«Les attentats du mardi 22 mars ne sont que le versant politique et terroriste d’un échec institutionnel grave», estime l'économiste Jacque Sapir.
Les tragiques attentats de Bruxelles du 22 mars nous emplissent d’horreur et de compassion pour les victimes. Mais ces attentats sont aussi porteurs d’une leçon importante. Ils nous rappellent l’importance des Etats dans la protection, qu’elle soit physique ou sociale, des citoyens. Ces attentats sont la confirmation que seuls les Etats, en se coordonnant et en coopérant, sont à même et sont légitimes à exercer cette protection, car ils sont, dans un régime démocratique, l’expression du peuple. L’Union européenne n’a ni la légitimité, ni même la capacité matérielle, d’assurer cette protection. C’est d’ailleurs le bilan qu’en tire Pierre Briançon dans un article posté sur le site politico.eu le 23 mars.
Si la légitimité de l’UE est ainsi attaquée, si elle est mise en cause de manière aussi évidente, c’est bien parce qu’elle a failli. Il faut en tirer les conclusions qui s’imposent. Ces attentats signent l’arrêt de mort de l’Union européenne.
Très clairement, l’UE s’est avérée incapable de garantir la sécurité sociale des populations
Un échec social
Les institutions européennes, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou de celle de la Zone euro, ont été incapables de protéger les populations des pays concernés contre la crise économique qui s’est déclenchée en 2007. Ces institutions n’ont su que mettre en place un «cadre disciplinaire» qui a aggravé et fait empiré la situation. Cette crise financière constituait le type même de «choc exogène» que l’Union Economique et Monétaire (ce que l’on appelle la «Zone Euro») était dans l’incapacité de gérer (Sapir J. «La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme» in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84). Mais cette crise provoqua la mise en œuvre d’un cadre disciplinaire inouï, fondé sur le déni de légitimité des pays membres, cadre qui s’est concrétisé dans un ensemble de cinq règlements et d’une directive approuvés octobre 2011 et appelé «Six-Pack». Les États doivent se doter d’un objectif à moyen terme (OMT) qui permet de garantir la viabilité des finances publiques et le retour à l’équilibre structurel des comptes publics (déficit structurel limité à 1% du PIB). Les pays qui ont une dette dépassant 60% du PIB feront l’objet d’un «procédure de déficit excessif» s’ils ne réduisent pas d’un vingtième par an (sur une moyenne de trois ans) l’écart entre leur taux d’endettement et la valeur de référence de 60%. Si les pays qui sont en procédure de déficit excessif ne se conforment pas aux recommandations que le Conseil leur a adressées, le Conseil, sur recommandation de la Commission Européenne leur adressera des sanctions, sauf si une majorité qualifiée d’États s’y oppose, procédure nouvelle au sein de l’UE et que l’on appelle la règle de «majorité inversée». Au-delà de cette procédure, qui n’exige plus un vote «positif» pour l’adoption des sanctions, le «Six-Pack»contient toute une série de mesures extrêmement contraignantes dans le domaine macroéconomique. Ainsi, une procédure pour déséquilibre excessif pourrait désormais être lancée et des sanctions être prises à l’encontre des États sur une série d’indicateurs macroéconomiques qui inscrivent dans les textes les options néo-libérales de l’Union européenne.
Très clairement, l’UE s’est avérée incapable de garantir la sécurité sociale des populations. Elle est à l’origine de la loi «El Khomri» que défend actuellement le gouvernement français.
Quand des institutions sont incapables de garantir aujourd’hui la sécurité, qu’elle soit physique ou sociale, des populations il n’y a plus de légitimité dans ces institutions
Un échec politique
Nous constatons aujourd’hui, dans le sang et les larmes, que les institutions européennes se sont avérées touts aussi incapables de défendre physiquement les populations. Les mesures de sécurité, qu’on les juge bonnes ou mauvaises par ailleurs, sont uniquement prises par les Etats. Mais, l’action délétère de l’Union européenne s’exerce en fait sur les conditions mêmes de fonctionnement de ces Etats. Si la Belgique a été la cible de ces attaques atroces, ce n’est malheureusement pas un hasard. L’Etat belge est en pleine phase de dissolution, et il l’est tant pour des raisons économiques et linguistiques que parce que ses dirigeants ont en réalité pleinement intégré le projet européiste.
Il y a une vérité importante dont il convient de se pénétrer : quand on ne sait plus ce qui fait un Etat, quand on ne sait plus ce qui fait un peuple, c’est-à-dire une communauté politique regroupée autour d’une culture politique commune et d’un projet commun, on ouvre la porte aux communautarismes, on transige avec eux, et l’on finit par pactiser avec l’islamisme.
Mais il y a une deuxième vérité tout aussi importante : quand des institutions sont incapables de garantir aujourd’hui la sécurité, qu’elle soit physique ou sociale, des populations il n’y a plus de légitimité dans ces institutions ; il n’y a plus que la violence nue, qui s’exerce d’ailleurs avant tout contre ces populations.
De ce point de vue, les attentats du mardi 22 mars ne sont que le versant politique et terroriste d’un échec institutionnel grave que l’on a pu mesurer depuis des années dans le versant social. L’unité de ces deux versants doit constituer la base d’un mouvement profond exigeant de nos élites qu’elles assurent notre sécurité ou, si elles en sont incapables, qu’elles déguerpissent au plus vite pour laisser la place à ceux qui seront prêts, dans le respect des souverainetés et de la légitimité, à le faire à leur place.
Source : russeurope.hypotheses.org
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