Philippe Verdier : «La COP-22 va être l’heure de vérité»

Philippe Verdier : «La COP-22 va être l’heure de vérit黩 ALAIN JOCARD Source: AFP
COP-21, Le Bourget, décembre 2015
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Malgré le nombre incessant de promesses et de bonnes intentions, rien n'a fondalement changé depuis la COP-21. La conférence de cette année permettra néanmoins de faire le point, estime le journaliste Philippe Verdier.

RT France : Laurent Fabius a été recompensé par la Munich Security Conference, pour la COP-21. Pour vous, cette conférence a-t-elle vraiment été un succès ?

Philippe Verdier (P. V.) : On est face à un succès de communication. Je pense que ce n’est pas un succès, c’est vraiment abusif de le dire. Il faut rappeler que ces COPs ont lieu depuis 20 ans, après la COP-21, maintenant la COP-22. Par ailleurs, les négociations des Nations unies étaient en train de s’effondrer, compte tenu du manque de réussite du protocole de Kyoto. A Paris, à l'extrême limite, on a pu trouver un accord et maintenir ce type de négociations. Ce n’est pas un succès, c’est juste un rattrapage. Après les promesses qui ont été faites l’année dernière, la COP-22 va être l’heure de vérité pour savoir si les Etats se sont engagés concrètement dans les actions et sur les budgets qu'ils avaient prévus d'allouer à l'écologie. 

Je pense que le prix remporté par Laurent Fabius récompense son travail d'hôte de la COP21. Sur le climat, il n’a pas fait grand chose de significatif.

L’ONU est si contente de cet accord, parce que cela permet de pérpetuer ces COPs, d'avoir la COP-23, la COP-24

RT France : Après les accords de la COP-21 à Paris l'année dernière, à quoi sert de se réunir aujourd'hui à Marrakech ?

P. V. : Les Nations unies fonctionnent comme ça. Ségolène Royal le disait au journal Le Monde en 2015. On est face à un système très bureaucratique où il y a de véritables fonctionnaires du climat, c’est donc un métier de s’occuper du climat. A mon avis, si l’ONU est tellement contente de cet accord, c'est parce qu'il permet de perpétuer ces COP, d'avoir la COP-23, la COP-24. En fait, c'est une assemblée de copropriétaires. Si cette conférence a lieu cette année, c’est pour faire le point, étant donné que l’année dernière il y a eu beaucoup de promesses, de bonnes intentions. Maintenant, qu’est-ce qu’il y a concrètement derrière cet accord ? Personne ne le sait. Même si certains Etats se vantent d’avoir ratifié l’accord, pour l’instant, rien n’a fondamentalement changé.

Cela fait une génération que ces gens se réunissent pour essayer de trouver des accords, pour entreprendre des actions, mais au final le rechauffement persiste

RT France : Qu’attendez-vous de la COP-22 ? Pensez-vous que des engagements vont être pris et que la situation va changer ?

P. V. : Je me situe plutôt en tant qu’observateur, j’ai suivi quatre COP au total. On n’attend rien du tout de ces conférences. Je suis extrêmement perplexe par rapport à ce qu’elles apportent sur le climat, parce que cela fait une génération que ces gens se réunissent pour essayer de trouver des accords, pour entreprendre des actions, mais au final le réchauffement persiste, la présence de CO2 dans l’atmosphère atteint des records sans qu'il existe de véritables solutions. Même si les entreprises, les grandes villes font des actions à l’échelle des Nations unies, il ne se passe grand chose de significatif. Je pense que c’est à la lumière des faits qu’on pourra savoir si ces conférences servent à quelque chose ou non.

RT France : Vous citiez une phrase de Ségolène Royal qui parlait de fonctionnaires de l'écologie qui passent leur vie à préparer la prochaine COP...

P. V. : Je pense qu’en l'occurrence elle a dit la vérité. C’est quelque chose de réel, ce sont les mêmes personnes qui chaque année se déplacent partout dans le monde pour se réunir pendant 15 jours. Au final, on a l’impression que le dossier piétine et que l’on découvre ce problème chaque année.

L’échelle temporelle des pouvoirs politiques n’est pas celle du climat

RT France : Qui pourrait changer la donne ? On a l’impression que les gouvernements ne peuvent plus le faire, n’ont pas la force de le faire...

P. V. : Sans considérer la force, ils n’en ont pas les moyens. Il y a deux problèmes. Je pense d'abord que l’échelle de temps des pouvoirs politiques ne correspond pas à celle du climat. C’est un dossier de longue haleine et parfois, dans un contexte électoral, il ne fait pas partie des urgences. On en parle chaque année, mais en dehors de cela, ce n’est pas un problème de fond pour la plupart des grands pays. L’autre problème, c’est qu’il n’y a pas forcément d'argent public pour révolutionner tout le modèle du développement et là, ce sont plutôt les entreprises qui ont un rôle à jouer, y compris les citoyens et les collectivités locales qui sont parfois très actifs. Dans le même temps, c'est plus logique, parce que c’est là que se crée toute la pollution. Dans dans les villes, on est dans un monde de plus en plus urbanisé, c’est là que la majorité des habitants de la planète sont concentrés, quasiment deux tiers de l'humanité vivent dans les villes, c’est là que cela se joue. L’échelle du pays est peut-être une échelle trop grande.

RT France : Vous opteriez plus pour des rassemblements des municipalités dans chaque pays ?

P. V. : Oui, tout à fait. Cela se fait déjà depuis plusieurs années et plutôt bien. J'en parle dans mon enquête, de grandes agglomérations se réunissent dans des partenariats, échangent de bonnes pratiques sur les politiques de transport, de logement. Pour le coup, leurs actions sont concrètes, tangibles, réalisables, cela a du sens, d’autant plus qu’en dehors du problème environnemental du réchauffement climatique, qui est un problème plutôt à venir, il y a déjà des problèmes présents comme la pollution. On voit que dans les grandes villes comme Pekin ou New Dehli la mortalité est très importante compte tenu de l'importance de la pollution des particules. C’est peut-être ce problème environmental qu’on devrait traiter en priorité, alors que, pour l'instant, le problème climat n'en est pas forcément une.  

Lire aussi : Scène de crime climatique : un die-in des écologistes pour décrier l’accord de Paris

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