à se différencier, à donner l'illusion d'une grande distance entre lui et le président Obama. Ce changement de rhétorique pour moi n’est donc pas un vrai changement, il est superficiel.
Il s’agit d’un cible facile, c’est une opération réussie du point de vue de la communication à court terme
Donald Trump a envie de victoires au Moyen-Orient, de faire quelque chose en Syrie. Si on examine les récentes politiques à l’égard de cette région, on voit qu’elles sont toutes en échec. Il doit donc faire face à une grande pression pour gagner le respect des dirigeants du Moyen-Orient qui ne le prennent peut-être pas trop au sérieux. L’Iran, l’Arabie saoudite et la Syrie semblent considérer Donald Trump comme quelqu’un qui parle trop, qui se frappe la poitrine, sans pour autant parvenir à des résultats. La pression n’est donc pas extérieure, je crois que c’est un président très égocentrique ; il essaie de prouver son point de vue. Dans ce cas-là il s’agit d’un cible facile, c’est une opération réussie du point de vue de la communication à court terme. C’est une manière de dire aux Américains : «Regardez, je peux frapper, j’ai des résultats, je fais quelque chose en Syrie.»
En frappant les installations militaires des forces du président syrien, Donald Trump donne un avantage aux extrémistes qui se battent contre Bachar el-Assad
RT : Dans quelle direction la situation va-t-elle évoluer ?
M. J. : Le président semble ne pas réaliser à quel point le Moyen-Orient est polarisé. Lorsqu’on essaie de frapper Bachar el-Assad, le problème est que cela profite immédiatement à ceux qui se battent contre lui. En frappant les installations militaires des forces du président syrien, Donald Trump donne un avantage aux extrémistes qui se battent contre Bachar el-Assad, c’est comme se tirer une balle dans le pied.
Certains groupes terroristes et ceux qui les soutiennent financièrement pourront se dire désormais : nous avons maintenant une opportunité, Donald Trump semble être de notre côté, qu’il comprenne la situation ou non.
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