Les erreurs de Barak Obama au Moyen-Orient ont mené à la montée en puissance inédite de l'Iran et du Hezbollah dans une région gouvernée autrefois par les Saoudiens et les Etats-Unis, estime le journaliste Martin Jay.
Les véritables conséquences de la politique Obama vont se faire ressentir cette année, une augmentation de nombre de conflits étant inévitable après la nomination d'ennemis déclarés de l'Iran par Donald Trump.
Confusion est un mot qui vient vite à l'esprit quand de nombreuses personnes dans cette partie du monde parlent de l'héritage d'Obama au Moyen-Orient. Mais ce n'était pas seulement ses propres politiques qui semblaient incohérentes l'une avec l'autre, mais aussi sa perception de la façon dont le Moyen-Orient le voyait. Obama n'arrivait pas à résoudre l'énigme de Machiavel qui consiste à savoir s'il est préférable qu'on te craigne ou qu'on t'aime. C'est comme s'il ne décidait de rien, laissant d'abord un vaste gouffre ouvert pour une intervention régionale plutôt que globale, jusqu'à ce que la Russie arrive en Syrie à la fin de l'été 2015.
Pourtant, il y a beaucoup d'échecs dans son mandat que l'on peut qualifier de mauvaise décision, dont le plus grand découle de la volonté de son prédécesseur de dissoudre l'armée irakienne peu de temps après l'invasion américaine du pays en 2003. Cette grave erreur ne peut en aucun cas être sous-estimée. Si j'avais la chance de lui poser une seule question, je demanderait : «Regrettez-vous d'avoir retiré les troupes américaines de l'Irak en 2008 ?» Car rien que cela, pourrait-on affirmer, était une erreur colossale qui a alimenté encore plus la création de ce que nous appelons maintenant Daesh — dans ce pays et, bien sûr, en Syrie.
La nouvelle menace n'est plus d'ordre militaire, mais économique, qui présente un tout nouveau dilemme pour Washington
Mais ces erreurs singulières peuvent être pardonnées, compte tenu du contexte et des objectifs à court terme de son administration et de ses objectifs politiques. N'oublions pas qu'Obama n'est pas arrivé au pouvoir avec la promesse de réduire le nombre d'attaques de drone au Pakistan et en Afghanistan - en fait, il l'a augmenté spectaculaiement par rapport à l'ère de George W. Bush. Non, Obama est venu avec la promesse de retirer des troupes de l'Irak et de l'Afghanistan, ce qui en soi-même n'était qu'un calice de souffrance n'ayant apporté que la douleur — et non pas le bénéfice — au premier président noir américain. C'est comme s'il se préparait à une chute avec une telle promesse, mais il voulait si fort qu'il y ait un changement — comme tant de gens au Moyen-Orient — une toute nouvelle perception de la politique étrangère.
Certains prétendent que cette révision radicale de la façon dont Washington a dirigé le Moyen-Orient remonterait à la nomination de Samantha Power, la conseillère-fomentatrice qui a une fois appelé les Etats-Unis «Allemagne nazie» et a insulté Hillary Clinton en la traitant de «monstre» étant ambassadrice à l'ONU. Après tout, c'est Samantha Power qui avait mené une campagne pour réformer l'ONU plus tôt, mais s'est découragée de la lutte pour cette cause particulière et a décidé ensuite de rejoindre l'organisation. Samantha Power n'a jamais été un grand fan d'Israël et a voulu que la relation entre Washington et se pays s'affaiblisse. Et ce qui est peut-être encore plus émouvant, elle n'a jamais eu peur ni dégoût pour l'Iran qui était plus ou moins la pierre angulaire de ses prédécesseurs et, on pourrait dire, des nominations principales de Trump dans la région aujourd'hui.
Barack Obama a fait l'impensable
Ainsi, elle a entrainé Barack Obama dans les réformes de la région, ce qui a mené à un certain nombre de décisions politiques incohérentes. Comme, par exemple, celle d'armer les rebelles syriens qui combattent pour faire tomber Bachar el-Assad, tout en décongelant les relations avec l'Iran, le principal sponsor et Grand Frère géopolitique de la Syrie.
Mais c'est avec l'Iran et le Hezbollah — ou plutôt la sphère iranienne — que Barack Obama sera associé dans la mémoire d'un grand nombre d'Arabes dans la région. Les politiques quelque peu incohérentes du chef d'Etat américain ont abouti à une intervention en Irak plus importante des deux côtés : des forces américaines, qui sont finalement revenues sous forme de forces spéciales, mais aussi des militaires iraniens et d'infâmes milices chiites qui mènent actuellement tous les combats vraiment horribles à Mossoul.
Barack Obama a fait l'impensable, non seulement il a ouvert une époque entièrement nouvelle où l'on tolère que l'Iran soit une nouvelle superpuissance dans la région, il l'a activement encouragé. Aujourd'hui, la plupart des Arabes déplorent le fait que l'Iran et ses alliés renforcent leur emprise sur la région. Ce n'est pas un hasard si la récente nomination d'un nouveau président au Liban, allié du mandataire iranien, le groupe de militants Hezbollah qui dirige ce petit pays, soit arrivée pendant le temps d'Obama. Le président sortant des Etats-Unis a poussé pour arriver à un accord avec l'Iran – l'accord qui, contrairement à ce que croient la plupart des Américains, cherche à libérer l'Iran de sanctions paralysantes et à débloquer 100 milliards de dollars en espèces delés l'Occident. Faire sortir l'Iran de l'isolement était censé secouer la région et signaler la fin du statu quo de l'Arabie Saoudite qui mène le bal plus ou moins partout avec Israël.
Etant donné que l'Iran et ses alliés sont plus forts, l'équipe de Donald Trump a déjà un certain nombre de scénarios cauchemar à venir
Aujourd'hui, Donald Trump vient de nommer les deux plus grands adversaires de l'Iran qu'il aurait pu trouver en tant que ministre américain de la Défense et en tant que nouvel ambassadeur américain en Israël — James Mattis et David Friedman — deux individus qui sont probablement d'accord avec l'opinion d'Israël et de l'Arabie Saoudite selon laquelle l'Iran est une menace qu'il faut traiter. Cependant la nouvelle menace n'est plus d'ordre militaire, mais économique, qui présente un tout nouveau dilemme pour Washington, qui ne peut pas s'opposer à l'idée que l'Iran est un pays où un groupe moderne et réformiste s'oppose aux conservateurs jusqu'au-boutistes, à la différence de l'Arabie saoudite. L'Iran progresse. Et c'est un nouveau problème en soi. Et tout cela est la faute de Barack Obama.
Comme l'économie iranienne est en plein essor et devrait atteindre au moins 5% de croissance — avec une injection attendue de 50 milliards de dollars en investissements — les stratégies géopolitiques du pays peuvent également se développer. La guerre en Syrie est plus ou moins terminée et cela, bien sûr, est en grande partie lié au fait que la Russie est venue à l'aide de Bachar el-Assad avec du matériel militaire et des soldats. Mais nous ne devrions jamais oublier que la chute d'Alep n'est pas seulement une victoire pour le régime du chef d'Etat syrien, mais ce sont surtout les butins de la guerre pour le Hezbollah, qui bénéficie également du coup de pouce d'Obama et dont le leader a récemment souligné dans un discours que l'Ouest pouvait désormais «oublier le renversement du régime syrien».
L'expérience en Syrie a considérablement renforcé la réputation militaire du groupe chiite libanais, et tout le monde sait où cela mène : cela mène à une guerre inévitable contre Israël à un moment donné. Ce n'est guère un secret que les Etats-Unis étaient en pourparlers avec le Hezbollah, et d’après certaines informations les diplomates britanniques ont servi d’intermédiaires de sorte qu'aucune des lois américaines ne soient violées. Mais qui aurait cru que, comme m’ont dit les sources au sein de la communauté du renseignement, les photos satellite américaines des positions de Daesh seraient partagées avec le groupe libanais, ce qui aurait récemment attiré la colère des journalistes américains lorsqu’il a été découvert que les transporteurs militaires US étaient entre leurs mains en Syrie.
Etant donné que l'Iran et ses alliés sont plus forts, mieux équipés, plus riches et veulent augmenter leur influence dans la région, l'équipe de Donald Trump qui a pris ses fonctions a déjà un certain nombre de scénarios cauchemar à venir. Un conflit émerge probablement à Gaza à la veille du 50e anniversaire (au mois de juin de cette année) de son occupation qui atteint son paroxysme. De même, Daesh et Al Qaeda devraient se diriger vers le Yémen et la Libye, tandis que les tensions entre Israël et le Hezbollah s'aggraver, vu que ce dernier se vante d’avoir des «milliers» de nouvelles roquettes de qualité visant Tel Aviv. C’est une note de bas de page dans un discours que le leader du Hezbollah n'aurait pas été en mesure de faire par le passé, mais maintenant il l’affirme fièrement, tout en veillant à ne plus critiquer l’Oncle Sam, son nouveau pote qui a rendu tout cela possible.
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