Le refus d'Emmanuel Macron de dénoncer un «génocide» en cours en Ukraine a été jugé «très blessant» par son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Plusieurs dirigeants occidentaux, dont Joe Biden, ont ainsi employé ce terme pour évoquer les crimes qui seraient selon eux commis par l'armée russe en Ukraine. De son côté, Moscou dément fermement viser les civils, dénonce des «falsifications», et justifie précisément son intervention militaire par sa volonté d'empêcher Kiev de perpétrer un «génocide» des populations russophones du Donbass, dans l'est ukrainien.
Réagissant à la position du dirigeant français le 13 avril, le chef de l'Etat ukrainien a déclaré lors d'une conférence de presse commune avec ses homologues polonais, lituanien, estonien et letton, en visite à Kiev : «S'ils sont vrais, de tels propos sont très blessants pour nous.»
«Je ferai de mon mieux pour discuter de cette question avec Emmanuel Macron aujourd'hui. Si ce n'est pas le cas, alors demain, quand il trouvera le temps», a ajouté Volodymyr Zelensky.
Je ne suis pas sûr que l'escalade des mots serve la cause
Dans la journée du 13 avril, Emmanuel Macron avait choisi de ne pas reprendre le terme «génocide» utilisé pour la première fois par le président américain Joe Biden dans une nouvelle charge visant l'action du président russe Vladimir Poutine en Ukraine. Ce choix de vocabulaire a été salué par Volodomyr Zelensky dans un tweet comme les «vrais mots d'un vrai leader», car «appeler les choses par leur nom est essentiel pour s'opposer au mal», selon le dirigeant, qui a une nouvelle fois en réclamé «en toute urgence plus d'armes lourdes».
Macron préfère «rester prudent»
Au cours d'un entretien sur France 2, Emmanuel Macron a en revanche indiqué qu'il préférait «rester prudent avec les termes [employés] aujourd'hui», rappelant que le terme de génocide a un sens précis. «Il est maintenant établi que des crimes de guerre ont été faits par l'armée russe et qu'il faut maintenant en trouver les responsables», a déclaré Emmanuel Macron dans un premier temps. «C'est une folie ce qui est en train de se passer, c'est d'une brutalité inouïe [...] mais je regarde en même temps les faits et je veux essayer au maximum de continuer à pouvoir arrêter cette guerre et à rebâtir la paix, donc je ne suis pas sûr que l'escalade des mots serve la cause», a-t-il poursuivi.
Le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Oleg Nikolenko avait rapidement réagi auprès de l'agence de presse Interfax-Ukraïna, jugeant la position de Emmanuel Macron «décevante». Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a lui aussi évoqué pour la première fois un «génocide» en Ukraine.
La diplomatie américaine a également justifié le 13 avril l'accusation de «génocide» portée par Joe Biden contre la Russie. «Je pense qu'une fois que nous aurons pu réunir toutes les preuves, nous allons finir par arriver à la même conclusion que le président Biden, car ce qui se passe sur le terrain n'est pas un accident », a déclaré sur la chaîne CNN la numéro trois de la diplomatie américaine, Victoria Nuland. « C'est une décision intentionnelle prise par la Russie et par ses forces de détruire l'Ukraine et sa population civile», a-t-elle ajouté.
Moscou continue de dénoncer des «falsifications»
Les autorités ukrainiennes et de nombreux pays occidentaux accusent la Russie d'être coupable d'exactions dans le cadre de son offensive lancée fin février, notamment dans la ville ukrainienne de Boutcha. La Russie se défend en dénonçant une «mise en scène» et des «falsifications» orchestrées par les Ukrainiens et destinées à lui nuire, multipliant les démentis catégoriques à propos de ces accusations : le ministère de la Défense, puis le ministère des Affaires étrangères avaient ainsi déjà évoqué des «fausses informations», avant que le président russe évoque une «provocation brutale et cynique du régime de Kiev» lors d'un échange avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a maintenu cette position lors d'une interview sur LCI le 7 avril, qualifiant de «falsification» les images et vidéos soutenant les accusations qui visent la Russie.
Le 12 avril, le président russe Vladimir Poutine a affirmé que l'opération militaire déclenchée le 24 février poursuivait des «objectifs nobles» en protégeant les habitants du Donbass et en se prémunissant d'une résurgence du nazisme qui menace selon lui la Russie, l'Ukraine s'étant transformée en «une tête de pont antirusse».