L'absence d'excuses de la part des Etats-Unis lors de la visite officielle de Barack Obama au Mémorial de la Paix d'Hiroshima «déshonore à la fois sa présidence et son pays», dénonce l'écrivain John Wight.
Si cibler la population civile d'une ville entière avec une bombe nucléaire et incinérer des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, ne mérite pas d'excuses, alors le mot «humanité» a perdu tout sens.
Passons donc au président américain Barack Obama et à sa déclaration faite avant sa visite à Hiroshima indiquant qu'il ne présenterait pas d’excuses pour la bombe nucléaire larguée par les États-Unis sur la ville le 6 août 1945, faisant 140 000 morts au moment de l'explosion initiale et des milliers d'autres morts dans les jours, les semaines, les mois, les années et les décennies qui ont suivi à cause des effets secondaires.
La visite d'Obama dans cette ville survient à la fin d'une tournée d'une semaine au Vietnam et au Japon, où il a participé au sommet du G7 aux côtés des dirigeants du Japon, du Royaume-Uni, de la France, du Canada, de l’Italie et des présidents du Conseil européen et de la Commission européenne. L'arrogance impériale transpirant dans sa déclaration et postulant qu’à Hiroshima il ne s’excuserait pas pour ce qui figure parmi les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité les plus graves qu’a connu la planète, aurait tout de même dû être surprenante. C’était, vraiment, tout à fait en accord avec le ton et l’objectif de sa tournée.
Que cet Obama ait réussi à garder son air sérieux, que ces mots soient sortis de ses lèvres, doit sûrement compter pour l'un des exploits les plus remarquables de sa présidence
Lors de la première étape de celle-ci, au Vietnam, le président des Etats-Unis a profité de l’occasion pour donner une leçon à ses dirigeants en évoquant la très mauvaise situation des droits de l’homme dans le pays, avant d'annoncer la levée de l'embargo sur les armes américaines, en place depuis 1984. Lors de son discours à l’endroit du peuple vietnamien à Hanoï, le président américain a déclaré : «Les nations sont souveraines, et peu importe qu’elles soient grandes ou petites, leur souveraineté doit être respectée et leur territoire ne doit pas être violé. Les grandes nations ne doivent pas intimider les petites. Les différends doivent être résolus pacifiquement.»
Que cet Obama ait réussi à garder son air sérieux, que ces mots soient sortis de ses lèvres, doit sûrement compter pour l'un des exploits les plus remarquables de sa présidence.
Le président américain a également profité de son discours pour revenir sur le Partenariat Trans-pacifique (TPP) qui, tout comme sa version européenne (TTIP), est un accord insidieux de libre-échange qui laissera les multinationales accéder à tous les secteurs de l'économie des pays adhérents. En d’autres termes, une atteinte à la souveraineté nationale au nom de la croissance économique américaine. Les travailleurs de tous les pays qui adhèrent seront contraints à participer à une course vers le bas, leurs gouvernements respectifs allant se battre pour les investissements en faisant amenuiser salaires, avantages et droits en matière d'emploi.
Si l’objectif d'Obama et de son «pivot vers l'Asie» stratégique était de déstabiliser la région, alors, jusqu'à présent, il y parvient merveilleusement
L'hégémonie économique américaine est le moteur de ces nouveaux accords, avec comme objectif géopolitique de lier l'Asie et l'Europe le plus fortement à Washington, à un moment où l’unipolarité des Etats-Unis est contestée par la Chine, la Russie et d'autres pays du BRICS comme jamais dans les décennies passées. C’est la raison pour laquelle l'objectif général de cette tournée en Asie est la réaffirmation de la puissance américaine dans la région. Ceci explique pourquoi Washington a mis l’accent majeur sur le renforcement du Japon et du Vietnam à un moment où ils sont impliqués dans un différend territorial de plus en plus hargneux avec Pékin en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale.
L’accord du mois de mars entre Washington et son allié sud-coréen pour déployer le système de missiles antibalistiques THAAD sur la péninsule coréenne aggrave la tension dans la région. Bien que l'objectif déclaré de ce système de défense antimissile soit de répondre à la menace posée par la Corée du Nord, la zone de couverture de son radar s’étend à la Chine et donc constituera une menace pour la sécurité de ce pays.
Pékin a répondu en annonçant son intention de déployer pour la première fois des sous-marins nucléaires dans l’océan Pacifique dans le but de maintenir sa dissuasion nucléaire. Comme on le voit, si l’objectif d'Obama et de son «pivot vers l'Asie» stratégique était de déstabiliser la région, alors, jusqu'à présent, il y parvient merveilleusement.
La tournée asiatique d’Obama n'a fait que réaffirmer la présence maligne – historique et contemporaine – des États-Unis en Asie
La tournée asiatique d’Obama n'a fait que réaffirmer la présence maligne – historique et contemporaine – des États-Unis en Asie. L'affirmation selon laquelle il n'a pas d’excuses à présenter en venant à Hiroshima décrit le trouble morale qui sous-tend l'exceptionnalisme américain. Le problème n’est pas tant qu’Obama refuse de présenter des excuses pour un événement qui a eu lieu il y a plus de 70 ans ; c’est plutôt le fait que Washington n’a tiré aucune leçon des horreurs qu'il avait causé en larguant la bombe.
Mais c’est à Pékin qu’on a certainement tiré des leçons. La Chine est un pays avec une expérience rude et directe de l’exploitation brutale par l'Occident des nations plus faibles que lui. L’expérience a été telle que les Chinois sont maintenant déterminés à ce que cela ne se reproduise jamais.
La présidence [d'Obama] restera dans l'histoire comme l'une des plus décevantes de mémoire d’homme, ce qui, étant donné la concurrence, n’était pas aisé à accomplir
En outre, il n'y a rien de plus dangereux qu'un canard boiteux [le «lame duck», en anglais, désigne le président américain durant les derniers mois de sa présidence] dans le rôle de président des États-Unis, désespérée de consolider son héritage, son mandat s’approche de son ignoble terme. D’ici quelques mois, quand viendra le jour du départ d'Obama de la Maison Blanche, sa présidence restera dans l'histoire comme l'une des plus décevantes de mémoire d’homme, ce qui, étant donné la concurrence, n’était pas aisé à accomplir.
En 2016, la vague d'espoir, qui l'avait propulsé à la Maison Blanche en tant que premier président noir des Etats-Unis, s’est dissipée depuis longtemps, remplacée par une sorte de cynisme à l’origine de déclarations telles que celle faite au Mémorial de la Paix d'Hiroshima lors de sa visite très attendue. Sous les regards du monde entier, Obama a affirmé que «nous (à savoir le monde) avions une responsabilité partagée» pour assurer que rien comme l’attaque atomique sur les villes japonaises ne se reproduise plus.
Il ne pourrait pas y avoir de plus grande insulte pour les victimes d'Hiroshima que cette tentative cynique du président américain de détourner la culpabilité d’un crime qui repose sur les États-Unis et sur les seuls États-Unis.
La visite d'Obama au Mémorial de la Paix d'Hiroshima déshonore à la fois sa présidence et son pays.
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