«Lors de ces huit dernières semaines, le droit humanitaire international n'a pas seulement été ignoré mais il a tout simplement été jeté par-dessus bord», a déclaré Michelle Bachelet, la Haute commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, citée dans un communiqué ce 22 avril, au sujet de l'actuel conflit en Ukraine.
«Ce que nous avons vu à Kramatorsk, dans la zone contrôlée par le gouvernement [ukrainien], le 8 avril, quand des sous-munitions ont frappé la gare, tuant 60 civils et en blessant 111 autres, est emblématique de l'incapacité à adhérer au principe de distinction [entre civils et militaires], l'interdiction de mener des attaques indiscriminées et le principe de précaution qui est inscrit dans le droit humanitaire international», a également déclaré Michelle Bachelet, en référence au bombardement meurtrier d'une gare pour lequel Moscou et Kiev se renvoient la responsabilité.
Ravina Shamdasani, une porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'homme (HCDH) des Nations unies, lors d'un briefing régulier de l'ONU à Genève, a porté des accusations contre l'armée russe en particulier : «Les forces armées russes ont bombardé et pilonné de manière indiscriminée des zones peuplées, tuant des civils et détruisant des hôpitaux, des écoles et d'autres infrastructures civiles, autant d'actions pouvant relever des crimes de guerre.»
«C'est à une Cour de justice de déterminer in fine si c'est le cas mais il y a de plus en plus de preuves que des crimes de guerre sont commis», a-t-elle ajouté, relevant toutefois ne pas disposer de documents indiquant que des «crimes contre l'humanité» ou un «génocide» avaient été commis. Si Ravina Shamdasani n'a pas exclu que la partie ukrainienne ait également violé le droit humanitaire à certaines occasions, «la très large majorité de ces violations, et de très loin, sont attribuables aux forces russes», a-t-elle estimé. Ravina Shamdasani a également déclaré que 92,3% du nombre de victimes enregistrées par les services de Michelle Bachelet «sont attribuables aux forces russes, tout comme les allégations de meurtre et les exécutions sommaires».
Allégations au sujet des civils morts à Boutcha
La porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'homme a précisé que les inspecteurs de l'ONU avaient documenté le «meurtre, y compris certains par exécution sommaire», de 50 civils dans la ville de Boutcha, en banlieue de Kiev, où la Russie est accusée par Kiev et les Occidentaux d'être responsable de la mort de nombreux civils. Moscou a catégoriquement démenti les allégations portées contre elle à ce propos. Le 3 avril, le ministère russe de la Défense a affirmé que ses forces s'étaient complètement retirées de Boutcha le 30 mars, alors que les «preuves de crimes» ne sont apparues que quatre jours plus tard, lorsque des agents des services de sécurité ukrainiens sont arrivés dans la ville. En outre, le président russe Vladimir Poutine a dénoncé une «provocation brutale et cynique du régime de Kiev» à Boutcha. Enfin, le parquet général de la Fédération de Russie a annoncé l'ouverture d'une enquête au sujet des images diffusées à l'appui des accusations ukrainiennes.
Outre le cas de Boutcha, la mission de surveillance des droits de l'homme du HCDH enquête aussi sur les accusations de violences sexuelles des soldats russes contre des femmes, hommes et enfants et fait état de 155 cas de détention de civils – responsables locaux, journalistes, militants ou défenseurs des droits humains et autres – par les troupes russes. Le Haut commissariat affirme aussi que certains civils détenus ont été torturés et qu'au moins cinq personnes victimes d'enlèvements forcés ont été retrouvées mortes.
Des accusations visant les forces ukrainiennes
Côté forces ukrainiennes, les services de Michelle Bachelet disposent d'informations sur des personnes détenues arbitrairement et dans l'incapacité de communiquer avec des proches, ce qui soulève d'inquiétantes questions sur «les disparitions forcées, le respect du droit ainsi que le risque de torture et de mauvais traitement», indique l'AFP.
Ces dernières semaines, les autorités russes ont accusé les soldats et combattants ukrainiens de diverses exactions sur des prisonniers de guerre. Fin mars, l'ONG Human Rights Watch (HRW) avait appelé les autorités ukrainiennes à enquêter sur de potentiels crimes de guerre envers les prisonniers russes, après la diffusion d'images semblant montrer des soldats ukrainiens leur tirant dans les jambes.
En outre, le 21 avril, un Comité d'enquête russe avait découvert dans les décombres à Marioupol des dizaines de corps de civils, notamment dans un hôpital. L'organisme a évoqué dans un communiqué des «traces de crimes commis par des militaires des forces armées ukrainiennes contre des civils».
Pour rappel, la Russie a lancé le 24 février une opération militaire en Ukraine, dénoncée par Kiev et les Occidentaux notamment comme une guerre d'invasion. Selon le président russe Vladimir Poutine, cette opération vise à «démilitariser» et «dénazifier» l'Ukraine et à porter secours aux Républiques autoproclamées du Donbass (reconnues par Moscou), dont les populations seraient menacées de «génocide». Depuis le début de cette opération, l'armée russe a affirmé à de nombreuses reprises ne pas viser les populations civiles.