Tony Blair est sous un feu médiatique de plus en plus intensif. Pour le journaliste britannique Neil Clark l'ancien Premier ministre britannique pourrait connaître une fin de parcours tragique.
Alors que le rapport Chilcot sur la guerre en Irak va être rendu public dans six semaines, la pression monte de jour en jour pour l’ancien Premier ministre Tony Blair. De plus en plus de personnes veulent amener Tony Blair à répondre de ses actes, ou plutôt des mensonges qu’il nous a raconté avant de nous entraîner dans l’invasion illégale [de l’Irak].
Il y a quelques jours, le député et porte-parole des Affaires étrangères du Parti national écossais, Alex Salmond, a déclaré à Going Underground, une émission de RT, qu’il aimerait voir le parlement britannique destituer Tony Blair et le faire comparaître devant la Cour pénale internationale, au cas où les familles des défunts et le grand public sont d’accord.
D’autres députés ont exprimé leur soutien à l’initiative d’Alex Salmond. «S’il est prouvé que Tony Blair a trompé tout le monde, je suis résolu à voir la justice triompher et Tony Blair destitué,» a déclaré le député conservateur Sir David Amess.
Tony Blair a reconnu à la télévision qu’il aurait de toute façon soutenu la guerre en Irak pour renverser Saddam Hussein, qu’il y ait des armes de destruction massive en Irak ou pas
Il semble cependant que le chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn, ne change pas de position. Il avait précédemment appelé à ce qu’une enquête soit ouverte contre Tony Blair pour crimes de guerre, en vertu des conclusions du rapport Chilcot. L’année dernière Jeremy Corbyn avait déclaré : «Je pense que c’était une guerre illégale, j’en suis sûr, Kofi Annan [l’ancien secrétaire général des Nations unies] a confirmé que c’était une guerre illégale et il doit donc s’expliquer sur cette question».
L’ex-Premier ministre travailliste britannique s’est vraiment mis dans le pétrin. Mais quelles sont les chances qu’un procès ait lieu ?
Dans Où sont ces armes de destruction massive ?, une nouvelle pièce satirique contre la guerre écrite et interprétée par mon collègue de RT Dan Glazebrook et moi-même, alors que Tony Blair est en vol vers l’Afrique du Sud son avion doit atterrir en urgence au Zimbabwe. Il y est arrêté et jugé pour crimes de guerre. Le grand «progressiste» montre son vrai visage alors qu’il affirme que les pays africains n’ont pas le droit de juger ses actions et que seuls les Africains, les Serbes et d’autres «ennemis» de l’élite occidentale devraient être soumis au droit international.
Bon, il y a peu de chances qu’un avion transportant Tony Blair atterrisse un jour en urgence au Zimbabwe, mais heureusement il y a d’autres scénarios plus plausibles dans lesquels le criminel de guerre pourrait recevoir ce qu’il mérite.
George W. Bush et Tony Blair ont lancé une guerre d’agression contre l’Irak en 2003 et ont donc commis «le crime international suprême»
La Cour pénale internationale (CPI) en est un, puisque le Royaume-Uni a signé son texte fondateur, le Statut de Rome. Un problème accommodant pour Tony Blair subsiste cependant : la CPI n’a pas encore défini ce qu’est une «guerre d’agression».
Souvenons-nous de ce qu’il a été dit pendant le procès de Nuremberg :
«La guerre est une mauvaise chose. Ses conséquences n’affectent pas uniquement les Etats belligérants mais le monde entier. Lancer une guerre d’agression n’est donc pas seulement un crime international ; c’est le crime international suprême et il diffère des crimes de guerre en ce qu’il cumule le mal de tous les autres [crimes].»
George W. Bush et Tony Blair ont lancé une guerre d’agression contre l’Irak en 2003 et ont donc commis «le crime international suprême». Bien que Tony Blair ne soit pas prêt de comparaître devant la Cour pénale internationale pour crime d’agression, il pourrait bien y comparaître pour d’autres crimes liés à la guerre, comme sa façon disproportionnée de mener la guerre et la mort de civils lors de bombardements aériens.
Les chefs des trois principaux partis étaient terrifiés à l’idée qu’on puisse destituer le Premier ministre britannique, et ont donc collaboré pour tuer l’initiative
Le chemin de la destitution
Selon la loi, tout citoyen britannique, ancien Premier ministre ou non, peut comparaître devant le parlement et y être jugé.
Mais nous devons remonter jusqu’en 1806 pour retrouver le dernier membre du parlement destitué (un certain Lord Melville) et en 1848 pour la dernière tentative de destitution, celle de Lord Palmerston. «La procédure est obsolète et n’a jamais été abolie», a fait remarquer S. A. Smith, professeur de droit à l’Université de Cambridge dans son livre Constitutional and Administrative Law publié en 1971. En 1977, selon un rapport de la commission spéciale sur les privilèges, la destitution doit rester [un concept] «à validité permanente».
L’opinion publique est bien plus hostile à Tony Blair qu’en 2004
La guerre en Irak a ramené le sujet de la destitution à l’ordre du jour
En 2004, il y a eu des mouvements pour destituer Tony Blair pour crimes et délits en Irak et Adam Price, député du parti nationaliste gallois Plaid Cymru, avait déposé une motion à la Chambre des Communes.
«Les preuves de la duplicité de Tony Blair sont accablantes», avait déclaré Adam Price qui a été soutenu par plus de 20 députés, tous partis politiques confondus.
«Le temps est venu de voir si la destitution devrait faire partie du processus constitutionnel… Personne ne doute que le Premier ministre ait trompé les Communes», a déclaré Peter Kilfoyle, député travailliste contre la guerre, au Guardian.
Les chefs des trois principaux partis étaient terrifiés à l’idée qu’on puisse destituer le Premier ministre britannique, et ont donc collaboré pour tuer l’initiative. Peter Hain, le président de la Chambre des Communes, qui a voté pour la guerre en Irak, a cité une commission de 1999 qui jugeait que la destitution était obsolète.
Peu importe ce que Saddam Hussein a fait ou promis de faire, lui et son pays allaient être écrasés avec «Choc et effroi»
«Je regrette amèrement de ne pas avoir soutenu la destitution de Tony Blair», écrivit plus tard la députée travailliste Alice Mahon. Je suis sûr qu’elle n’était pas la seule.
Mais aujourd’hui, avec le rapport Chilcot, les choses pourraient changer. L’opinion publique est bien plus hostile à Tony Blair qu’en 2004 et l’un des députés qui soutenaient Adam Price il y a 12 ans, Boris Johnson, pourrait bien être le prochain patron du Parti conservateur, si David Cameron perd le référendum sur l’Union européenne.
Non seulement Tony Blair a menti au parlement et au Royaume-Uni sur la présence d’armes de destruction massive en Irak qui auraient pu être utilisées en 45 minutes, mais il a également raconté d’énormes bobards sur Saddam Hussein, en affirmant qu’il pouvait éviter la guerre s’il procédait au désarmement de son pays.
C’était une guerre prévue par les néoconservateurs de la droite américaine qui tenaient Saddam Hussein dans leur ligne de mire depuis des années
Le 25 février 2002, l’ex-Premier ministre avait déclaré devant le parlement : «Je déteste son régime [celui de Saddam Hussein]. Mais même maintenant, il peut sauver son régime s’il se plie à la demande des Nations unies. Même maintenant nous sommes prêts à faire des efforts pour procéder à un désarmement de manière pacifique. Je ne veux pas la guerre… mais le désarmement pacifique [de l’Irak] ne peut se faire qu’avec la coopération active de Saddam Hussein.»
Pourtant, en 2009, Tony Blair a reconnu à la télévision qu’il aurait de toute façon soutenu la guerre en Irak pour renverser Saddam Hussein, qu’il y ait des armes de destruction massive en Irak ou pas.
Le rapport Chilcot devrait confirmer que Tony Blair a pris la décision d’engager son pays dans la guerre en Irak après une rencontre avec George W. Bush qui s’est déroulée dans son ranch, au Texas, en avril 2002.
Tony Blair est accusé d’avoir secrètement engagé le Royaume-Uni dans une guerre qui allait contre ses propres intérêts nationaux à la demande d’une puissance étrangère
En d’autres termes, peu importe ce que Saddam Hussein a fait ou promis de faire, lui et son pays allaient être écrasés avec «Choc et effroi». C’était une guerre de «changement de régime», prévue par les néoconservateurs de la droite américaine qui tenaient Saddam Hussein dans leur ligne de mire depuis des années : les armes de destruction massive n’étaient qu’un prétexte pour envahir le pays. Tony Blair est de surcroît accusé d’avoir secrètement engagé le Royaume-Uni dans une guerre qui allait contre ses propres intérêts nationaux à la demande d’une puissance étrangère. Certains vont jusqu’à qualifier cet acte de trahison.
Il y a un peu plus de dix ans, le général Sir Michael Rose, ancien commandant britannique de la Force de protection des Nations unies en Bosnie, avait écrit : «Tony Blair n’a jamais clairement justifié la guerre en Irak. Personne ne peut revenir sur la décision de partir en guerre. Mais Tony Blair doit être destitué si nous voulons raviver le processus démocratique.»
Nous ne pouvons pas établir de discours politique honnête tant que le chef du gouvernement n’aura pas l’obligation de rendre des comptes [à son peuple]
L’intervention du général Rose a bien sûr été critiquée par les néoconservateurs, la Henry Jackson Society ayant lancé la campagne «Ne destituez pas M. Blair pour l’Irak, félicitez-le !», mais en fait, Sir Michael avait raison.
Toujours dans les faits, Tony Blair ne sera pas destitué de sitôt. Ceux qui soutiennent encore la guerre en Irak diront qu’on ne peut pas le destituer étant donné que le dernier recours à la destitution date du XIXe siècle. Mais ils ne doivent pas gagner cette bataille. Le droit archaïque du parlement de destituer l’un de ses membres n’a jamais été aboli, au grand dam des défenseurs de Tony Blair.
Hélas, nous ne pouvons pas ramener à la vie plus d’un million de personnes qui ont été tuées depuis l’invasion illégale de l’Irak, mais nous pouvons amener devant la justice l’un des plus hauts responsables impliqués dans ce crime. En 2007, le très regretté Ken Coates avait écrit dans le Spokesman, le journal de la Bertrand Russell Peace Foundation :
«Nous ne pouvons pas établir de discours politique honnête tant que le chef du gouvernement n’aura pas l’obligation de rendre des comptes [à son peuple]. Les politiciens ont évidemment raconté des mensonges auparavant. Mais nous vivons désormais avec des mensonges qui ne peuvent pas être rattrapés, avec des supercheries qui sont devenues officielles. Là où le mensonge domine, la logique laisse place à la déraison.»
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