Les législatives du 6 décembre au Venezuela risquent de finir par un coup d'Etat manipulé par plusieurs forces, intéressées dans la déstabilisation de l’Amérique Latine, selon l'analyse géopolitique de Michel Collon.
Depuis 1999, les chavistes ont gagné toutes les élections sauf un référendum perdu de justesse. Mais les législatives du 6 décembre s’avèrent très incertaines. Des incidents sont prévisibles, et même programmés. Par qui et pourquoi ?
Aujourd’hui au Venezuela, les pauvres reçoivent enfin des soins médicaux, l’accès aux études et à la culture, des logements, des infrastructures. Le pays a réalisé brillamment les Objectifs du Millénaire pour le Développement. La pauvreté a diminué de moitié (pendant qu’elle doublait aux Etats-Unis et en Europe). Grâce à qui ? Grâce à Hugo Chavez qui récupéra l’argent du pétrole pour l’Etat afin de financer tout cela.
La tactique «les élections sont truquées» est constante chez l’opposition vénézuélienne et systématiquement relayée avec mauvaise foi dans les médias occidentaux
Tout le monde content alors ? Bravo, la révolution ? Pas tout le monde. Exxon et Chevron n’ont jamais accepté de partager le gâteau. Les milliardaires de Caracas n’ont jamais accepté de ne plus contrôler le pouvoir. Tous ceux qui avaient condamné le peuple vénézuélien à la misère pendant que le pétrole coulait à flots, tous ceux-là n’ont jamais arrêté de vouloir restaurer les privilèges : un coup d’Etat «made in CIA» en 2002 (ses propres documents le confirmèrent - Eva Golinger, Code Chavez – CIA contre Venezuela, Marco Pietteur, Liège, 2005), un sabotage de l’industrie pétrolière et de l’économie en 2003, une tentative de déstabilisation en 2004… La liste est longue des différentes formes qu’a prises cette guerre contre le Venezuela.
Les médias possédés par ces mêmes milliardaires ont eux aussi déclenché une guerre permanente contre la révolution. Ces médias sont liés à des groupes financiers internationaux, au premier rang desquels l’Espagnol Prisa, complice du coup d’Etat militaire en 2002 et propriétaire du Monde français (Michel Collon, Les 7 Péchés d’Hugo Chavez, Investig’Action, Bruxelles, 2009, chapitres 17 et 18).
L’ex-président des Etats-Unis Jimmy Carter a même déclaré que le système électoral vénézuélien est «le meilleur du monde»
Faut-il alors s’étonner de voir cette semaine Felipe Gonzalez, ex-Premier ministre PS espagnol, qui s’est construit une fortune personnelle grâce à… Prisa, et Mariano Rajoy, actuel premier ministre et très dépendant des faveurs de Prisa, faut-il s’étonner de les voir lancer un appel «à la démocratie» au Venezuela (relayée par La Tribune de Genève, Le Soir de Belgique, Mediapart et bien d’autres), en compagnie de cet autre grand démocrate David Cameron ! En insinuant que le président Maduro ne respectera pas le résultat des élections.
Deux remarques.
1. La tactique «les élections sont truquées» est constante chez l’opposition vénézuélienne et systématiquement relayée avec mauvaise foi dans les médias occidentaux. Peu importe que toutes les missions internationales aient conclu que toutes les précédentes élections avaient été correctes. Peu importe que l’ex-président des Etats-Unis Jimmy Carter ait même déclaré que le système électoral vénézuélien est «le meilleur du monde», cela est escamoté par les grands médias européens.
2. Il est vrai cependant que cette élection est très incertaine : une partie de l’électorat chaviste est fatiguée. Pour quelle raison ? Depuis trois ans (depuis la mort de Chavez en fait), une véritable guerre économique est menée par l’opposition, la Colombie et surtout les Etats-Unis. Modèle : la déstabilisation du Chili de l’Unité populaire entre 1970 et 1973.
On voit des complots partout ? Ben, celui-là, il a été prouvé ! Grâce aux efforts inlassables de Peter Kornbluh, pour faire publier les documents secrets de l’administration des Etats-Unis, on sait à présent que le vice-directeur de la CIA déclarait en 1970 : «Renverser Allende par un coup d’Etat est notre politique déterminée et constante. Il est impératif que ces actions soient réalisées clandestinement afin que la main du gouvernement américain reste cachée» (Peter Kornbluh, «The Pinochet File : A Declassified Dossier on Atrocity and Accountability», The New Press, USA, 11 septembre 2003).
Parmi ces actions : «Faites crier l’économie chilienne» («Make the economy scream») avait ordonné le président Nixon, pour préparer le coup d’Etat fasciste de Pinochet. L’économie chilienne fut sabotée afin d’exténuer la population et de priver l’Unité populaire de son soutien.
N’empêche, le mécontentement d’une partie de la population est réel et le résultat de cette élection fort incertain
Et si vous croyez que c’est fini, que jamais plus les Etats-Unis ne recourent à ces tactiques barbares et inhumaines, lisez l’étude très bien documentée du sociologue français Romain Migus à ce sujet (Romain Migus, Elections législatives au Venezuela : pourquoi le chavisme peut gagner). Spéculation contre le bolivar (monnaie nationale) notamment par la puissante narco-mafia colombienne, contrebande d’essence, évasion des marchandises revendues à l’étranger pour vider les magasins et semer la panique, et bien sûr attaque sur les cours du pétrole par l’Arabie saoudite pour provoquer des difficultés à certains pays producteurs (Venezuela, Iran, Russie…).
Aller plus loin : L’Arabie saoudite devient le premier acheteur d’armes au monde
Il ne s’agit pas de prétendre que la révolution n’a pas commis d’erreur dans la gestion de l’économie. Mais il est de toute façon très difficile de transformer une économie entièrement basée sur le pétrole (l’industrie et l’agriculture du pays ont été détruites dans les années 1960-1970) en une économie diversifiée et saine. Cela prendra du temps.
Le général John Kelly, responsable des Etats-Unis contre l’Amérique latine s’est généreusement dit prêt à intervenir «si on leur demandait»
N’empêche, le mécontentement d’une partie de la population est réel et le résultat de cette élection fort incertain. Mais les chavistes sont mieux organisés que l’opposition et le système électoral (qui avantage fortement le parti arrivé en tête, comme en France ou en Grande-Bretagne d’ailleurs) pourrait leur donner une bonne avance en sièges même en cas de scores très serrés.
Et c’est là que la propagande tourne à plein (comme à chaque élection) pour insinuer que les chavistes vont tricher, que l’opposition devra recourir à la violence comme elle l’a déjà essayé plusieurs fois depuis la mort de Chavez. Le général John Kelly, responsable du SouthCom (forces des Etats-Unis contre l’Amérique latine) s’est généreusement dit prêt à intervenir «si on leur demandait». «On» visant les milliardaires de Caracas, bien sûr.
Le 7 décembre, il y aura des incidents et une autre tentative de renverser violemment la révolution. Même si celle-ci a négligé d’apporter une information performante pour se défendre dans le monde face aux médiamensonges, il importe que chaque citoyen d’ici s’informe correctement, écoute bien les divers points de vue et soit vigilant face au probable «coup d’Etat médiatique». C’est aux peuples de décider leur avenir, et pas à la Maison Blanche, ni à la CIA.
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