Deux dirigeants du journal turc Cumhuriyet sont détenus pour avoir publié des informations sur les livraisons d'armes par la Turquie à des islamistes syriens. Professeur à l’université de Galatasaray et chroniqueur à Cumhuriyet, Ahmet Insel commente.
«Les pouvoirs autoritaires n’aiment pas quand on révèle la vérité de leurs mensonges», s’indigne Ahmet Insel.
Les journalistes sont accusés d'«espionnage» par le pouvoir turc, de «trahison» et de «divulgation de secrets d'Etat» pour avoir publié en mai 2015 un article sur de possibles livraisons d'armes par les services secrets turcs (MIT) à des islamistes en Syrie. Les faits remontent à janvier 2014, le journal les a publiés 15 mois plus tard.
Dans l’article il ne s’agit pas de Daesh, mais des preuves sont fournies concernant les livraisons d’armes vers des groupes d’opposition syriens. «A l’époque Daesh n’était pas si puissant», affirme l’universitaire.
Avec l'UE préoccupée par l’affaire des journalistes d’opposition arrêtés, Monsieur Insel pense qu’en Turquie «on continue à parler librement». Le journal Cumhuriyet, a notamment publié aujourd’hui les révélations du ministère de la défense russe concernant l’implication de la famille Erdogan dans la vente du pétrole de Daesh. «C’est à la une du journal aujourd’hui», indique Ahmet Insel.
Le chroniqueur de Cumhuriyet estime que le journal va probablement encore subir des représailles de la part des autorités. «Nous avons appris que les inspecteurs des finances ont décidé d’entamer un contrôle fiscal du journal sur un an, s’inquiète Ahmet Insel., il va probablement y avoir des pressions de ce type, et cela va continuer».
Quant à la détention des journalistes de Cumhuriyet, qui risquent 45 ans de prison, l’universitaire n’est pas persuadé qu’ils vont réellement purger la totalité de cette peine : «En Turquie, nous sommes spécialistes des procès qui ouvrent en annonçant une peine de 45 ans pour ce genre de choses, mais après le ton change», confie Ahmet Insel. «Par contre, ils peuvent malheureusement rester en détention provisoire un bon bout de temps avant d’être déférés devant le tribunal. C’est déjà inadmissible».
Cumhuriyet n’est pas le seul journal à subir des pressions de la part des autorités turques. Selon Ahmet Insel, la presse appartenant à la communauté Gülen endure des représailles «parce que Recep Tayyip Erdogan a décidé que la communauté Gülen était son ennemie». Le président turc l’accuse notamment d’avoir révélé des informations sur la corruption en décembre 2013. «Ils ont saisi les biens appartenant aux membres de cette communauté et ils les accusent d’être une organisation terroriste», déplore l’universitaire. Les autorités ont saisi des journaux et ont fermé des chaînes de télévision. Cela révèle la tendance générale en ce qui concerne la presse d’opposition, d’extrême gauche qui est «systématiquement réprimée» : «Il y a environ 23 journalistes en prison en Turquie, soit en détention provisoire, soit condamnés», conclut Ahmet Insel.
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