L’offensive contre l’Etat islamique lancée par la coalition dirigée par les États-Unis a ralenti à cause de la forte résistance que les troupes ont rencontrée en avançant vers la vieille ville de Mossoul.
Depuis le début de la campagne, en octobre 2016, les forces irakiennes ont repris l’est de la ville et environ 40% des quartiers ouest de la ville.
Cependant, tandis que le combat fait rage, le nombre de victimes civiles et de personnes déplacées a considérablement augmenté.
RT : Selon vous, pourquoi y a-t-il une telle différence dans les couvertures médiatiques des deux batailles – celle d’Alep et celle de Mossoul – par les grands médias ?
Ken Livingstone (K. L.) : Je crois que, tout simplement, c’est ainsi pour chaque guerre. Je me souviens de la guerre du Vietnam : l’intervention des Etats-Unis a causé quatre millions de morts environ dans ce pays. Et, pourtant, tout ce que les États-Unis disaient était qu'il s'agissait d'une lutte de l’Occident pour empêcher une conquête communiste.
En fait, les Vietnamiens voulaient tout simplement avoir le contrôle de leur propre pays, c’est ça la réalité. Dans toute guerre, il y a un nombre épouvantable de victimes civiles. Je regarde RT et la BBC, chacune offre une perspective différente. Et quelqu’un qui regarde uniquement la télévision occidentale n’aura aucune idée de ce que vous venez de montrer et de révéler. Et je pense que c’est une tragédie.
Pendant la guerre, les deux camps comptent sur la propagande, ils défendent chacun leur cause. La tragédie, c’est que la plupart des gens, en Occident, ne regardent que les chaînes occidentales
RT : Etes-vous étonné par l’absence de réaction de la part du public face à la crise de Mossoul ? Après tout, les réseaux sociaux abondaient d'appels à arrêter la bataille d’Alep, mais il y en a relativement peu pour la bataille de Mossoul.
K. L. : C’est juste la façon dont les guerres sont menées. Pendant la guerre, les deux camps comptent sur la propagande, ils défendent chacun leur cause. La tragédie, c’est que la plupart des gens, en Occident, ne regardent que les chaînes occidentales. Il serait beaucoup plus sain que de plus en plus de gens suivent RT et d’autres chaînes étrangères pour y apprendre un point de vue différent. Il n’y pas d’autres moyens d’obtenir des informations. Revenons aux années 1980 : on avait des troupes britanniques traversant la frontière irlandaise, tuant non seulement les combattants de l’Armée républicaine irlandaise, mais aussi les milices populaires, tout cela pour semer le trouble. On ne nous a jamais parlé de cela. Il a fallu vingt ans, vingt années au cours desquelles je posais des questions au Parlement, pour qu’ils reconnaissent finalement que nos troupes avaient commis des meurtres en Irlande.
RT : Au lieu de couvrir la situation à Mossoul, certains médias préfèrent parler du rapport de l’ONU qui blâme Assad et ses alliés pour des frappes délibérées sur des infrastructures humanitaires en Syrie...
K. L. : Ce n'est pas tout. Regardez les bombardements épouvantables effectués au Yémen où les armes britanniques et américaines, qui ont été vendues aux Saoudiens, tuent des civils sans distinction et bombardent des écoles et des hôpitaux. Pratiquement personne en Occident ne reçoit la moindre information à ce sujet. En fait, nous n'avons qu'un ou deux bons journaux – The Guardian, par exemple, couvre le sujet. Mais la plupart des gens ne savent même pas que de tels événements se déroulent là-bas. Alors que l’ONU est une bonne institution en général, elle a, de mon vivant, poursuivi principalement les intérêts américains.
Jimmy Carter avait été informé par la CIA en 1979, que, si les Etats-Unis fournissaient des armes aux moudjahidines en Afghanistan, la Russie devrait y entrer pour mettre fin aux troubles, créant ainsi un Vietnam pour la Russie
RT : La bataille de Mossoul est présentée comme une bataille décisive contre Daesh. Mais reprendre Mossoul ne signifie pas vaincre le groupe terroriste. Pourquoi n’entendons-nous pas parler du fait que cette bataille contre l’Etat islamique pouvait affecter des zones civiles ?
K. L. : Une partie du problème, c'est que, dans les années 1980, les Etats-Unis ont commencé à financer des groupes fondamentalistes musulmans, dont les Saoudiens finançaient les plus extrémistes, tels qu'Al-Qaïda. L’Occident dénonce le terrorisme islamiste, alors que ses origines remontent aux années 1980. Le président Carter avait été informé par la CIA en 1979, que si [les Etats-Unis] fournissaient des armes aux moudjahidines en Afghanistan, la Russie devrait y entrer pour mettre fin aux troubles, créant ainsi un Vietnam pour la Russie. Une catastrophe absolue.
Lorsque Carter a pris la décision de se lancer dans cette stratégie, il n’aurait jamais pensé qu’il donnait le coup de départ à un phénomène qui conduirait aux événements du 11 septembre. L’Occident doit être conscient que nous avons financé la création de l’extrémisme et du terrorisme en découle. Il faut mettre un terme à tout cela, ce qui signifie exercer des pression sur l’Arabie saoudite, qui est toujours un bailleur de fonds majeur des groupes terroristes dans le monde musulman.