L'homme d'affaires algérien Rachid Nekkaz revient sur la décision d'Alger de ne pas accorder de visa à deux journalistes français lors du déplacement d'une délégation officielle en Algérie, ainsi que sur la réaction du gouvernement et des médias.
RT : Comment jugez-vous la décision des médias français, suite à l’annonce de la non-obtention de visas pour les journalistes de deux rédactions ?
Rachid Nekkaz : Je trouve que le fait que certains médias français aient décidé de boycotter la délégation de monsieur Valls avec tous les autres ministres n’est pas allé assez loin, j’aurais souhaité que ce soit la totalité des médias français qui boycottent cette délégation dans la mesure où les motivations de cette délégation ne sont pas les droits de l’Homme, un partenariat Nord-Sud, un partenariat juste. C’est simplement pour exploiter économiquement les ressources gazières et pétrolières algériennes. Le fait que seuls quatre médias participent à ce boycott veut vraiment dire que, finalement, la liberté de la presse n’est pas assez sacrée en France et que les intérêts économiques comptent plus.
Lors des attentats de Charlie Hebdo, les médias français et européens ont dit que la liberté de la presse était sacrée. Lorsqu’Alger refuse deux visas à deux journalistes, il y a simplement quatre médias qui ont été solidaires. Je trouve ça scandaleux qu’il n’y ait eu que quatre médias français solidaires de cette décision absolument incroyable d’Alger. Ça veut bien dire que les considérations économiques sont plus importantes que la liberté de la presse.
RT : Que pensez-vous de la décision d'Alger ? Comment l'interprétez-vous ?
Rachid Nekkaz : C’est lamentable. Si Alger a quelque chose à reprocher à ces médias-là, alors qu'ils intentent une action en justice. On a l’impression d’être à une autre époque. Si Alger considère que les informations du Monde sont fausses, dans ce cas-là Alger doit intenter une action en justice. Si elles sont avérées, Alger doit accepter tous les journalistes, même ceux qui ne sont pas d’accord avec Alger.
C’est une décision des ministres corrompus d’Alger : il faut bien le dire, le ministre de l’Industrie algérien est un ministre corrompu. «Panama papers» a révélé un compte en Suisse, au Luxembourg et au Panama. Ce monsieur aurait dû démissionner comme l’a fait le Premier ministre islandais. Et que dit-il ? Il dit que c’est un complot organisés par des lobbies français et américains. Comment Paris a pu accepter d’aller envoyer une délégation de huit ministres à Alger, alors que le ministre de l’Industrie qui va les recevoir accuse les lobbies français et américains d’avoir comploté contre lui. On a l’impression d’être dans un film d’Hitchcock.
Où est la fierté française ?
Comment Manuel Valls, le Premier ministre français peut aller avec le ministre de l’Economie M. Macron, qui est en première ligne pour lutter contre la corruption et l’évasion fiscale peut accepter d’être reçu par un ministre algérien corrompu et qui accuse les lobbies français et américains d’être derrière le complot de «Panama papers».
#Algerie#panamapapers : #LeMonde dénonce une "entrave à la liberté de la presse"https://t.co/gcazt5pJyfpic.twitter.com/SL567v535P
— RT France (@RTenfrancais) 8 avril 2016
On est dans un mariage pervers entre la France et l’Algérie et on voit bien que ce sont les considérations strictement économiques qui guident cette délégation française à Alger. Pourquoi 11 ministres dans un pays sous-développé comme l’Algérie ? La raison est simple : la France possède 65% du gaz naturel dans le désert algérien, à Adrar, jusqu’en 2043. Et, au nom de ces intérêts économiques qui représentent rien que pour ce gisement d’Adrar 197 milliards de dollars, la France est prête à sacrifier la sacralité de la liberté de la presse et à accepter les humeurs d’un pouvoir algérien corrompu, à l’image de son ministre de l’Industrie.
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