Le commandement américain fait traîner à dessein l'opération de libération de Mossoul afin de nuire au président élu Donald Trump, estime le politologue Bassam Tahhan, qui met en garde contre la dispersion de Daesh vers d'autres régions.
RT France : La situation à Alep commence à s'améliorer alors qu'à Mossoul les opérations se poursuivent sans qu'on n'en voie la fin. Ces batailles sont-elles comparables ?
Bassam Tahhan (B. T.) : La Russie a terminé la bataille d’Alep assez rapidement alors qu’à Mossoul, selon les dires de François Hollande, il reste encore des semaines, voire des mois de combats. On se demande comment la coalition internationale avec l’aide de l’armée irakienne, des volontaires et de plusieurs pays qui participent aux bombardements aériens n’arrive pas à libérer Mossoul.
Pendant la bataille d’Alep, il y a eu une campagne mensongère sur des massacres commis à Alep et une fois la bataille conclue, on s’est rendu compte que ceux qui avaient commis les massacres étaient les terroristes qu’on a évacués. C’est l’Occident qui a fait des pieds et des mains pour les évacuer. Le responsable des négociations pour les terroristes concernant Alep lui-même a dit que les différents groupes djihadistes n’étaient pas d’accord entre eux, se disputaient les provisions et donnaient cet argument pour expliquer leur défaite à Alep.
RT France : A Mossoul, quel est le problème principal ?
B.T. : C’est que les Américains imposent toujours leur diktat, leurs ordres et consignes au Premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, ou au chef des armées irakiennes. En attendant, les Américains ont permis à beaucoup de combattants de Daesh de quitter Mossoul par le côté ouest afin de rejoindre les villes syriennes de Deir ez-Zor et de Raqqa. L’attaque contre Palmyre s’est faite avec l’aide de combattants de Daesh venus de Mossoul. Les Irakiens et leurs alliés, dans la battaille de Mossoul, ne sont pas maîtres du jeu.
D’ailleurs, il faut rappeler que quand Haïder al-Abadi a vu que la libération de Mossoul traînait, il y a un an, il a menacé les Américains de faire appel à la Russie pour libérer la ville. Cela a été un grand affront pour les Américains.
Mossoul est aussi une ville à majorité sunnite. De grandes parties de sa population ont probablement soutenu Daesh au début. Actuellement, la population est plus partagée. Certains se sont rendus compte de leurs erreurs, d’autres, qui ont fait des compromis avec les djihadistes de Mossoul, ne savent plus quoi faire. Cela explique le nombre de quartiers, de maisons, de matériel électroménager miné pour empêcher l’avancée des troupes irakiennes et éventuellement le retour de ceux qui ont fui.
Les Américains veulent causer des problèmes à Donald Trump parce qu’ils voient qu’il s’entend avec la Russie, qu'il veut lutter contre le terrorisme
RT France : Pourquoi les forces de la coalition ne parviennent pas à libérer Mossoul ?
B.T. : C’est quand même une honte que les Américains avec toute leur puissance ne soient pas arrivés à libérer Mossoul, alors que c’était une battaille plus facile que celle d’Alep. Cela montre que les Américains veulent causer des problèmes à Donald Trump parce qu’ils voient qu’il s’entend avec la Russie, qu'il veut lutter contre le terrorisme. C’est une fin de règne dramatique et tragique pour les populations locales, mais en même temps qui montre une décadence des Etats-Unis. Nous sommes là à un tournant décisif de l’histoire : le monde unipolaire et commandé par les Etats-Unis est révolu.
Rien qu’à voir le changement de ton dans les médias concernant le problème syrien et le président Assad. Hier encore, il a parlé avec les médias français, chose qui n’était pas autorisée auparavant. Nous sommes à nouveau dans un monde bipolaire et tant mieux pour le monde entier.
Plus la libération de Mossoul traîne, plus on donne la chance aux combattants de Daesh d’attaquer ailleurs en Irak
RT France : Vous pensez que le commandement américain fait exprès de faire traîner l’opération à Mossoul pour saboter l'arrivée au pouvoir de Donald Trump ?
B.T. : Exactement. Plus la libération de Mossoul traîne, plus on donne la chance aux combattants de Daesh d’attaquer ailleurs en Irak. Regardez, par exemple, tous les attentats à Bagdad, regardez comment Daesh s’est attaqué à d’autres villes. En même temps, ce temps de flottement peut favoriser la fuite de Daesh vers la Syrie. C’est le rêve américain que cette force de Daesh ne soit pas massacrée par la coalition mais qu’elle aille se battre contre les Russes et l’armée syrienne.
Evidemment, ils ont fait quelques opérations commando à Deir-ez-Zor pour assassiner quelques chefs mais on se demande pourquoi ils ne l’ont pas fait avant ? C’est tout simplement pour cacher par ailleurs tout ce qu’ils organisent contre l’armée syrienne et les Russes en Syrie, l’attitude ambiguë envers les Kurdes et la Turquie – tout cela donnera du fil à retordre à Donald Trump une fois qu'il sera au pouvoir.
On voit que les alliés des Américains dans la région sont en train de perdre
Barack Obama fait tout son possible pour faire échouer les premiers mois de gouvernance de Trump. Cependant, on voit que les alliés des Américains dans la région sont en train de perdre parce que ni le Qatar, ni le Royaume saoudien, ni les Emirats ou le Koweït ne sont dans une bonne position pour aider le sunnisme ultra-orthodoxe dont ils redoutent un retournement contre eux. Une fois la guerre en Syrie terminée, le printemps arabe va frapper le Royaume saoudien et les monarchies pétrolières.
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