Washington menace Moscou de geler toute coopération en Syrie à moins que ses exigences ne soient respectées. Les hommes politiques français alertent sur le renforcement éventuel des terroristes et la détérioration de la sécurité dans la région.
Suite aux déclarations du secrétaire d'Etat américain John Kerry quant à un gel éventuel de la coopération avec la Russie en Syrie, RT France a posé trois questions aux politiques français :
1. Comment une absence de coopération entre les deux puissances va-t-elle faire évoluer la situation en Syrie ?
2. Un risque d'incidents aériens entre les forces russes et américaines va-t-il apparaître ?
3. Ce gel éventuel de coopération va-t-il rendre plus difficile la lutte antiterroriste en Syrie ?
Dans leurs réponses, les politiques évoquent leurs inquiétudes face à plusieurs risques sur le terrain :
Gérard Bapt, député socialiste :
Il y a des risques de dérapages
1. Je ne pense pas que ça influencera [positivement] la situation, car, à l’heure actuelle, on sait que la coopération est insuffisante. En admettant que le minimum de coopération, qui concernait les raids aériens, n’ait plus cours, la situation devient porteuse de dangers bien plus grands encore que les prétendues erreurs de frappe.
2. Je crois que cela devient effectivement extrêmement périlleux et augmente la probabilité qu’il y ait, notamment, un plan aérien… Oui, cela devient très périlleux.
Je ne sais pas quel sera l’engagement des Etats-Unis sur le terrain à ce moment-là. Mais je ne vois pas très bien comme cela pourrait influencer [la situation], sauf à ce qu'il y ait des confrontations beaucoup plus directes encore avec la présence des forces spéciales, des risques de dérapages.
3. Cette lutte est déjà très difficile, parce qu’on n’est pas arrivé à déterminer qui étaient les groupes terroristes et qui étaient les groupes rebelles avec lesquels on pouvait discuter. Donc tout cela va rendre ce combat encore plus difficile.
Jacques Myard, député Les Républicains :
Il ne peut pas y avoir de trêve avec les barbares de l’Etat islamique
1. Je pense que la Russie comme les Etats-Unis - mais aussi l’Angleterre et la France, membres du Conseil de sécurité avec la Chine -, doivent agir pour trouver une solution politique en Syrie. Je suis moi-même certain qu’il ne peut pas ne pas y avoir de solution –et ce malgré les difficultés actuelles, les avions américains ayant bombardé les troupes syriennes et à la suite de cela la trêve ayant été rompue.
Il faut reprendre les négociations directes. Il faut que les Russes et les Américains, les deux principales puissances en Syrie et en Irak, trouvent des solutions. Il est clair qu’il ne s’agit pas de soutenir des terroristes, mais il est clair aussi, qu’à Alep il y a des bombardements qui touchent les civils, et il faut essayer d’obtenir que ces civils soient hors de danger. […] Il faut cesser de dire et de croire qu’il y a vraiment des rebelles modérés. Cela n’existe pas. Cela n’a même jamais existé. Aujourd’hui il faut qu’on trouve des solutions pour sauver la population civile et combattre sans relâche l’Etat islamique.
2. Je ne crois pas qu’il n’y ait pas de possibilité pour des opérations de coordination de l’aviation. Je pense que les militaires, des deux côtés, sont suffisamment intelligents pour éviter ce genre de problèmes. Je suis convaincu qu’on trouvera des arrangements techniques même si on sait bien que tout le monde n’est, malheureusement, pas d’accord sur les objectifs. Eh bien, on trouvera des arrangements techniques pour éviter ce genre de situation qui ne ferait qu’aggraver les tensions dans la région.
3. Je suis intiment convaincu que, en matière de lutte contre le terrorisme, on peut passer et surpasser les difficultés qu’on peut rencontrer dans des coopérations qui sont toujours difficiles sur le terrain – comme la coordination des efforts militaires. La lutte contre le terrorisme doit être une obligation qui doit nous animer tous – pour reprendre un mot du général De Gaulle, «une ardente obligation». Il ne peut pas y avoir de trêve avec les terroristes, barbares de l’Etat islamique. Ils le savent d’ailleurs. Ils ne le veulent pas. Et nous savons très bien que ce sera un combat ultime, qui ira jusqu’au bout. Il est illusoire de croire qu’il y a peut-être des mouvements qui se seraient soi-disant détachés d’Al-Qaïda, de l’Etat islamique – je n’y crois pas. Nous – toutes les démocraties, tous les pays civilisés – avons en face de nous des barbares.
Jean-Frédéric Poisson, président du parti chrétien-démocrate :
Les Américains se trompent de priorité
1. La priorité absolue en Syrie est de battre Daesh ainsi que de faire en sorte que les salafistes radicaux qui sont dans l’opposition à Bachar el-Assad soient totalement battus. Et je regrette que les Américains envisagent la fin de cette coopération, parce que la priorité absolue, encore une fois, est de battre Daesh militairement. Elle n’est pas de faire partir Bachar el-Assad. Il y a longtemps que je crois que l’intérêt de l’Occident et du Proche-Orient est de ne pas voir s’installer à Damas un régime salafiste. Et je pense que, pour cette raison, les Américains se trompent malheureusement de priorité.
2. Cela priverait la coalition internationale d’une force de frappe importante, même si Daesh recule militairement depuis que les Russes sont intervenus sur le sol syrien, il y a maintenant un an. La situation était stagnante avant l’intervention des Russes sur place, et je constate que les vrais progrès de la lutte contre Daesh ont été accomplis par cette intervention.
3. Il ne faut pas le souhaiter. Il y a déjà eu des incidents. Il y a déjà eu des interventions de l’armée turque sur le sol syrien ; on a vu des pays bombarder le sol syrien dans des conditions qui, du point de vue du droit international, étaient curieuses… Il est vrai que, si jamais les Russes et les Américains ne devaient plus être côte à côte pour se battre contre Daesh, probablement que des conditions supplémentaires permettant de tels affrontements seraient réunies. Cela étant dit, personne ne le souhaite, évidemment.
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