Le «vote PMU», les «quatre i» de Nicolas Sarkozy ou comment gagner la primaire de la droite

Le «vote PMU», les «quatre i» de Nicolas Sarkozy ou comment gagner la primaire de la droite© Philippe Wojazer Source: Reuters
Nicolas Sarkozy
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Nicolas Sarkozy recycle les idées du Front national pour rassembler les électeurs de droite et d'une partie de l'extrême droite mais cela ne lui garantit pas de remporter la primaire, estime le politologue Thomas Guénolé.

RT France : Que pensez-vous des dernières déclarations de Nicolas Sarkozy qui ont fait le buzz dans les médias ?

Thomas Guénolé (T. G.) : Il faut replacer les déclarations de Nicolas Sarkozy dans les choix stratégiques de la primaire à droite. Tous les candidats à la primaire sont d’accord entre eux sur ce qu’il faut faire dans le domaine économique et social. Ils veulent tous baisser les impôts, ils veulent tous baisser les cotisations sociales des entreprises, réduire la masse salariale des fonctionnaires, réduire les services publics et ils veulent tous faciliter le licenciement dans l’espoir que ça augmentera les embauches. Ils sont tous d’accord là-dessus et vous ne trouverez pas d’exception.

Nicolas Sarkozy copie l’idée du Front national

Comment se distinguer les uns des autres dans ce contexte-là ? Eh bien, Nicolas Sarkozy mise sur ce que j’appelle les «quatre i» : islam, identité, immigration, insécurité. Sur ces sujets-là, Nicolas Sarkozy copie les idées du Front national. Et son idée c’est : «Je vise l’électorat de la droite pour la primaire et après quand j’aurai gagné, au premier tour je vais réussir en réunissant les électeurs de droite et une partie des électeurs de l’extrême-droite». Voilà son calcul.

RT France : Comment procède-t-il ? 

T. G. : En l’occurrence, Nicolas Sarkozy déploie sa «lepenisation» sur les «quatre i» et le fait de dire «nos ancêtres les Gaulois» s’inscrit dans un discours général sur l’assimilation. Il remet sur la table non plus la question de l’intégration – qui est l’adhésion à toutes les valeurs et à toutes les lois de la République –, mais celle de l’assimilation. Cette dernière est un concept culturel se définissant comme l’homogénéisation du comportement des nouveaux arrivants par rapport au comportement de tous les autres en matière de mœurs, de coutumes, de repères culturels etc.

Pourquoi se focaliser sur le quart des Français de confession musulmane qui ne sont ni intégrés ni assimilés, et passer complètement à côté du fait qu’il y a encore un problème très fort d’antisémitisme dans la population française ? 

Je fais une petite parenthèse sociologue : il y a quelque chose d’assez absurde dans la position d’exiger l’assimilation, car l’assimilation ne se décrète pas et – surtout – elle est automatique : elle se fait d’elle-même en trois ou quatre générations. C’est valable aussi pour les Français d'origine maghrébine : ça fait trois, quatre et bientôt cinq générations qu’ils sont là. Ce ne sont pas des Français qui viennent d’arriver ! La présence maghrébine en France dure depuis un demi-siècle. Ils sont donc à peine moins Français que la vague d’immigration polonaise, italienne ou autre. Une enquête est sortie récemment, qui est une note de l’Institut Montaigne sur les Français de confession musulmane. D’après cette enquête, la moitié d’entre eux sont totalement assimilés. Un quart d’entre eux sont pratiquants avec des positions plus puritaines et patriarcales que la moyenne, mais acceptent les lois de la République et approuvent la laïcité. Donc les trois-quarts des Français de confession musulmane sont soit assimilés, soit intégrés. Et il reste un quart – c’est un problème, mais c’est minoritaire – de réfractaires, des gens qui veulent faire passer la charia avant les lois de la République et qui n’acceptent pas la laïcité. Mais on doit se rappeler que pendant ce temps-là, il y a plus de la moitié des Français qui pensent que les juifs ont un rapport particulier avec l’argent. Donc pourquoi se focaliser sur le quart des Français de confession musulmane qui ne sont ni intégrés ni assimilés et passer complétement à côté du fait qu’il y a encore un problème très fort d’antisémitisme dans la population française ? C’est deux poids deux mesures !

Il y a quelque chose d’assez absurde dans la position d’exiger l’assimilation, car l’assimilation ne se décrète pas

RT France : Serait-ce d’après vous un bon moyen pour Nicolas Sarkozy de mener sa campagne en se reposant sur la stratégie du Front national ?

T. G. : Je ne sais pas. Je pense que la question pour ou contre la «lepenisation» de la droite sur les «quatre i» , ça coupe l’électorat de la droite en deux. Ce ne sera pas décisif entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, puisque ça divise leur camp. Ce qui va l’être, c’est ce que j’appelle «le vote PMU» – les quelque points d’électeurs de droite, des gens qui vont décider pour qui ils votent en regardant les sondages quelques jours avant. Ils vont regarder : quel est le cheval qui court le plus vite ? Et c’est celui qu’ils vont choisir. A mon avis, c'est cela qui va être décisif parce que c’est comme ça que François Hollande a gagné la primaire en 2011.

Beaucoup d’électeurs socialistes arrivant à la primaire ont voté en se disant : François Hollande ne m’intéresse pas, mais je veux que mon camp gagne, donc je vote pour lui. C’est le «vote PMU».

Et je pense que quel que soit le candidat de la droite qui sera pointé avec le score le plus élevé, il bénéficiera de cet effet. Et si c’est serré entre Sarkozy et Juppé, le vote PMU fera la décision.

François Fillon, c’est Margaret Thatcher à la française

RT France : Que pensez-vous de la stratégie d'Alain Juppé, l'adversaire de Nicolas Sarkozy ?

T. G. : Lui, il fait exactement le contraire de Nicolas Sarkozy. Il dit : sur les quatre i, la droite doit être apaisante, elle ne doit pas être «lepenisée» ; il vise l’aile gauche de l’électorat de la droite pour la primaire et veut y ajouter des électeurs du centre au premier tour de la présidentielle. Dans ce contexte-là, tous les autres candidats sont satellisés : sur l’économie ils n’ont rien à dire de différent, sauf François Fillon, qui dit qu’il va plus loin sur l’économie que les autres, c’est Margaret Thatcher à la française. Mais les autres, comme ils ont tous le même discours sur l’économie, sur les «quatre i» soit ils tombent dans la position de Nicolas Sarkozy, soit ils tombent dans la position d’Alain Juppé. Ils ont beaucoup de mal à exister. Du coup, Bruno Le Maire en est réduit à dire «Votez pour moi parce que je suis jeune» et Nathalie Kosciusko-Morizet en est réduite à dire «Votez pour moi parce que je suis une femme».

Le moment décisif, c’est là où va le «vote PMU»

RT France : Pensez-vous qu'on peut déjà faire des pronostics pour le résultat de la primaire ?

T. G. : Je pense vraiment que ça se jouera dans la dernière ligne droite. Comme Alain Juppé a choisi une stratégie où il parle peu, il s’est manifestement dit : «Je pars de très haut, donc j’en dis le moins possible, je joue la sécurité. Au fur et à mesure, je perds des points, mais je reste en avance, donc je n’ai pas de raisons de bouger». A mon avis Nicolas Sarkozy va continuer à réduire l’écart, mais il restera quand même suffisamment derrière pour perdre sauf si les sondages dans la dernière ligne droite indiquent que c’est Nicolas Sarkozy le meilleur pour faire un bon score au premier tour. Et dans ce cas-là, il profitera du «vote PMU». Je pense que ça va être serré entre les deux et le moment décisif c’est là où va le «vote PMU».

Lire aussi : Sondages : les souverainistes majoritaires ?

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