Les déclarations de l'Arabie saoudite concernant leur possible participation à la lutte contre Daesh ne sont qu'un pas diplomatique dans la tentative de trouver un terrain d’entente avec Donald Trump, considère le politilogue Bassam Tahhan.
RT France : A en croire le conseiller du ministre saoudien de la Défense Ahmed Asiri, la coalition militaire des pays arabes et musulmans dirigée par l’Arabie saoudite discutait avec la coalition américaine de la possibilité d'unir leurs efforts dans la lutte contre Daesh en Syrie et en Irak. Si l’Arabie saoudite intervient en Syrie, quelles en seront les conséquences ?
Bassam Tahhan (B. T.) : D’abord l’Arabie saoudite intervient en Syrie, elle n’a fait que ça depuis cinq-six ans, en envoyant des volontaires, des mercenaires, des fanatiques, en vidant ses prisons – ce sont des prisonniers du droit commun qui ont été armés et envoyés en Syrie pour déstabiliser ce pays et éventuellement renverser Bachar el-Assad. Ce sont des vérités qu’on entend pas souvent ; vu la doxa qui règne dans les médias occidentaux et qui cherche à imposer une vision délégitimant le gouvernement syrien.
Nous sommes à la veille de la nouvelle gouvernance aux Etats-Unis. Evidemment il y a une opération de charme de la part des Saoudiens suite aux déclarations de Donald Trump concernant y compris les pays que les Etats-Unis sont censés défendre. Or, Donald Trump dit clairement : «Si nous devons défendre certains pays dans le monde, il faut que ces pays-là payent.» Bien sûr, la Pologne ne pourra pas payer, mais l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ont les moyens de payer – ils l’ont fait et ils continuent. Sauf que le problème c’est qu’il y a un tollé dans la rue arabe contre l’intervention du royaume saoudite non seulement en Syrie, mais également au Yémen, où tous les jours il y a des morts. Tout cela n’aide pas à arranger l’image de marque de Trump s’il soutient l’intervention saoudienne en Syrie.
Pour bien comprendre la diplomatie de l’Arabie saoudite, il faut toujours se référer à leur passé avec les Américains
RT France : Que va faire l’Arabie saoudite ?
B. T. : Va-t-elle envoyer en Syrie des gens mieux intentionnés – qui ne sont pas djihadistes ? Personnellement, je n’y crois pas. Ceux que l’Arabie saoudite va envoyer, c’est toujours des mercenaires, Daesh, mais ils vont porter un autre chapeau, un autre titre, tout cela dans le but de causer plus de dégâts à l’armée syrienne. D’autant plus que tout engagement terrestre a besoin de beaucoup de moyens et d’ordre. Si vraiment le royaume saoudite avait de quoi engager des troupes au sol en Syrie, pourquoi a-t-il créé une coalition pour s’attaquer au Yémen ? Le royaume saoudite ne dispose pas de force terrestre. Il s’agit donc d’un pas diplomatique de l’Arabie saoudite dans la tentative d’essayer de trouver un terrain d’entente avec Donald Trump.
L’Arabie saoudite payera lourdement la grave erreur de continuer sur son dogme wahhabite et de ne pas s’orienter vers des réformes
RT France : Comment l'expliquez-vous ?
B. T. : Pour bien comprendre la diplomatie de l’Arabie saoudite, il faut toujours se référer à leur passé avec les Américains. Ils ont toujours aidé les Américains pour insuffler l’esprit djihadiste. Cela a été le cas en Afghanistan dans les années 1980 ; cela continue aujourd’hui. Mais ce qu’oublient les Saoudiens, c’est que, de plus en plus, ils s'éloignent de la rue arabe sunnite. Ni les Frères musulmans, ni le projet wahhabite, ni al-Qaïda, ni Daesh. L’Arabie saoudite payera lourdement cette grave erreur de continuer sur son dogme wahhabite et de ne pas s’orienter vers des réformes. Car l’axe de résistance chiite va poser de plus en plus de problèmes au Royaume saoudite et aux pays du Golfe.
Du même auteur : C’est une honte que les Américains ne soient pas arrivés à libérer Mossoul»
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.