Le format de troïka avec la Russie, la Turquie et l'Iran pourrait aider à rétablir la paix en Syrie, mais un accord sera «difficile à atteindre» sans prendre en compte «les intérêts des acteurs majeurs», estime l'ancien diplomate John Limbert.
RT : La Russie et la Turquie disent toutes deux que l’assassinat de l’ambassadeur russe visait à aggraver les relations entre les deux pays. Qui aurait pu en bénéficier ?
John Limbert (J. L.) : Je ne sais pas qui en bénéficierait, mais je ne pense pas qu’il y a des raisons pour tenir de tels propos. Mais tout d’abord, laissez-moi présenter mes condoléances à la famille de l’ambassadeur Andreï Karlov. Je ne le connaissais pas personnellement, mais j'ai connu beaucoup de diplomates russes durant ma carrière, et je les considérais toujours comme des professionnels – nous sommes des collègues, indépendamment des positions de nos pays, nous collaborons. L’ambassadeur Karlov faisait ce que les diplomates ont à faire : il assistait à l’inauguration d'une galerie d’arts, il était parmi les gens, et malheureusement, il a été tué dans l'exercice de ses fonctions.
Cet événement met en valeur le fait que la souffrance du peuple syrien doit cesser
RT : Le meurtre d’Andreï Karlov, va-t-il influencer de quelque façon le processus de paix en Syrie ?
J. L. : Je ne saurais dire. Mais ce que je peux constater, c’est que cela souligne la nécessité de mettre fin aux violences en Syrie et aux souffrances du peuple syrien. Cela dure depuis déjà trop longtemps, le conflit a fait des milliers et des milliers de morts, de blessés, des millions de réfugiés. Cet événement met en valeur le fait que cette souffrance doit cesser. Il faut permettre au peuple syrien de vivre en paix et en sécurité.
Le règlement du problème kurde est prioritaire pour les Turcs, ils l’estiment même plus important que de parvenir à un accord satisfaisant en Syrie
RT : Les hauts diplomates russes, turcs et iraniens se sont rencontrés plus tôt pour négocier sur la Syrie. Et les trois pays ont déclaré qu’ils s’uniraient pour assurer le processus de paix en Syrie. Ce format a-t-il des chances de fonctionner ?
J. L. : Je ne peux pas parler au nom de mon gouvernement, mais personnellement j’aurais salué toute mesure susceptible de mettre fin à la souffrance et qui ramènerait la paix et la sécurité à ces Syriens admirables. De l’autre côté, nous connaissons les positions de chacun de ces pays – l’Iran et la Russie ont soutenu Bashar el-Assad dans la guerre brutale contre son propre peuple. En ce qui concerne les Turcs, il semble que le règlement de leur problème kurde soit prioritaire pour eux, ils l’estiment même plus important que de parvenir à un accord satisfaisant en Syrie.
Chacun poursuit son propre intérêt particulier. Si cela aboutira à un accord ou à autre chose, personne ne peux le dire pour le moment.
RT : Quelle sera la réaction des pays occidentaux à l’égard de ce format, déjà dénommé troïka par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ?
J. L. : Le problème c’est que tout accord en Syrie qui exclut des acteurs majeurs et des gens qui y ont des intérêts, que ce soit l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite, la Jordanie ou les Etats-Unis – n’importe qui – sera très difficile à atteindre. Il faut avoir au moins un consensus à un certain niveau pour mettre fin aux souffrances et rétablir la paix et la sécurité en Syrie.
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