Pour résoudre la crise des réfugiés, il faut arriver à une responsabilité partagée entre tous les pays du monde, estime William Spindler, porte-parole de l'agence de l'ONU pour les réfugiés.
RT France : Comment décririez-vous la situation humanitaire actuelle en Europe au regard de l’afflux de migrants ?
William Spindler : La situation est critique. Des dizaines de milliers de migrants arrivent en Grèce, où ils finissent bloqués car la plupart ne peuvent continuer leur périple vers le centre et le nord de l'Europe. La crise risque donc d’y devenir humanitaire. Cette situation, où la responsabilité d’un problème d’envergure internationale comme cette crise des réfugiés incombe un seul pays – qu’il s’agisse de la Grèce, de l'Allemagne ou d'un autre pays – ne peut perdurer. Il doit y avoir une réponse coordonnée de la part des pays d'Europe, qui ont les moyens de faire face à cette crise. Mais ils doivent travailler de manière coordonnée en montrant une vraie solidarité envers des pays, comme la Grèce bien sûr, mais aussi comme ceux qui en ce moment protègent et aident la majorité des réfugiés. Il s'agit de pays tels que la Turquie, la Jordanie, le Liban, l'Irak et d’autres pays, notamment en Afrique, comme l'Ethiopie et le Kénya.
La crise des réfugiés risque devenir humanitaire
RT France : Concernant la situation humanitaire que vivent actuellement les migrants en Europe : était-il raisonnable d'inviter des réfugiés en Europe, alors que les Européens – et notamment les Français – ne sont pas capables de fournir les conditions adéquates d’accueil pour ces réfugiés ?
W. S. : Le problème est que tout est extrêmement chaotique en ce moment : ces personnes arrivent par leurs propres moyens, souvent avec l'aide des passeurs. Ils voyagent dans des conditions déplorables, dangereuses, et de manière clandestine. Nous voudrions que s’organisent des mouvements coordonnés pour les personnes qui voyagent et qui ont le plus besoin de protection, pas pour ceux qui ont les moyens de voyager. Quant aux communautés qui vont les accueillir, elles disposent de capacités suffisantes pour les accueillir, pour préparer leur arrivée. Comme on ne peut arrêter ce mouvement, il faut l'organiser, l’accompagner de manière légale, ne pas laisser ce travail aux passeurs et aux personnes qui profitent de ce type de situations.
C'est une crise internationale, ce n'est pas le problème d'un seul pays ou d'une poignée
RT France : Pourquoi la situation reste-t-elle aussi précaire à Calais, notamment dans la «Jungle» ?
W. S. : La situation à Calais est très particulière. La majorité de ces individus ont des familles en Grande-Bretagne. Il doit là également y avoir coopération entre les différents pays européens – ici entre la Grande Bretagne et la France – pour trouver une solution. Il ne faut pas oublier que l'Europe a une population de 500 millions d'habitants et dispose des économies les plus développées de la planète. Cette crise n'est pas le résultat d'un manque de moyens mais d'un manque de volonté politique. Trois pays (l'Allemagne, la Suède et l'Autriche) ont accueilli la plupart des réfugiés, quand les autres pays n'y ont pas vraiment contribué. Avec une responsabilité partagée, le problème pourrait être résolu. Il ne faut pas oublier, non plus, que l’Europe n’est pas la seule à devoir porter cette responsabilité. Il y a aussi le reste du monde : les pays arabes, ceux de l'Amérique du Nord, de l'Amérique latine, de l'Asie et ainsi de suite... Tous peuvent contribuer, car c'est une crise internationale, ce n'est pas le problème d'un seul pays ou d'une poignée.
La construction des barrières ne sert à rien
RT France : Certains pays construisent des barrières afin que les migrants ne puissent passer sur leurs territoires. Pourquoi cela arrive-t-il, alors que des pays européens étaient plusieurs à assumer jusque-là leurs responsabilités dans la crise des réfugiés ?
W. S. : De notre point de vue, la construction des barrières ne sert à rien, car les personnes désespérées trouveront toujours une manière d'arriver à leurs fins. Cet obstacle pousse les migrants à prendre une route beaucoup plus dangereuse, à utiliser des passeurs. Ils vont chercher ailleurs. Cela ne va aucunement résoudre le problème. Il faut vraiment s'attaquer à l’origine du problème, qui se trouve dans les conflits régionaux actuels. Il faut trouver une solution politique aux conflits en Irak et en Syrie. Il faut aider les réfugiés où ils se trouvent en ce moment. Il faut prendre des mesures pour que les réfugiés voyagent avec des visas et des permis, pour qu'il y ait des programmes d’installation, des politiques familiales, des programmes d'études et ainsi de suite. De cette manière on pourrait avoir, au lieu de cette situation chaotique, des mouvements de population coordonnés, contrôlés, prévisibles.
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