RT France : Le 26 juillet, un nouvel attentat a eu lieu en France malgré les mises en place successives du plan Vigipirate, de l’opération Sentinelle et même de l’état d’urgence. L’opération Sentinelle par exemple, qui coûte un million d’euros par jour, comme l’a déclaré Jean-Yves Le Drian est-elle vraiment efficace ?
La première chose serait de nommer l’ennemi
Didier Tauzin (D. T.) : Non, l’opération Sentinelle, pour l’officier que je suis, c’est un non-sens. Le soldat n’est pas fait pour monter uniquement la garde comme ça. Là, ces militaires sont des cibles : bien sûr qu’ils participent à rassurer les gens, mais c’est uniquement psychologique. Dans les faits, ils ont un impact sécuritaire extrêmement faible : ça n’empêche que la petite délinquance. D’un point de vue opérationnel militaire, c’est donc un non-sens, d’un point de vue politique, c’est uniquement fait pour rassurer la population.
Le vrai problème n’est pas seulement l’opération Sentinelle mais la gesticulation largement médiatique de notre gouvernement. Ce n’est pas avec des mots, avec un état d’urgence à épisodes, qui n’empêche pas de faire de grandes fêtes comme l’Euro [2016], etc. qu’on résoudra le problème du djihadisme, c’est avec une vraie volonté qui n’existe pas.
Nos gouvernants depuis 40 ans n’ont qu’un seul objectif : garder le pouvoir
RT France : Si cette volonté existait, quelles mesures seraient à prendre ?
D. T. : D’abord – et ce n’est toujours pas fait ! – il faut savoir nommer l’ennemi. Contre qui se bat-on ? En France, cela n’a pas encore été fait de manière sérieuse par le pouvoir politique. D’autant plus que l’ennemi, le wahhabisme et le salafisme, est soutenu par les pays avec lesquels nous avons des relations tout à fait privilégiées. C’est une aberration – politique, stratégique, militaire. La première chose serait [donc] de nommer l’ennemi et de prendre toutes les mesures logiques en lien avec cette désignation. Cela peut se faire par la rupture des relations avec les soutiens de l’ennemi, c’est-à-dire l’Arabie saoudite et le Qatar, alors que nous avons des relations privilégiées [avec eux].
Cela passe aussi par autre chose – par les mesures préventives : encore une fois, ce terroriste qui a assassiné le prêtre [près de Rouen] était connu [des services de police] : il a été emprisonné et libéré, une fois de plus. Cela prouve bien qu’il y a des failles terribles dans notre système judiciaire et sécuritaire et qu’il n’y a pas de véritable volonté politique de mettre fin à cet engrenage.
Nos gouvernants depuis 40 ans n’ont qu’un seul objectif : garder le pouvoir.
RT France : Mais pourquoi cela prendra-t-il tant d’années ? L'apparition d'une volonté politique, que vous réclamez, ne peut-elle pas régler les choses très vite ?
D. T. : D’une part nos moyens et les effectifs de nos forces de sécurité ont été réduits depuis 40 ans, depuis la fin de la guerre froide.
Je me souviendrai toujours de cette phrase de Laurent Fabius : «Nous devons tirer les dividendes de la paix», ce qui a permis de réduire de manière terrible les budgets militaire et sécuritaire en général.
Il y a aujourd’hui des Français en France qui travaillent contre elle
Donc maintenant il y a une pente très raide à remonter. De plus, la France a été abimée dans son être profond. L’unité française est à refaire complétement, il y a aujourd’hui des Français en France qui travaillent contre elle. Il y a donc un immense travail de recohésion nationale à faire et il y a un travail nécessaire pour relever les budgets militaire et de sécurité. Il faut investir dans le renseignement, en particulier dans le renseignement humain. Mais pendant ce temps, le cancer continue à se propager parce que, par exemple, dans nos banlieues, il y a beaucoup de ces hommes [radicalisés] d’origine musulmane en général et donc ce cancer continue à faire des ravages. Et les candidats au djihad sont très nombreux.
RT France : Si on parle des djihadistes - on voit par exemple que lors de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray ils se sont enfermés dans une petite église de province avec un petit nombre de gens. S’agit-il d’un geste symbolique ou plutôt du fait que les terroristes se sont mal préparés à l’attentat, qu’ils étaient des «amateurs», radicalisés mais heureusement peu aptes à faire de plus grands dégâts ?
Je pense que leur mission s’arrêtait au meurtre du prêtre – comme symbole de cette France chrétienne
D. T. : Même si ce sont des «amateurs», ce sont quand même des gens qui étaient téléguidés pour commettre un acte symbolique, parce que, que les Français soient musulmans, catholiques, protestants, juifs ou athées, ils savent intimement sans parfois savoir l’exprimer, que la France est d’origine catholique. Un musulman m’a dit à moi un jour : «La France est par essence catholique. En France il y a une manière catholique d’être musulman».
Donc ces gens-là s’attaquaient – consciemment ou pas – à l’être profond de la France.
Je pense que leur mission s’arrêtait au meurtre du prêtre – même s’ils ont blessé une autre personne qui a peut-être voulu s’interposer – comme symbole de cette France chrétienne.
Cette affaire devrait être un véritable enseignement pour nos hommes politiques, mais je suis persuadé qu’ils n’en tireront aucun.
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