Hamid Karzai : «Les US jouent un double jeu en Afghanistan, refusant de frapper les terroristes»

Hamid Karzai : «Les US jouent un double jeu en Afghanistan, refusant de frapper les terroristes»© Omar Sobhani Source: Reuters
Hamid Karzai
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Quinze ans après l’invasion américaine, l’Afghanistan, entre gouvernement et forces des talibans, est toujours un champ de bataille. Pourquoi le pays reste-il aussi instable? L' ex-président Hamid Karzai livre sa vision à RT.

RT :  Les Américains combattent en Afghanistan depuis déjà 15 ans, leur présence est-elle une malédiction ou une bénédiction pour votre pays ?

Hamid Karzai (H. K.): Au début, l’arrivée des Américains en 2001, avec le reste de la communauté internationale, y compris la Russie qui accordait son soutien, a été une bénédiction. Nous avons été libérés d’une invasion insidieuse par un pays voisin. Mais à la suite de cette libération, quelques années plus tard, a commencé ce qu’on appelait alors la «guerre contre le terrorisme», qui malheureusement, n’a été menée ni bien ni au bon endroit. Les Afghans sont devenus des victimes, voilà comment les choses ont pris une mauvaise tournure. Aujourd'hui, comme vous le voyez, rien n'est serein en Afghanistan, l'insécurité est énorme.

Les Etats-Unis doivent se calmer, admettre leurs erreurs et emprunter une nouvelle direction

RT :  Pourquoi l'Afghanistan dépend-il toujours de l'Amérique pour subsister ?

H. K.:  La sécurité est trop fragile en Afghanistan, les talibans ont conquis d'autres territoires, les ingérences se sont multipliées, la mission de paix et de sécurité dirigée par les Etats-Unis et leurs alliés a subi un échec. C'est pourquoi il est l'heure pour les Etats-Unis de se rendre compte du fait que la situation en Afghanistan est un échec du point de vue sécuritaire et chercher l'aide de ses voisins : la Russie, la Chine, l'Inde et l'Iran, afin de trouver les moyens de résoudre le problème du radicalisme. Les Etats-Unis doivent se calmer, admettre leurs erreurs et emprunter une nouvelle direction - un changement de cap s'impose.

RT : Les Etats-Unis ont dépensé 60 milliards de dollars pour former et équiper les forces afghanes. Mais la dernière offensive des talibans montre qu'ils ne sont pas prêts à faire face aux talibans tous seuls. Qu'est-ce qui n'a pas marché avec les Américains, pourquoi n'ont-ils pas été capables de reconstruire votre armée ?

H. K. :  L'approvisionnement des forces afghanes en équipements et en armes n'est pas suffisant. Nous n’avons pas d'armée de l’air, nous n’avons pas de radar, nous n’avons rien de ce que nous avions avant l’invasion soviétique de l’Afghanistan, à l'époque où l'Union Soviétique était là et fournissait le matériel militaire et d'autres matériaux importants aux forces afghanes. Maintenant, c'est un conflit majeur. Par conséquent, ce que nous voulons, c'est la modification de la manière, des politiques, des tactiques et de la stratégie que l'on poursuit dans cette lutte contre l' extrémisme. Parce que les sources du conflit ne sont pas en Afghanistan. Elles sont au-delà. Les Etats-Unis les ignorent depuis des années, malgré nos appels et demandes répétées tant de fois. Ils devraient se rendre dans les sanctuaires, les camps d'entraînement, là où l'extrémisme reçoit ses ressources financières. C'est au-delà de l’Afghanistan. Les Etats-Unis ne l'ont pas fait. Au lieu de cela, ils ont joué pour les deux parties, ayant soutenu et nous et ceux qui soutiennent l'extrémisme, au-delà de nos frontières. Et en particulier, malheureusement, nos voisins du Pakistan. Peu importe donc le courage et la volonté de faire des sacrifices dont feront preuve le peuple afghan et nos troupes. Nous n'allons pas l'emporter à moins que les sources de la promotion de l’extrémisme et du terrorisme ne soient éliminées d'Afghanistan. C'est notre reproche principal à l'égard des Etats-Unis dans cette saga des troubles et des malheurs de l'Afghanistan depuis sept ans.

L'argent venu d'Occident, des Etats-Unis, a été dépensé à mauvais escient dans des entreprises, sociétés de sécurité privées et ONG qui n'ont pas réglé le problème ou n'étaient pas intéressées à le résoudre

RT : Le chômage ayant atteint 25% en Afghanistan, beaucoup de gens se tournent vers la production d'opium comme moyen de survie. C’est également la source principale de financement de l’insurrection des talibans. Le gouvernement afghan a-t-il des ressources pour remporter la bataille de l'opium avec ses propres forces ?

H. K.:  Au fond, ce n'est pas un problème afghan, c'est le résultat du désespoir que le pays éprouve depuis 30 ans. La raison est que les Afghans n'avaient pas la possibilité de cultiver leurs champs. Les systèmes d’irrigation ont été détruits. [...] L’Afghanistan n’est pas du tout capable d'y faire face tout seul, étant donné qu'il n'y a pas eu d'efforts vrais et sincères de la part de la communauté internationale à cet égard. L'argent venu de l'Occident, des Etats-Unis a été dépensé à mauvais escient dans des entreprises, des sociétés de sécurité privées et des ONG qui n'ont pas réglé le problème ou n'étaient pas intéressées à le résoudre.

RT : La culture du pavot a prospéré depuis le début de la guerre en 2001, les troupes de l’OTAN  refusant de la combattre par crainte de s'aliéner la population afghane. Qu'est-ce qui, en fin de compte, est le plus dangereux - le mouvement des talibans ou le trafic de drogue ?

H. K.: Les talibans font partie du peuple afghan. J’espère qu’ils reconnaîtront leur appartenance à l’Afghanistan qui est leur pays, qu'ils comprendront qu'il ne faut pas nuire à son propre pays, qu'il faut vivre avec le reste du peuple afghan et accepter que les gens aient des points de vue différents et différentes manières de vivre. Le pavot est certainement une malédiction qui touche le peuple afghan, notre économie, notre agriculture, notre mode de vie. Et il touche également la Russie. J'espère que la Russie interviendra de manière plus efficace, pas seulement face au pavot, mais également face à d'autres problèmes en Afghanistan.

Le Pakistan n’a pas joué un bon rôle en Afghanistan

RT : Ce n’est pas un secret que l’Afghanistan a besoin de négocier la paix avec les talibans. Pourquoi les talibans ne se mettent-ils pas à la table des négociations ?

H. K.: A cause du manque d'intérêt de la part des Etats-Unis et du Pakistan. A mon avis, ce sont les deux principaux facteurs empêchant la paix en Afghanistan.

RT : La position du Pakistan est un des facteurs clés pour l'accord de paix. Si vous pensez que le Pakistan peut forcer les talibans à négocier avec Kaboul, pourquoi ne le fait-il pas ?

H. K.: Le Pakistan est sans aucun doute un facteur majeur, et, malheureusement, il n’a pas joué un bon rôle en Afghanistan. L’Afghanistan aurait pu être un grand ami du Pakistan. On en avait envie. Ils cherchaient d’autres formes de relations avec l’Afghanistan - celle de la domination, de l’exploitation, cherchant à diriger ce qu'il se passait en Afghanistan. Le peuple afghan ne le permettra pas. Il faut également tenir compte des intérêts américains en Afghanistan et dans la région. Je pense que c'est la combinaison des deux. Je suis certain que ce sont les intérêts américains dans la région et les intérêts du Pakistan en Afghanistan, ainsi que la nature de leurs relations avec l'Inde, qui ont été déterminants pour la situation en Afghanistan. Cela a eu un effet négatif, malheureusement, et j'espère que cela changera pour le mieux. Alors nous pourrons avoir la paix. Sinon, nous ne verrons jamais la paix en Afghanistan et la région connaîtra encore plus de déstabilisation.

Lire aussi : «La seule solution pour l'Afghanistan est le retrait des forces américaines»

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