Législatives marocaines : «On n’est pas à l’abri d’une grande surprise»

Législatives marocaines : «On n’est pas à l’abri d’une grande surprise»© Youssef Boudlal Source: Reuters
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Le scrutin qui aura lieu le 7 octobre déterminera le (nouveau) grand gagnant de la politique marocaine. Le parti au pouvoir, le PJD, restera-t-il au sommet ? Le politologue Mustapha Tossa analyse la situation.

RT France : Pensez-vous que le Parti de la justice et du développement (PJD) puisse conserver sa première place après les élections législatives du 7 octobre ?

Mustapha Tossa (M. T.) : Cette question se pose avec beaucoup d’acuité au Maroc, car la plupart des sondages réalisés, qu’ils soient officiels ou officieux, indiquent que le PJD conserverait une base électorale extrêmement importante, prête à lui redonner sa confiance. Il y a beaucoup de mystère autour de cette question. Cela veut-il dire que le parti n’a pas été atteint par l’usure du pouvoir ? Cela veut-il dire que l’opinion marocaine ne le tient pas pour responsable du bilan économique et politique de son mandat ? Mais contrairement à d’autres partis qui, une fois au pouvoir, perdent en crédit et en efficacité, le PJD semble rester à un niveau de confiance extrêmement important dans l’opinion marocaine.

Il y a beaucoup d’interrogations sur les raisons qui font qu’une large frange de population marocaine continue à faire confiance à ce parti. Mais il s'agit là uniquement d’impressions pré-électorales. Cela ne veut pas dire qu'elles vont être confirmées dans les urnes, il y a beaucoup de paramètres qui pourraient faire que les urnes nous donnent in fine un résultat inverse aux impressions des observateurs.

RT France : Le parti au pouvoir se dit victime d’une campagne hostile, montée par «les forces de l’ombre» pour le faire perdre, comme dit le chef du parti. Qui pourrait être derrière une telle campagne ?

M. T. : Je crois que le Premier ministre, qui est le chef du parti, est dans son rôle, accusant d’autres forces qui chercheraient à l’affaiblir et à le faire trébucher, à accéder au pouvoir à sa place pour garantir une espèce d’alternance. Il est dans son rôle. Il faut dire que, parallèlement à la mainmise du PJD sur le pouvoir pendant ces longues années, on a vu une force politique monter, capter l’électorat marocain d’une manière ou d’une autre : le Parti authenticité et modernité, le PAM.

Le PAM est un des rares partis à vouloir absolument installer la parité homme-femme au Maroc

RT France : Pourrait-il réellement concurrencer le PJD ?

M. T. : C’est un parti qui aspire à devenir un concurrent fort du PJD, à le concurrencer sur un certain nombre de terrains, notamment l’économie et la morale de la vie publique [...] Il y a actuellement une espèce de polarisation de la vie politique marocaine entre le PJD et le PAM qui aspire à incarner, à personnifier le côté moderne de la société marocaine. D’ailleurs, le PAM est un des rares partis à vouloir absolument installer la parité homme-femme. Il ambitionne même de faire entrer au parlement 30 femmes, ce qui serait un pas politique inédit au Maroc.

Je trouve que c’est une concurrence saine et sensée, susceptible de dynamiser les énergies et d'intensifier la compétition, ce qui est l’essence-même du jeu électoral démocratique.

Au-delà de la polarisation de la vie politique marocaine entre le PAM et le PJD, les autres partis peuvent très bien créer la surprise

RT : Il y a aussi le Parti socialiste unifié avec sa secrétaire générale, Nabila Mounid. Peut-elle incarner la troisième voie ?

M. T. : Oui, c’est vrai que les observateurs et les commentateurs politiques ont beaucoup focalisé leur attention sur ce combat de coqs entre le PJD et le PAM et oublient souvent qu’il y a d’autres partis pouvant créer la surprise. Alors, bien sûr il y a le parti de Nabila Mounid, qui apporte un air nouveau. Il y a aussi des partis traditionnels qu’on a trop vite enterrés, par exemple, le Parti de l’Istiqlal dirigé par Hamid Shabbat. Mais il ne faut pas trop l’enterrer, parce qu’il peut réaliser des performances inédites. Cela vaut aussi pour un parti comme l'Union socialiste des forces populaires, dirigé par Driss Lachegard. Au-delà de cette polarisation de la vie politique marocaine entre le PAM et le PJD, les autres partis peuvent très bien créer la surprise. Quoi qu'il en soit, le résultat dépendra aussi de la formation et de la structure du gouvernement. Parce qu’on est maintenant convaincu qu’aucun parti ne peut avoir la majorité absolue. La logique de coalition gouvernementale devient une recette incontournable pour former un gouvernement. Et un gouvernement quel qu'il soit aura besoin d’appoint pour former des coalitions et éventuellement permettre la nomination d’un Premier ministre.

RT : Quelles sont vos prévisions pour les résultats de ces législatives ?

M. T. : Il y a des observateurs qui parient sur le fait que le PJD, malgré toutes les scandales de mœurs, les scandales sexuels, les scandales de corruption... peut conserver un électorat solide. Une excellente preuve en a été donnée avec la récente manifestation : le parti a fait une démonstration de force extrêmement importante. Le message est qu'il reste la force politique la mieux organisée et seule capable de réaliser des manifestations de cette envergure.

On est face un échiquier politique marocain extrêmement contradictoire

D’un autre côté, on ne peut pas non plus imaginer ou ignorer que le PAM, qui est en train de grignoter de la place au sein de la société marocaine, peut être plein de surprises. Il peut mobiliser, parce que son discours modélisateur de lutte contre le conservatisme et l’obscurantisme peut séduire un certain nombre de jeunes électeurs. Il faut remarquer qu’on est face un échiquier politique marocain extrêmement contradictoire. Le PJD, qui est sensé incarner la conservation, est très présent dans les villes, dans les milieux urbains. Alors que le PAM et les autres partis qui sont censés incarner un vent de modernité, une touche libérale et modérée, sont plus présents dans les milieux ruraux. Pour l’observateur étranger, il y a une forme de contradiction à pouvoir lire, déchiffrer et anticiper les résultats. En tous cas, on n’est pas à l’abri d’une grande surprise pour le scrutin de cet octobre. Et pour moi, quelle que soit la surprise, ça ne fera que refléter que la machine démocratique marocaine est en marche, qu’elle est très vivace, qu'elle aille vers le maintien du PJD, ou vers l’alternance à travers l’accès d’autres forces politiques au gouvernement.

Lire aussi : Le Maroc va-t-il intégrer l’Union africaine ?

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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