Dans certains cas, le Conseil d’Etat et les tribunaux non seulement pourraient, mais devraient laisser des arrêtés anti-burkini en vigueur, cela ne menace en rien les droits des musulmans, estime l'avocat Régis de Castelnau.
RT France : Le tribunal administratif de Bastia a laissé en vigueur l’arrêté anti-burkini de Sisco. Cela ouvre-t-il la voie à de nouveaux arrêtés anti-burkini ?
Régis de Castelnau (R. C.) : Oui. Ce qu’a fait le tribunal de Bastia, c’est parti précisément de l’arrêt du Conseil d’Etat concernant Villeneuve-Loubet. Cet arrêt dit que la liberté d’aller et de venir est une liberté fondamentale, mais qu’on pouvait y porter atteinte en établissant qu'elle était de nature à porter atteinte à l’ordre public et que la commune de Villeneuve-Loubet n’avait pas apporté cette preuve.
Donc quand on a dit que le Conseil d’Etat par principe interdisait d’interdire le burkini, c’était faux. En revanche, ce qui s’est passé après, lorsque tous les tribunaux – de Nice, etc. – se sont alignés, pouvait donner à penser que par définition on ne pouvait pas interdire le burkini, ce qui est une hérésie. Le droit français dit en effet depuis longtemps que l’autorité publique est là pour organiser la liberté et que, dès lors que l’exercice de cette liberté trouble l’ordre public, l’autorité publique doit intervenir.
C’est évident que le Conseil d’Etat va être un peu embêté
Le problème c’est que si ce burkini ou d'autres vêtements sont considérés comme de nature à porter une atteinte à l’ordre public, à cause de ce qu’il exprime – c’est-à-dire des valeurs de l’islam intégriste, infériorisation de la femme, supériorité de la loi d’Allah sur les lois de la République – il y a déjà un problème. Et si en plus, il y a des réactions, comme à Nice où le CCIF [le Conseil contre l'islamophobie de France] a envoyé quelqu’un sur la plage à 20 mètres de l’endroit où avait eu lieu l'attentat du 14 juillet par provocation, il est vrai que cela peut provoquer un trouble à l’ordre public.
RT France : Si cette affaire de Corse remonte jusqu'au Conseil d’Etat, est-ce que ce dernier pourrait laisser un tel arrêté anti-burkini en vigueur, contrairement à sa décision précédente ?
R. C. : C’est évident que le Conseil d’Etat va être un peu embêté. En même temps, la composition de la juridiction est variable. A cette question je réponds oui dans le principe. Le Conseil d’Etat non seulement pourrait, mais devrait. Sur Sisco il y a eu des incidents graves, il a fallu 70 policiers pour ramener le calme...
Moi je ne suis pas très partisan d’une loi. Je pense qu’il vaut mieux être sur le terrain et regarder
RT France : Si dans certaines municipalités des arrêtés anti-burkini sont laissées en vigueur et annulés dans d’autres, quelles pourraient en être les conséquences ?
R. C. : Une discordance des situations, mais pour qu’un arrêté ne soit plus exécutoire, il faut qu’il ait été l’objet d’un recours et que le tribunal l’ait considéré comme annulé ou suspendu. Donc, on peut tout-à-fait se retrouver dans une situation où dans une collectivité le burkini est interdit – parce qu’il y a une population [dont une partie] importante [est composée par un groupe social précis], parce qu’il y a eu des incidents auparavant –, sans l'être dans celle d'à côté car il ne pose aucun problème.
L’appréciation de l’ordre public serait faite par les maires qui sont au plus près de la réalité. Moi je ne suis pas très partisan d’une loi. Je pense qu’il vaut mieux être sur le terrain et regarder. Quand les choses tournent mal, le maire doit intervenir, et si cela se passe bien, pourquoi [ne] pas [laisser les gens porter le burkini] ?
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