Les craintes concernant le Brexit étaient-elles exagérées ou le pire est-il encore à venir ? Quand le Brexit deviendra-t-il réalité ? La Grande-Bretagne survivra-t-elle isolée ? Edward Leigh, député du Parlement britannique, répond à RT.
Bien avant le vote sur le Brexit, le camp du «maintien» avertissait que les troubles économiques au Royaume-Uni seraient inévitables au cas où le pays quittait l'UE. Cependant, des mois après le référendum, l’économie britannique semble se porter toujours bien. Edward Leigh, membre du Parlement britannique, évoque les problèmes principaux auxquels le pays peut faire face, ainsi que l'avenir de ses relations avec l'UE.
RT : Theresa May soutient l'idée d'un «Brexit soft», pour garder une influence au sein de l’UE, mais elle n’est pas pressée. Le camp du «Brexit» pourra-t-il la pousser à une scission rapide et drastique ?
E. L. : Je pense que nous avons une opinion commune sur ce sujet. Il faudra plusieurs mois pour mettre en œuvre l'article 50, nous allons l'invoquer vers le Nouvel an, et maintenant nous allons discuter notre position. Je pense que vers janvier 2019 ou la première partie de l'année 2019 nous serons sortis de l'UE. Je ne crois pas qu'elle subisse des pressions pour le faire plus vite que vers le Nouvel an, car ce serait ridicule - nous avons eu un référendum, nous allons en respecter les résultats.
On aura accès au marché unique, ce sera une folie de ne pas l'avoir
RT : Theresa May et le chancelier Philip Hammond ont clairement souligné que l’accès au marché unique de l'UE était une priorité pour le Royaume-Uni, alors que, selon David Davis, conserver cet accès sera peu probable, si le Royaume-Uni impose des contrôles migratoires aux ressortissants européens. Quelle option le Royaume-Uni va-t-il choisir : le marché ou le contrôle frontalier ?
E. L. : On cherche à trouver une grande dispute - évidemment inexistante - au sein du gouvernement. On aura accès au marché unique, ce serait une folie de ne pas l'avoir. Plus de 120 nations ne faisant pas partie de l’UE ont accès au marché unique.
RT : Comment allez-vous faire, si vous avez des contrôles aux frontières ?
E. L. : Nous allons leur offrir un accord de libre-échange, si ils ne veulent pas le libre-échange - ils auront un massif surplus commercial. Les Allemands exportent au Royaume-Uni 100 000 véhicules chaque année, s'ils ne veulent pas un accord de libre-échange, nous allons juste imposer des tarifs sur leurs produits et eux, ils vont en imposer sur les nôtres, comme c'est le cas avec la Russie, les Etats-Unis ou la Chine. A présent les taxes sont assez basses. Nous sommes tout à fait détendus sur ce sujet - c’est à l’Union européenne de prendre la décision.
Il est ridicule d’avoir une libre circulation des personnes alors qu'elle n'a lieu que dans une seule direction
RT : La demande principale de ceux qui ont voté pour le Brexit était de reprendre à l'UE le contrôle de la politique migratoire. Peut-on réduire largement les flux migratoires sans nuire à l'économie britannique ?
E. L. : Oui, je suis convaincu que c'est réalisable. Il faut laisser entrer dans les pays ceux dont nous avons besoin. Il est ridicule d’avoir une libre circulation des personnes alors qu'elle n'a lieu que dans une seule direction. 800 000 Polonais sont arrivés au Royaume-Uni. Chacun reçoit un bon accueil individuel, je suis sûr que la majorité d'entre eux travaillent dur et apportent leur contribution, mais très peu de Britanniques ont envie de déménager et de travailler en Pologne, mais ces 800 000 personnes sont là, et c'est injuste. On veut reprendre le contrôle de nos frontières, et si vous êtes un Polonais, un Russe ou un Américain et que vous allez apportez une contribution à l'économie du pays, on vous laissera entrer. Sinon, on ne le fera pas. Je pense donc que cela ne va pas du tout nuire à l'économie, au contraire.
RT : La crise migratoire est la plus grande crise de l'UE de nos jours, et les gens finiront par arriver au Royaume-Uni.
E. L. : C'est vrai, vous avez absolument raison. Ce qui nous préoccupe c'est le million de personnes, de demandeurs d’asile qui se sont installés en Allemagne. S'ils restent dans l'UE, et ils vont y rester, une fois qu'ils auront leur passeport allemand, ils auront le droit de venir au Royaume-Uni. Quand on sera sorti de l'UE, on ne sera pas obligé d'accepter les demandeurs d'asile qui se seront installés en Allemagne. Nous n'allons accepter que ceux que nous voulons. Mais vous avez raison. De ce point de vue, les demandeurs d’asile sont un problème important.
Quand un port sera fermé, les migrants illégaux essayeront d'entrer par un autre port
RT : La Grande-Bretagne est en train de construire un mur de béton dans la ville française de Calais en vue d'arrêter les migrants illégaux qui traversent la Manche. Ce mur est-il le meilleur moyen d'assurer la sécurité à la frontière ?
E. L. : Les contrôles seront présents sur toutes les frontières et près de nombreux ports : Dunkerque, Calais, Caen, Cherbourg, et quand un port sera fermé, les migrants illégaux essayeront d'entrer par un autre port. Nous sommes une île, la Manche est assez large, et je suis sûr que nous pouvons avoir des contrôles assez efficaces, mais certaines personnes seront évidemment capables de les passer.
RT : Pourquoi la rupture imminente de la Grande-Bretagne avec son plus grand partenaire commercial n'apporte pas le chaos que tous les économistes ont prédit?
E. L. : Moi, par exemple, je ne l'avais pas prédit. Ce sont les partisans du «maintien» qui promettaient le chaos au cas où l'on quitterait l'UE. En fait, notre économie va de l’avant, et je pense que c'est le cas parce que les investisseurs et les grandes entreprises font ce qui correspond à leurs intérêts - ce ne sont pas des hommes politiques, ils ont envie de commercer avec nous, ils comprennent que nous allons continuer à commercer avec le reste du monde, nous allons avoir une économie déréglementée avec des impôts peu élevés, ouverte pour le business du monde entier. Je pense donc que nos perspectives sont très bonnes.
RT : Jusqu’ici la Grande-Bretagne s'est toujours opposée à une intégration européenne plus profonde - désormais, est-ce que le Brexit facilitera l'application des initiatives européennes dans les domaines comme la défense, le contrôle commun des frontières ?
E. L. : Nos partenaires européens se mettent maintenant à discuter des questions auxquelles nous nous étions opposés, comme par exemple la création d’une armée européenne. L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas voulu rester dans l'UE est que nous ne voulions pas d'intégration approfondie et d'armée européenne. Nous n'avions pas besoin de faire partie de ces tactiques intégrationnistes. C'est à eux de définir, maintenant, quelle trajectoire va prendre leur développement, quelles politiques ils mèneront, s'ils ont envie de créer une union plus profonde.
Je pense que beaucoup de Français croient que notre entrée dans l'UE a été une erreur
RT : Mais peut-on dire que le Brexit puisse profiter à l'UE ?
E. L. : Oui, probablement. Je pense que beaucoup de Français croient que notre entrée dans l'UE a été une erreur, que le général de Gaulle avait raison d'imposer son veto au début des années 60. Ca n'a jamais été un mariage heureux. Cela pourrait donc leur profiter en aidant à créer une atmosphère plus harmonieuse sur le continent. Winston Churchill a toujours dit ouvertement que la Grande-Bretagne ne devait jamais faire partie du continent, parce que nous vivions sur une île et que nous avions notre tradition nationale de commerce.
RT : Que pensez-vous de l’Ecosse ? L’Ecosse a voté contre le Brexit, pensez-vous qu'elle va essayer de se séparer du Royaume-Uni dès lors que le Royaume-Uni sera sorti de l'UE ?
E. L. : Le Parti National écossais va essayer, mais les sondages montrent que le peuple écossais a envie de faire partie du Royaume-Uni. Le gouvernement écossais a clairement indiqué que l’Ecosse quitterait l’UE avec le Royaume-Uni. Je ne peux pas croire que le peuple écossais aurait envie de quitter l’UE et le Royaume-Uni et rester indépendant. Je ne pense donc pas que ce soit probable, je crois que l'Ecosse restera au sein du Royaume-Uni.
RT : Oui, mais ils pourraient quitter le Royaume-Uni et rester dans l'UE.
E. L. : Je ne pense pas que cela soit possible. Selon la loi européenne ils devraient présenter une nouvelle requête en tant que nation indépendante, et le processus prendrait des années. L'Espagne y opposerait certainement son veto, afin de ne pas encourager la Catalogne à agir de la même manière. La France serait inquiète, l'Italie aussi pour les mêmes raisons. Je ne crois donc pas que cela puisse avoir lieu.
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