RT : Quelle est votre vision du fait qu’Al Jazeera donne une tribune aux terroristes ?
Vanessa Beeley (V. B.) : Ce n’est pas tellement inhabituel pour Al-Jazeera en un sens : même s’ils n’ont pas ouvertement donné une tribune aux terroristes, ils parlent de la guerre que l’OTAN et les pays du Golfe mènent contre la nation souveraine en Syrie. Ils émettaient apparemment depuis Alep-Est, via des journalistes citoyens et des activistes qui, comme nous l’avons appris plus tard, étaient clairement liés aux groupes extrémistes, tels que Norat Al Zinki ou l'ex-Front Al-Nosra et d’autres groupes affiliés qui se trouvaient à l'intérieur d'Alep-Est. Ils ont produit des narratifs et la propagande que l’OTAN voulait entendre, pour s'assurer que la détention des civils se poursuive à Alep-Est. Alors, il n'est pas inhabituel pour Al-Jazeera, façon de parler, de servir de plateforme aux organisations terroristes. Encore une fois, le changement de nom de Tahrir al-Cham, n'est qu'un procédé destiné à donner une nouvelle image et c'est un procédé bien connu aujourd’hui.
Il est assez difficile, même pour l’administration américaine, de suivre le processus qu’elle a initié elle-même : les changements de noms d’Al Qaïda
RT : Les combattants changent souvent de nom. Pour quelles raisons ?
V. B. : Il y a deux aspects. Tout d’abord, il y a des bandes partout en Syrie et il y a des gangs qui s’y opposent. Des groupes dissidents, en particulier à Idleb, ils luttent les uns contre les autres, différentes factions extrémistes et militantes se battent entre elles. En ce qui concerne le Front Al-Nosra, qui se fait appeler maintenant Front Fateh Al-Sham, si je ne me trompe pas, il semble qu’il est assez difficile même pour l’administration américaine, sous Barack Obama comme sous Donald Trump, de suivre le processus qu’elle a suscité elle-même : les changements de noms d’Al Qaïda. Ce que nous observons en réalité, c’est l’intensification des luttes intestines pendant les pourparlers de paix. Des pressions seront sans doute exercées sur l’administration américaine, pour qu’elle fasse le tri sur le terrain en Syire, entre les militants qui sont des terroristes et ceux qui ne le sont pas. Et nous voyons toujours que ces changements de nom se produisent à ce moment-là.
Aucune de ces attaques ne pourrait être aléatoire, en particulier, si elles sont menées parallèlement avec des divers pourparlers de paix qui ont été organisés au cours des dernières années
RT : Le groupe nie avoir attaqué les installations militaires syriennes à Homs dans le but de perturber les pourparlers de paix à Genève. Pensez-vous qu'il s'agit d'une simple coïncidence ?
V. B. : Absolument pas. Aucune de ces attaques ne peut être aléatoire, en particulier, lorsqu'elles sont menées parallèlement aux divers pourparlers de paix qui ont été organisés au cours des dernières années. Et concernant cette dernière attaque, ce qu'il fait savoir, c'est qu'il y a eu une intensification – depuis ces quatre à sept derniers jours – des campagnes de l’armée arabe syrienne contre les groupes terroristes à Homs et dans les alentours de la ville. En fait, j’ai remarqué que dans la couverture médiatique de cet incident, nous avons vu apparaître les Casques blancs. La plupart des médias ont utilisé leurs vidéos. C’est l’une des rares fois que je les ai vus filmer une opération terroriste à Homs. Pour moi donc, cela prouve le fait que les Casques blancs ont été utilisés, conjointement au changement de nom de ce groupe terroriste, en réalité pour protéger ce groupe – pour demander l’établissement d'une zone d’exclusion aérienne, pour faire dérailler les opérations de l’armée arabe syrienne, qui vise à purger la région, à la libérer des groupes terroristes.
Nous avons aussi obtenu un nombre de témoignages attestant qu’ils opéraient aux côtés des organisations terroristes à Alep-Est, ils ont même participé à certaines atrocités
RT : Le fait que le documentaire sur les Casques blancs ait remporté un Oscar est-il une victoire artistique ou plutôt politique ?
V. B. : Je pense que c'est une victoire pour la propagande. On peut les féliciter pour leurs talents d’acteurs, plutôt que pour leur rôle humanitaire. Une journaliste de RT, Lizzie Phelan, et moi, nous étions à Alep-Est à peu près au même moment, lors de la libération de l’occupation du Front Al-Nosra, et aussi après la libération de la ville, lors des cérémonies de célébration qui ont eu lieu avant Noël. Nous avons toutes les deux parlé aux civils dans différents quartiers libérés d’Alep-Est, qui sortaient après un emprisonnement qui a duré quatre ans et demi. Nous avons demandé à ces gens ce qu’ils savaient sur les Casques blancs. Et quand je mentionnais ce nom, une étiquette qui leur a été attribuée par les directeurs de la campagne de marketing et par les médias occidentaux, la plupart des civils n’avaient aucune idée de qui étaient ces Casques blancs. Après quelques explications sur le sujet, après une mention de la défense civile, ils répondaient presque tout de suite : «Ah, vous voulez dire la défense civile, le Front Al-Nosra».
Et c’était une réaction spontanée des Syriens qui habitaient dans des quartiers libérés. Et nous avons aussi obtenu un nombre de témoignages attestant qu’ils opéraient aux côtés des organisations terroristes à Alep-Est, ils ont même participé à certaines atrocités perpétrées par les terroristes à Alep-Est, aux alentours d’Alep et à Idleb. Par exemple, un de leurs leaders, un ami proche de Raed Saleh, le soi-disant président des Casques blancs – son nom est Mustafa al-Haj Yussef – montre sur l'une de ses pages dans les réseaux sociaux qu’il est lié à Daesh et à Ahrar Al-Cham. Il appelle à l’unité de l’organisation terroriste ebn question sur le territoire syrien, il a appelé à bombarder les civils à Damas lors des élections de 2014, alors qu'il était déjà membre des Casques blancs. Ils annoncent que beaucoup de leurs membres sont d'anciens combattants, mais qu'ils ont renoncé à se battre afin de rejoindre une organisation humanitaire. Mais de telles déclarations sur les réseaux sociaux entrent en contradiction avec ce récit.