Le choix est vite fait entre le président sortant gambien Yahya Jammeh et le nouvel élu, Adma Barrow, qui inspire confiance à la communauté internationale, juge le directeur de publication du Groupe Jeune Afrique Marwane Ben Yahmed.
RT France :Alors que le Conseil de sécurité de l'ONU, les pays de la Cédéao et les cadres de l'armée gambienne se sont mis du côté d'Adama Barrow, reste-t-il des soutiens à l'intérieur du pays au président sortant Jammeh ? La situation peut-elle encore se régler de manière pacifique ?
Marwane Ben Yahmed (M. B. Y.) : Nous l'espérons tous. Cela dépendra de la médiation effectuée par le Guinéen Alpha Condé et son conseiller Tibou Camara, qui connaît très bien Yahya Jammeh pour avoir des liens familiaux (par alliance) avec ce dernier. Si l'ex-président gambien a certainement encore des soutiens, notamment dans les services et au sein de l'armée, le vent tourne vite dans ces circonstances. Il y a déjà nombre de défections. Mais raisonner logiquement avec Jammeh n'est pas la manière la plus adéquate pour tenter de prévoir ce qu'il va se passer...
RT France : Yahya Jammeh doit-il craindre des poursuites judiciaires dans son pays ou dans un autre pays africain après sa destitution ?
M. B. Y. : Vu son passif, cela semblerait logique. Mais il peut négocier, pour laisser sa place et organiser un éventuel exil, en Guinée, au Maroc ou au Qatar, une sorte d'impunité globale. C'est ce qui avait été proposé à Laurent Gbagbo début 2011, lors de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire. Sans cela, difficile de convaincre quiconque de baisser les armes...
Si Barrow a quitté son pays, c'est qu'il se sentait menacé
RT France : L'intervention militaire, qui prend pour l'instant plus les atours de menace et de présence sur le sol gambien, est menée par le Sénégal. Adama Barrow a prêté serment à Dakar. Ce pays et la Gambie ayant des relations conflictuelles est-ce que l'implication importante du Sénégal dans cette passation de pouvoir sous tension pourrait être préjudiciable ?
M. B. Y. : Ce n'est évidemment pas l'idéal pour Adama Barrow, et cela peut heurter un certain nombre de Gambiens, sourcilleux sur la souveraineté de leur pays. Même si Barrow a, techniquement porté serment en territoire gambien, puisqu'il l'a fait à l'ambassade de son pays à Dakar. Mais quelles étaient les autres options ? Si Barrow a quitté son pays, c'est qu'il se sentait menacé. Et avec Jammeh, il n'y a aucune raison de douter de ses craintes. Quant au Sénégal, il joue le rôle que lui confie la communauté internationale et la Cédéao. Il a pourtant longtemps essayé de rester en retrait.
Le «jeu» de la communauté internationale a forcément une grande influence
RT France : La rapidité d'intervention et de lancement de médiation par les pays de la Cédéao peut-elle lancer un signal, aux autres dirigeants de pays africains ne voulant pas quitter leur poste, que désormais les alliances de pays africains pourraient imposer les transitions démocratiques ?
M. B. Y. : La Cédéao a toujours été très en pointe, proactive et efficace lors de crises qui se sont déroulées sur son territoire. Qu'il s'agisse de contentieux post-électoraux ou de coups d'Etat. Il ne faut donc pas généraliser ce qui se déroule en Gambie au reste du continent. L'Afrique centrale, par exemple, semble bien loin... Par ailleurs, le «jeu» de la communauté internationale a forcément une grande influence, comme les protagonistes. Personne n'a envie de défendre le fantasque Jammeh, Barrow inspire confiance et les intérêts économiques en jeu sont faibles. Le choix est donc vite fait.
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